Thierry Ardisson : entre hommages émus et accusations posthumes, une figure controversée de la télévision françaiseMort de Thierry Ardisson : Judith Godrèche refuse de se joindre aux hommages  des stars et dénonce son comportement - Public

La disparition de Thierry Ardisson, survenue ce lundi 14 juillet 2025, à l’âge de 76 ans, des suites d’un cancer du foie, a plongé le monde de la télévision dans l’émotion. Hospitalisé à l’Hôpital Américain de Neuilly depuis plusieurs semaines, celui que l’on surnommait « l’homme en noir » a succombé à la maladie, laissant derrière lui une carrière aussi marquante que controversée.

Tandis que de nombreuses personnalités publiques saluent sa mémoire et rappellent son rôle dans l’évolution du paysage audiovisuel français, d’autres voix, plus critiques, choisissent de ne pas s’inscrire dans cet hommage unanime. Parmi elles, Judith Godrèche, comédienne et figure engagée de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le milieu artistique, a pris la parole pour dénoncer les dérives qu’elle associe à l’homme et à son travail.

Une archive qui dérange

Sur son compte Instagram, Judith Godrèche a publié une séquence extraite de l’émission Tout le monde en parle, emblématique du style Ardisson dans les années 1990 et 2000. Dans cet extrait, on la voit, très jeune, invitée sur le plateau de l’animateur. Celui-ci lui demande si elle aime « les hommes mûrs », avant de faire référence à une prétendue relation avec un « vieux de 35 ans » et de l’interroger sur l’idée de tourner un film pornographique.

Face à ces questions intrusives et sexualisées, Judith Godrèche esquisse un rire gêné. Un rire qu’elle analyse aujourd’hui avec un regard critique :

« Combien de jeunes filles ont appris à éclater de rire pour ponctuer leur gêne, donner le change, se faire croire que tout va bien ? Ce rire dure longtemps, il me gêne aujourd’hui quand il apparaît. Il est encore là. J’apprends à le considérer comme un ami », écrit-elle en légende de la vidéo.

Une publication poignante, qui a suscité une vague de soutien mais aussi de vifs débats autour du rôle de Thierry Ardisson dans la perpétuation d’un sexisme télévisuel longtemps banalisé.Mort de Thierry Ardisson : Judith Godrèche refuse de se joindre aux hommages  des stars et dénonce son comportement - Public

Une vague de réactions

Les internautes ont rapidement réagi à cette prise de parole, saluant le courage de l’actrice et partageant leurs propres souvenirs de malaise liés à l’univers médiatique des années 90.

« Des décennies de malaisance à regarder les femmes se faire humilier sur son plateau », peut-on lire dans les commentaires.
« Cet homme a nourri le sexisme sociétal et patriarcal pendant des décennies. Les abus aussi probablement. Les femmes ne lui disent pas merci », écrit un autre.
« J’ai vécu ce même type d’humiliation vulgaire dans ces émissions », témoigne une internaute.

Certains rappellent l’ambiance de ces « shows » télévisés, où les femmes semblaient souvent réduites à des objets de désir ou de moquerie, sous les rires d’un public complice ou médusé. Le duo Ardisson/Baffie, souvent pointé du doigt, apparaît rétrospectivement comme le symbole d’une époque où la misogynie trouvait facilement sa place à l’antenne.

Judith Godrèche, une voix essentielle

Depuis plusieurs années, Judith Godrèche s’impose comme l’une des figures de proue du mouvement #MeToo en France. Elle a notamment porté des accusations publiques contre des figures du cinéma et milite activement pour briser le silence autour des violences faites aux femmes dans le milieu culturel.

Son témoignage autour de Thierry Ardisson s’inscrit dans cette même volonté de mettre en lumière des comportements longtemps tolérés ou minimisés. Elle ne remet pas en question la carrière télévisuelle du personnage, mais invite à regarder aussi l’envers du décor : le traitement réservé aux invitées, les discours sous-jacents, la complaisance du système médiatique.

Son message ne vise pas uniquement Ardisson, mais une époque, une industrie, une culture. Il appelle à une relecture critique de ce qui a longtemps été considéré comme « de l’humour », mais qui, sous un autre prisme, peut aujourd’hui être vu comme humiliant, sexiste, voire violent.Mort de Thierry Ardisson : Judith Godrèche refuse de se joindre aux hommages  des stars et dénonce son comportement - Public

Un héritage ambivalent

Avec sa disparition, Thierry Ardisson laisse derrière lui un héritage contrasté. Créateur d’émissions cultes comme Paris Dernière, Tout le monde en parle ou Salut les Terriens, il a marqué plusieurs générations de téléspectateurs par son sens de la provocation, sa voix monocorde et son look noir iconique.

Mais si certains le saluent comme un précurseur, d’autres estiment qu’il a également contribué à installer un climat de domination masculine dans les médias. L’omniprésence du sous-entendu sexuel, les interviews parfois agressives, et une certaine fascination pour la transgression au détriment du respect sont aujourd’hui réévalués à l’aune des luttes féministes contemporaines.

Même après sa mort, Thierry Ardisson continue donc de diviser. Il incarne à la fois une époque de la télévision audacieuse et irrévérencieuse, et les dérives sexistes qui ont longtemps été tolérées au nom du divertissement.

Une mémoire en débat

Le cas Ardisson illustre à quel point la mémoire des figures publiques peut être complexe. Peut-on saluer l’œuvre sans taire les abus ? Est-il possible de rendre hommage tout en restant lucide sur les failles ? Judith Godrèche, par son témoignage, refuse l’oubli. Elle réclame que l’on écoute enfin les rires gênés d’antan et qu’on leur accorde la place qu’ils méritent dans notre mémoire collective.

Car derrière chaque séquence d’archive, il y a une personne. Derrière chaque rire, parfois, une douleur. Thierry Ardisson est mort, mais le débat, lui, ne fait que commencer.