Le “Lokal” de nouveau au cœur d’une enquête : perquisition, violences et le lourd héritage du drame Jean Pormanove

Jean Pormanove : deux mois après sa disparition, les violences reprennent  dans le "Lokal" - Public

Deux mois après la mort tragique de Jean Pormanove, le studio niçois connu sous le nom du “Lokal” refait parler de lui. Ce lieu, autrefois considéré comme un espace de création pour une poignée de streamers en quête de notoriété, est désormais au centre d’une enquête judiciaire pour “violences volontaires en réunion” et “diffusion d’images d’atteinte à la personne”. Selon les informations conjointes de BFMTV et Mediapart, la police judiciaire de Nice a perquisitionné les locaux du studio vendredi 10 octobre 2025.

Une perquisition qui relance les polémiques

D’après des sources proches de l’enquête, cette perquisition visait principalement la saisie du matériel informatique utilisé par les streamers. Les enquêteurs espèrent y trouver des éléments susceptibles de confirmer ou d’infirmer les accusations de violences filmées et diffusées en direct sur internet.

Les faits visés concerneraient plusieurs lives récents, où certains anciens membres de l’équipe du “Lokal” auraient renoué avec des pratiques controversées : humiliations, agressions verbales et physiques, ou encore mises en scène de violences. Ces contenus, diffusés principalement sur Twitch après l’exclusion du groupe de la plateforme Kick, ont immédiatement attiré l’attention des autorités.

Cette nouvelle affaire intervient dans un climat déjà explosif. Depuis la mort de Jean Pormanove, alias Raphaël Graven, survenue le 18 août 2025 après plusieurs heures de diffusion en direct, le “Lokal” est devenu le symbole des dérives toxiques de certains milieux du streaming.

Le drame Jean Pormanove : un tournant tragique

Le décès de Jean Pormanove avait profondément choqué le public et divisé la communauté en ligne. Les premiers éléments avaient pointé du doigt les comportements violents et humiliants de ses partenaires de live, connus sous les pseudonymes Naruto et Safine. Les vidéos d’archives montraient à plusieurs reprises le jeune homme pris pour cible, insulté, moqué, et parfois malmené sous les yeux d’un public hilare.

Cependant, l’enquête médico-légale avait ensuite révélé que la mort de Jean Pormanove ne résultait pas d’une agression. Selon le rapport d’autopsie, le décès ne présentait “aucune origine traumatique” et “aucun lien direct avec l’intervention d’un tiers”. Les experts privilégient désormais une piste médicale ou toxicologique, laissant planer l’ombre d’une mort accidentelle ou d’un malaise.

Malgré cette conclusion, le climat autour du “Lokal” n’a jamais retrouvé la sérénité. Pour beaucoup, l’attitude des participants, les pressions psychologiques, et la violence ambiante des lives ont contribué à créer un environnement malsain, où la souffrance devenait spectacle.

Le retour du “Lokal” : un come-back controversé

Mort de Jean Pormanove : Il "s'en va avec JP, mais il ne disparaîtra jamais  vraiment"… Son co-streameur Naruto annonce la fermeture du "Lokal", lieu  des directs sur Kick - lindependant.fr

Contre toute attente, l’émission a rouvert ses portes à la mi-septembre, à peine quelques semaines après la tragédie. Une décision qui a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux. Si Naruto et Safine — accusés par de nombreux internautes d’avoir alimenté un climat de violence — ne font plus partie du projet, le flambeau a été repris par Gwen C., le frère de Naruto.

Avec deux nouveaux acolytes, il a relancé une série de lives sur Twitch. Mais les premières diffusions ont rapidement révélé une continuité inquiétante : même ambiance, même ton provocateur, et une mise en scène toujours centrée sur les confrontations et les “challenges” violents.

Le 7 octobre dernier, lors d’un live repéré par BFMTV, Gwen C. a d’ailleurs annoncé sans détour :

“Ça va être un live sans caméra, juste de la violence.”

Une phrase qui a pris tout son sens quelques minutes plus tard, lorsque les spectateurs ont pu entendre — mais non voir — des coups portés, entrecoupés de cris et de rires. Selon des extraits consultés par Mediapart, une jeune femme, présente sur place, aurait même lancé :

“BFM, contactez-moi s’il vous plaît”,
après avoir affirmé qu’elle venait de recevoir “des grosses baffes”.

Ces séquences, diffusées en direct avant d’être supprimées, ont été enregistrées et partagées par plusieurs internautes, alertant aussitôt les médias et la justice.

Le spectre de la violence comme moteur d’audience

Derrière l’affaire du “Lokal”, c’est tout un débat sur les limites du divertissement en ligne qui refait surface. À l’ère où les plateformes de streaming récompensent l’excès, certains créateurs misent sur le scandale et la provocation pour capter un public toujours plus avide de sensations fortes.

Les participants du “Lokal” se sont longtemps vantés d’offrir un “contenu sans filtre”, mélange de défi, de clashs et d’humour noir. Mais, depuis plusieurs mois, cette logique semble avoir basculé dans une spirale où la violence devient un outil de mise en scène, au détriment de toute éthique.

Pour les observateurs du secteur, la responsabilité des plateformes est également engagée. Bien que Kick ait rapidement banni l’émission après le drame Pormanove, Twitch a laissé le nouveau “Lokal” reprendre ses diffusions. Une décision qui soulève de nombreuses questions sur les mécanismes de modération et les critères de tolérance des contenus violents en ligne.

Affaire Jean Pormanove: les violences en direct reprennent, la justice  perquisitionne le "Lokal"

Une justice sous pression

Face à la gravité des faits, le parquet de Nice a décidé d’ouvrir une enquête préliminaire pour “violences volontaires en réunion” et “diffusion d’images d’atteinte à la personne”. Les enquêteurs tentent désormais d’identifier les protagonistes des dernières vidéos et de déterminer si les scènes de violence étaient réelles ou mises en scène.

Si les faits étaient confirmés, les auteurs risqueraient jusqu’à cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende pour violences aggravées, sans compter les éventuelles sanctions liées à la diffusion d’images portant atteinte à la dignité d’autrui.

Cette procédure judiciaire marque une nouvelle étape dans la lente descente aux enfers du “Lokal”, devenu symbole d’une dérive spectaculaire où la frontière entre fiction et réalité s’efface au profit du buzz.

Un symbole inquiétant pour la culture du streaming

Au-delà du fait divers, l’affaire du “Lokal” interroge la responsabilité collective d’une génération de créateurs et de spectateurs. Le public, souvent complice par le simple acte de regarder ou de partager, nourrit malgré lui cette logique de surenchère.

Comme le résume un sociologue des médias interrogé par Mediapart :

“Le drame du Lokal montre comment la recherche d’attention peut conduire à une véritable déshumanisation. La souffrance devient un outil de performance, et le public, un juge passif de la violence.”

En attendant les conclusions de l’enquête, le “Lokal” reste sous le feu des projecteurs, symbole tragique d’une culture du live qui a dépassé les bornes du divertissement. Ce qui devait être un espace d’expression et de créativité s’est transformé en théâtre de la brutalité, exposant à la fois la dérive des créateurs et la fascination dangereuse du public pour le choc et le scandale.