Deux ans après le départ de Jane BIRKIN, ses dernières pensées ont été révélées à travers son journal manuscrit : « Ma vie est pleine de folie et d’amour. »

Jane Birkin. Ce nom évoque instantanément une silhouette gracile, une voix singulière et un charme intemporel, teinté d’un accent britannique délicieusement persistant. Icône de la chanson et du cinéma, muse, mère, femme engagée, Jane Birkin a traversé les époques en laissant une empreinte indélébile dans les cœurs. Dans l’une de ses dernières confidences, capturée en octobre 2022, elle se livre avec une sincérité désarmante, dressant le portrait d’une vie qu’elle qualifie elle-même de “folie et amour”. Ces mots résonnent aujourd’hui comme un testament, un écho poignant de l’âme d’une artiste dont la lumière ne s’est jamais éteinte.

De l’Angleterre à la France : La Naissance d’une Liberté

Jane Birkin débarque en France en 1968, une jeune Anglaise qui ne parle pas un mot de français, mais qui porte en elle une curiosité insatiable et une soif de liberté. Elle ne le sait pas encore, mais ce pays deviendra le théâtre de sa vie, de ses amours et de sa carrière. “Je me sentais libre en France”, confie-t-elle, reconnaissante d’avoir trouvé un espace où s’épanouir.

Sa rencontre avec Serge Gainsbourg, sur le tournage de “Slogan”, est un véritable coup de foudre. D’abord “détestable”, le personnage cynique et sarcastique de Gainsbourg se révèle vite être l’armure d’un homme “terriblement timide, candide et pudique”. C’est grâce à lui, à cette figure tutélaire et complexe, que sa vie et sa carrière prennent un tournant décisif. De “Je t’aime… moi non plus” à l’intégralité de son œuvre, Gainsbourg deviendra son pygmalion, son complice, l’homme qui écrira les mots les plus intimes de son existence. Cette relation fusionnelle, aussi publique que passionnelle, marquera à jamais l’imaginaire collectif.

L’Enfance, les Amours et les “Mini-Souffrances”

Le coffret retraçant sa carrière est “toute sa vie en France”. Il contient les échos de son enfance, notamment à travers la chanson “Les Jeux interdits”, inspirée par ses filles Kate et Charlotte. Jouant dans le cimetière d’un presbytère de la Creuse, elles réorganisaient les offrandes des tombes, cherchant une “équité” naïve et touchante. Cette image d’une enfance joyeuse et un brin fantasque contraste avec les “mini-souffrances” de ses premiers amours, qu’elle décrit avec une pudeur émouvante dans son journal intime, “Munkey Diaries”. Des nuits blanches à côté de quelqu’un qui ne la “regardait pas”, des craintes d’être “médiocre” : ces confidences résonnent chez beaucoup, universelles dans leur intimité.

Elle évoque aussi ses parents, figures héroïques et glamours : un père résistant, aviateur blessé pendant la guerre, et une mère actrice, Judy Campbell, qui a chanté pour soutenir le moral des troupes anglaises et, plus tard, des New-Yorkais après le 11 septembre. Ces modèles de courage et d’engagement ont sans doute forgé la femme qu’elle est devenue.

Sa relation avec John Barry, le compositeur des musiques de James Bond, est marquée par une solitude intense. Jeune et “tellement dépendante”, elle décrit une frustration douloureuse, le sentiment de n’avoir “rien à dire pour moi-même”. Une expérience qui la pousse à vouloir s’affranchir, à trouver sa propre voix.

L’Artiste Complice et Engagée

Jane Birkin, c’est aussi une artiste qui a su s’entourer de personnalités exquises. Ses collaborations avec Étienne Daho, notamment sur l’album “Oh ! Pardon tu dormais…”, témoignent d’une complicité artistique profonde. Daho, qu’elle décrit comme un “acteur retenu et très séduisant”, a su la mettre en valeur, lui permettant de réinterpréter ses classiques avec une nouvelle intensité.

Elle se souvient avec tendresse des Carpentier, ces émissions de télévision qui ont fait d’elle et Serge un couple iconique, vu par des millions de Français. Leurs numéros extravagants, leurs blagues incessantes, leurs “bulles qui sortaient des nez avec les enfants” témoignent d’une joie de vivre communicative, d’un humour décapant. Ses duos avec Jacques Dutronc ou Françoise Hardy sont des moments de grâce, des témoignages d’une époque foisonnante.

Mais Jane Birkin, c’est aussi une femme de conviction, une voix qui n’a jamais hésité à s’élever pour les causes qu’elle défendait. Qu’il s’agisse de l’Ukraine, de la Birmanie ou de l’Iran, elle a toujours exprimé son “compatissement” et son désir d’agir, même à travers des concerts caritatifs. Son engagement, hérité de ses parents, est une constante dans sa vie, un fil rouge qui la relie à l’humanité souffrante.

Gainsbourg, l’Éternelle Présence et la Re-construction

La séparation d’avec Serge Gainsbourg ne sera jamais une rupture totale. Même après leur rupture, il continue d’écrire pour elle, des chansons “de peine”, mais aussi des chefs-d’œuvre comme “Amour des femmes”. Cette “fidélité dans l’amitié”, comme elle la nomme, est un témoignage de l’amour profond qui les liait, un lien indestructible qui transcendait la passion amoureuse. Elle exprime sa gratitude envers Bambou, la dernière compagne de Serge, qui a compris la nature de leur relation et n’a jamais été un obstacle à cette complicité créative. La naissance de Lulu, le fils de Serge et Bambou, est une source de joie pour Jane, qui voit en cet enfant la promesse d’une vie future pour Serge.

À travers ses dernières confidences, Jane Birkin nous offre un aperçu de sa force intérieure. Elle a appris à se battre, à accepter la vulnérabilité sans jamais se résigner. Elle a su transformer ses expériences, ses douleurs et ses joies en art, en chansons, en films qui continuent de nous émouvoir. Elle se voit comme une femme qui a toujours cherché à être “très forte à l’intérieur”, refusant de se laisser “monter la tête” par la célébrité.

Jane Birkin a laissé derrière elle un héritage immense, non seulement artistique, mais aussi humain. Son petit accent, son humour, sa gentillesse, sa capacité à rire d’elle-même, et son inébranlable engagement pour les autres ont fait d’elle bien plus qu’une star : une figure aimée, respectée, une “Lolita charmante” devenue une femme sage et puissante. Son dernier chant est un hymne à la liberté, à l’amour sous toutes ses formes, et à la résilience de l’âme humaine. Un chant qui continuera de résonner, longtemps après que la dernière note se soit éteinte.