Pau, l’indicible isolement : le drame silencieux de madame Gisèle

Dans un petit quartier résidentiel de Pau, niché derrière des haies bien taillées et des clôtures fatiguées, vivait madame Gisèle, 84 ans. Depuis la mort de son mari il y a quinze ans, elle habitait seule une modeste maison à un étage,

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dont les volets ne s’ouvraient que rarement. Sa voix, pourtant, perçait chaque matin le silence du voisinage. Depuis sa fenêtre entrouverte, elle appelait doucement : « Stéphane ? Tu viens aujourd’hui, mon chéri ? »

Les voisins, habitués à ces appels, y voyaient l’écho poignant d’une solitude pesante, mais peu s’imaginaient l’ampleur du drame qui se tramait à quelques mètres d’eux. Jusqu’à ce jour d’été où l’un d’eux, inquiet de ne plus entendre la vieille dame depuis plusieurs jours, décida de prévenir les services de police.

Quand les agents sont arrivés, la porte était fermée de l’intérieur, et aucune réponse ne venait aux coups répétés. Ils ont fini par forcer l’entrée. Ce qu’ils ont découvert a glacé le sang des plus aguerris :

dans sa chambre faiblement éclairée, gisait madame Gisèle, attachée aux montants de son lit avec des draps noués, déshydratée, souillée, incapable de parler, le regard vide. L’odeur âcre de l’abandon flottait dans l’air. Elle n’avait ni eau ni nourriture à portée de main.

Le médecin urgentiste, arrivé peu après, a confirmé qu’elle était en état de dénutrition sévère et de détresse vitale. Elle a été transportée d’urgence au CHU de Pau, où elle a été placée sous surveillance intensive.

Pendant ce temps, l’enquête s’est rapidement orientée vers son fils unique, Stéphane M., âgé de 49 ans, bénéficiaire du RSA, vivant officiellement sous le même toit que sa mère mais invisible depuis plusieurs jours.

Les policiers l’ont retrouvé dans un squat à quelques kilomètres de là. Interpellé, il a d’abord nié toute responsabilité, affirmant que sa mère « aimait être seule » et qu’il « passait de temps en temps ». Mais les preuves étaient accablantes.

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Les voisins ont témoigné de cris étouffés venant de la maison plusieurs jours avant l’intervention, et une voisine a affirmé avoir entendu Gisèle supplier qu’on lui « détache les poignets ».

L’homme a finalement reconnu avoir attaché sa mère pour, dit-il, « l’empêcher de tomber pendant la nuit » et être parti plusieurs jours « pour souffler un peu ». Il ne s’attendait pas à ce que la situation dégénère ainsi. Cette déclaration a indigné l’opinion publique, qui y a vu un déni de responsabilité insupportable.

Le parquet de Pau a rapidement ouvert une information judiciaire pour « violences volontaires sur personne vulnérable », « abandon de personne en danger » et « non-assistance à personne en péril ». Stéphane M. a été placé en détention provisoire dans l’attente de son procès.

Pendant ce temps, madame Gisèle se remet lentement à l’hôpital. Fragilisée, elle ne parle que par bribes, visiblement choquée. Des assistantes sociales et des psychologues se relaient à son chevet, tentant de reconstruire le fil de ce qui a pu mener à cet enfermement tragique.

Cette affaire, relayée dans les médias nationaux, a bouleversé le pays. Elle soulève une fois encore la question de la prise en charge des personnes âgées isolées, du rôle des services sociaux, mais aussi de la responsabilité familiale. Comment un fils peut-il en venir à attacher sa propre mère, au mépris de sa dignité et de sa vie même ?

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Dans les rues de Pau, les habitants oscillent entre colère et tristesse. « Elle était douce, toujours polie, un peu perdue depuis des années, mais jamais méchante », raconte une boulangère du quartier. D’autres évoquent une « mère qui aimait trop son fils, au point de lui pardonner tout, même l’inhumanité ».

Aujourd’hui, madame Gisèle ne retournera pas dans sa maison. Une mesure de placement en maison médicalisée a été décidée, où elle pourra recevoir les soins et l’accompagnement dont elle a besoin. Mais son histoire, elle, continue de résonner dans le cœur de nombreux Français. Car au-delà des faits sordides, c’est une question essentielle qui reste en suspens : que devient une société qui ne protège plus ses aînés les plus fragiles, même face à leurs propres enfants ?