Thierry Ardisson : l’ultime émotion d’un homme en noir face à la lumière de sa vieMort de Thierry Ardisson : sa dernière interview en larmes chez Léa Salamé  - Public

La disparition de Thierry Ardisson, figure emblématique du paysage audiovisuel français, laisse un vide immense dans le cœur des téléspectateurs, des professionnels des médias, et de ceux qui ont grandi avec ses émissions aussi provocantes que cultes. À 76 ans, l’homme en noir a succombé à un cancer du pancréas, après un long combat mené dans le silence, la dignité, et la pudeur. Hospitalisé à l’hôpital américain de Neuilly, l’animateur a passé ses derniers jours dans un coma artificiel. Mais avant de s’éteindre, Thierry Ardisson a eu le temps de poser une dernière empreinte bouleversante sur les ondes et les cœurs : une interview poignante accordée à Léa Salamé sur France Inter en mai 2025, qui prend aujourd’hui une résonance toute particulière.

Une interview chargée d’émotion, devenue testament

Invité pour parler de son livre L’homme en noir, Ardisson ne s’attendait pas à être submergé par l’émotion. Dès les premières minutes, on sentait que quelque chose d’inédit allait se produire dans ce studio de radio habituellement si maîtrisé. En face de Léa Salamé et de Nicolas Demorand, Thierry Ardisson n’a pas pu retenir ses larmes. À la surprise générale, ce roi du contrôle, ce maître de l’interview millimétrée, a fondu en sanglots en évoquant la lecture du livre Intérieur nuit de Demorand, dans lequel ce dernier raconte son combat contre la bipolarité.

« Son livre, il m’a explosé », confiait Ardisson d’une voix tremblante, les yeux embués. « J’ai les larmes aux yeux à cause de Demorand […] J’ai lu son livre, je suis rentré dans ce studio, j’étais… Voilà, et puis j’ai vu Nicolas… ». Une confession inattendue qui a saisi tout le plateau, et dont l’authenticité a profondément marqué les auditeurs.

Cette fragilité, Ardisson ne la montrait que rarement. Mais ce jour-là, comme s’il pressentait l’approche de la fin, il avait choisi de tomber le masque. Un moment rare, sincère, presque sacré, où l’homme médiatique s’est effacé devant l’homme tout court.Il avait connu la bipolarité, la maladie mentale et il en avait énormément  souffert” : Léa Salamé rend hommage à Thierry Ardisson (ZAPTV)

La figure du père, une blessure jamais refermée

C’est pourtant un autre souvenir qui a fait chavirer Ardisson au micro de France Inter : celui de son père, Victor Ardisson. Évoquant l’influence déterminante de ce dernier sur sa vie, il disait avec émotion : « Mon père m’a beaucoup apporté, sur le plan cinématographique, c’est lui qui m’a fait écouter Europe 1, qui m’a fait lire Paris Match, qui m’a amené voir des films. Tout ça, évidemment, c’est vrai ».

Ce retour aux origines, cette plongée dans l’enfance, témoignait d’un Thierry Ardisson en quête de sens, de réconciliation peut-être, ou simplement d’un ultime hommage à celui qui l’avait initié aux mondes qu’il allait ensuite dominer : celui des médias, de la culture populaire, du verbe bien aiguisé.

Une séquence d’une rare humanité

Face à ces deux hommes en pleurs, Léa Salamé, d’abord interloquée, a réagi avec une pointe d’humour, comme pour briser la tension dramatique de ce moment de grâce : « J’ai deux mecs qui chialent devant moi, c’était pas prévu comme ça ». Une phrase à la fois légère et profondément touchante, qui rappelle la force des silences autant que celle des mots.

Cette séquence, devenue virale quelques heures après sa diffusion, est désormais considérée comme l’un des moments les plus forts de la carrière de Thierry Ardisson. Non pas pour sa flamboyance ou son cynisme habituel, mais pour sa vérité nue.Rarement vu un homme qui…” : Léa Salamé abasourdie par cette disposition de Thierry  Ardisson avant sa mort - Closer

Les dernières semaines, entre souvenirs et amour

Au fil des dernières semaines de sa vie, Ardisson s’était replié sur lui-même, sur ses souvenirs, sur ce qu’il avait construit. « Quand tu commences à être plus près de la fin que du début, tu ne peux pas t’empêcher de plonger dans tes souvenirs », avait-il confié au Parisien dans une interview publiée peu de temps après son passage à France Inter. Tout était dit. Ou presque.

Sa femme, la journaliste Audrey Crespo-Mara, a joué un rôle essentiel dans cette dernière période. À ses côtés jusqu’au bout, elle a filmé les ultimes moments de leur vie commune pour en faire un documentaire intime. C’est à elle que sont allés les derniers mots de l’homme en noir. Non pas à la télévision, mais dans l’ombre de leur amour, loin des projecteurs.

Une fin à la hauteur du personnage

Thierry Ardisson s’est éteint comme il a vécu : avec intensité, avec style, et avec une émotion qu’il a longtemps gardée pour lui. L’homme en noir aura marqué des générations avec ses interviews provocatrices, son sens du spectacle, et cette capacité à révéler ce que les autres cachaient.

Mais c’est peut-être dans cette dernière interview, fragile et lumineuse, qu’il aura dit l’essentiel. Sans cynisme, sans jeu, sans détour.

Il aura tout dit, sans rien dire.