Joëlle Mogensen : L’Étoile Filante d’Il Était Une Fois, Destin Tragique et Mystères d’une Voix Envoûtante

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Dans la galaxie des stars des années 70, certaines brillent d’un éclat si vif qu’elles semblent défier le temps, avant de s’éteindre subitement, laissant derrière elles un sillage de mélancolie et de mystère. Joëlle Mogensen, la voix et le visage emblématiques du groupe “Il Était Une Fois”, fut l’une de ces étoiles filantes. Née dans le luxe, propulsée sur le devant de la scène par un conte de fées musical, elle a connu les sommets de la gloire avant de disparaître tragiquement à l’âge de 29 ans, dans des circonstances qui continuent de susciter des interrogations. Son histoire est celle d’un talent pur, d’une ascension fulgurante et d’une chute vertigineuse, une parabole déchirante sur les revers du succès.

Une Enfance Dorée, un Talent Précoce

Née le 3 février 1953 à Long Island, New York, Joëlle Mogensen grandit dans un milieu aisé, un cocon protecteur façonné par un père haut fonctionnaire à l’UNICEF. Très tôt, la petite Joëlle se distingue par des dons exceptionnels. Polyglotte (elle parle six langues à 16 ans), championne de natation au Danemark où elle s’entraîne avec l’équipe olympique, elle aurait pu embrasser n’importe quelle carrière. Mais sa passion, viscérale, est la musique.

Dès l’âge de 12 ans, une religieuse de son école de Copenhague remarque ses aptitudes pour le chant. À Noël 1965, une guitare entre dans sa vie, et avec elle, une promesse prémonitoire : “Vous verrez dans six mois, je chanterai sur scène en m’accompagnant moi-même.” Elle tient parole, se produisant dans des cabarets, puis avec sa sœur Dominique au parc de Tivoli, reprenant Bob Dylan. Sa jeunesse est un tourbillon d’expériences, la faisant entrer “très vite dans la vie adulte”, comme elle le dira plus tard, effleurant à peine l’adolescence.

En 1969, la jeune femme, alors âgée de 16 ans, se partage entre Monaco et Port Grimaud, évoluant dans le sillage des stars de Saint-Tropez. C’est là, à la terrasse du Café Le Gorille, qu’elle fait la rencontre qui va changer sa vie : Serge Koolenn. C’est le début d’une passion amoureuse qui durera neuf ans et donnera naissance à l’un des groupes les plus emblématiques de la chanson française.

Joëlle Mogensen : Elle était une voix… - Public

“Il Était Une Fois” : Le Conte de Fées Musical

Après un amour de vacances, Joëlle rejoint Serge à Colombes, troquant sa vie aisée contre un modeste deux-pièces chez la mère de son amoureux. Loin des paillettes, ils vivent de petits boulots, mais la flamme de la musique ne s’éteint pas. Un premier duo en 1971 est un échec commercial. Mais la persévérance paie. Grâce à l’aide financière de leur amie Marie et l’arrivée de Lionel, Richard Dewitte et Bruno, le groupe “Il Était Une Fois” voit le jour en novembre 1971.

Leur musique, simple et joyeuse, met l’accent sur les voix et la mise en scène. Après des répétitions acharnées et des débuts remarqués à Dieppe et au Golf Drouot, le succès frappe à leur porte avec “Rien qu’un ciel”, un tube de l’été 1972. Les interviews s’enchaînent, les galas se multiplient, et leur passage au “Sacha Show” de Sacha Distel les propulse au rang de phénomène. “Il Était Une Fois” devient le groupe le plus en vue des années 70.

Entre 1972 et 1978, quatre albums (“Rien qu’un ciel”, “La rage au point”, “Ils vécurent heureux” et “Pomme”) jalonnent leur succès. Des titres comme “Que fais-tu ce soir après dîner ?”, “Les filles du mercredi” et surtout l’incontournable “J’ai encore rêvé d’elle” se vendent à des millions d’exemplaires, devenant l’hymne du groupe. Joëlle, la jolie blonde sexy et photogénique, focalise tous les regards, sa lumière éclipsant peu à peu ses acolytes.

L’Ombre du Succès et la Chute Inéluctable

Mais la gloire a ses revers. Le succès, fulgurant, monte à la tête de Joëlle. Ses absences aux répétitions se multiplient, ses contestations deviennent virulentes. Elle devient capricieuse, et la solidité du couple qu’elle forme avec Serge Koolenn s’effrite. En 1978, ils se séparent, entraînant la dissolution du groupe l’année suivante, après un dernier titre, “La clé des cœurs”.

Cette rupture, doublée de la douleur de voir Serge partir avec une autre, plonge Joëlle dans une profonde dépression. Isolée dans son studio de Neuilly-sur-Seine, elle est poussée par les “requins du métier” à entamer une carrière solo. Entre exaltation et abattement, des rumeurs alarmantes commencent à circuler : elle se droguerait, boirait. Sans le soutien de son groupe, sans mentor, elle est vulnérable.

Joëlle (Il Etait Une Fois) aurait fêté ses 71 ans : Johnny, drogue,  strip-tease, malformation, mort

Son père tente de négocier son plan de carrière, lui décrochant un contrat avec le légendaire Eddie Barclay en 1979. Mais un an plus tard, Barclay prend sa retraite, et Joëlle se retrouve à nouveau seule. Malgré l’aide de Pierre Billon pour achever son album “Joëlle”, son premier 45 tours, “Tu sonnes”, ne rencontre pas le succès espéré. Elle rêve de collaborer avec Michel Berger, mais celui-ci est trop accaparé par la carrière de France Gall. En 1981, un nouveau producteur, Bernard Saint-Paul, lui offre un nouveau titre, “Un amour impossible”.

La Nuit Fatale : Un Mystère Non Résolu

Le 14 mai 1982, Joëlle est invitée à France Inter. Elle arrive en retard, tousse en direct, mais interprète quatre chansons. Après l’émission, elle passe l’après-midi avec ses sœurs, puis annonce qu’elle ira dîner chez des amis et y dormira. À 21h, elle rejoint ses amis, leur fait écouter un disque, dîne au restaurant, et passe la nuit chez eux.

Le lendemain, 15 mai 1982, Joëlle Mogensen est retrouvée morte. La cause officielle : un œdème pulmonaire aigu. Elle n’avait que 29 ans. L’ironie du sort veut qu’au même moment, les autres membres d’Il Était Une Fois célèbrent le 40e anniversaire de leur ancien secrétaire, sans se douter du drame qui vient de frapper leur ancienne chanteuse.

Les circonstances exactes de sa mort restent controversées. Son biographe, Tonia Nicole, évoque une malformation cardiaque congénitale. Richard Dewitte, lui, attribue le décès à “la prise d’une dose de quelque chose d’extrême fournie par un revendeur”. La vérité, enfouie avec elle, demeure une énigme. Joëlle Mogensen est enterrée au cimetière du Montparnasse, sous l’épitaphe “Sois heureuse au jardin du souvenir”.

L’histoire de Joëlle Mogensen est un rappel tragique de la fragilité de la vie et des dangers inhérents à la célébrité. Son talent était immense, sa voix envoûtante, mais la solitude et les pressions du show-business ont eu raison de cette étoile trop tôt éteinte. Son héritage musical, indélébile, continue de résonner, nous invitant à écouter, entre les notes de ses chansons, le murmure d’un destin brisé, d’une voix éternelle.