Affaire Estelle Mouzin : 17 ans de mystère brisé par l’aveu final de Michel Fourniret

L’énigme de la disparition d’Estelle Mouzin a hanté la France pendant 17 longues années. Dix-sept ans de silence, de fausses pistes, d’espoirs déçus, et surtout, dix-sept ans d’une douleur insoutenable pour sa famille. Aujourd’hui, le voile se lève enfin sur le destin tragique de cette fillette de 9 ans, enlevée en janvier 2003. L’aveu, tant attendu mais si tardif, est venu de celui dont l’ombre planait depuis le début : Michel Fourniret, l’Ogre des Ardennes.
Le déblocage de cette affaire emblématique est venu, de manière inattendue, de son ex-femme et complice, Monique Olivier. Il y a six semaines, son avocat, Richard Genest, annonçait une audition cruciale : Monique Olivier avait des révélations à faire sur la disparition d’Estelle. “Elle peut le mettre en porte-à-faux, elle peut donner des éléments et cetera qui permettent de confondre Michel Fourniret malgré lui, sans attendre ses aveux à lui.” Après six heures d’audience, l’avocat confirmait : “Elle a fait une déclaration spontanée au terme de laquelle elle a indiqué que pour elle, Michel Fourniret avait bien tué Estelle Mouzin. On a bien avancé sur la piste Fourniret et on a plus avancé aujourd’hui en six heures qu’en dix ans.” Cette première brèche, ouverte par Monique Olivier, a été déterminante. Six semaines plus tard, Michel Fourniret avouait enfin, pour la première fois, le meurtre d’Estelle Mouzin.
Pour Maître Corinne Herman, avocate du père d’Estelle, cet aveu tardif s’explique par la nature particulière de ce crime. “Alors je pense qu’Estelle Mouzin, c’est un cas particulier pour lui. C’est en tous les cas certainement l’un des derniers crimes, si ce n’est le dernier crime de sang. En tout cas, c’est la, c’est le dernier meurtre, ou en tout cas, l’un des derniers meurtres, puisqu’il est il a intercepté sa route est interceptée six mois après. Donc c’est vraiment la fin de sa carrière criminelle.”
Pour Éric Mouzin, le père d’Estelle, ces 17 ans ont été une éternité. Malgré ces aveux, son amertume reste profonde. “Nous avons affaire à deux personnes extrêmement dans le degré de perversion, on va dire défi d’imagination. Et quelles que soient les déclarations que ces deux individus peuvent faire, je n’accorde aucun crédit. Je veux pas me faire embarquer dans les délires de ces personnes. Je me mets le plus possible à distance.” Une amertume dirigée vers la justice, dont Fourniret s’est joué pendant si longtemps.
L’histoire d’Estelle débute le 9 janvier 2003, à Guermantes, un paisible village de Seine-et-Marne. Il est 18h15, Estelle, 9 ans, rentre à pied chez elle. Elle est aperçue pour la dernière fois sortant d’une boulangerie, avant de s’évaporer. À l’époque, personne ne connaît Michel Fourniret. Cinq mois plus tard, il est arrêté en Belgique pour une tentative d’enlèvement sur une jeune fille de 13 ans. Les enquêteurs belges, pressentant qu’il n’en est pas à son coup d’essai, alertent la police de Versailles, en charge de la disparition d’Estelle. Mais la piste Fourniret est écartée, en raison d’un alibi.
Pour Didier Seban, avocat d’Éric Mouzin, cette décision fut une erreur tragique. “Malheureusement les enquêteurs français vont très vite considérer que ça n’est pas une piste sérieuse. Écarte Michel Fourniret, on ne sait pas très bien pourquoi, au travers de cette alibi, au travers de l’idée que c’est loin des Ardennes belges, que il y avait de la neige que et vont très vite dire à 99,99 % ce n’est pas Michel Fourniret. Donc cette piste à peine ouverte va très vite fermée et on va chercher dans d’autres directions.”
Pourtant, les indices étaient là. Deux jours avant l’enlèvement d’Estelle, une autre fillette avait été abordée à Guermantes par un inconnu dans une camionnette blanche, similaire à celle de Fourniret. Un portrait-robot avait été établi, dont les grandes lignes ressemblaient au tueur en série. Plus troublant encore, une photo d’Estelle avait été retrouvée sur l’ordinateur de Fourniret.

En 2007, alors qu’il est déjà en prison, mis en examen pour sept assassinats, Fourniret lui-même envoie une lettre au juge, déclarant qu’il a des choses à dire sur trois autres disparitions, dont celle d’Estelle Mouzin. Mais la justice, soucieuse d’un procès rapide, ignore ce courrier. Pour Maître Corinne Herman, c’est une décision scandaleuse. “A cette parole du tueur ne sera pas entendue. Alors c’est pas la parole de n’importe qui. Certes, c’est un tueur en série, certes c’est un manipulateur, certes un pervers, mais c’est quelqu’un qui a reconnu les premiers faits, qui à l’époque avait reconnu 10 faits et qui reconnaissait de nouveaux faits dans cette lettre. Et nous, on n’a pas compris qu’elle ne soit pas entendue cette parole.”
Le profil de Fourniret, un monstre froid, manipulateur, tuant avec un détachement glaçant, a sans doute contribué à discréditer ses dires. Jean-Luc Ployer, expert psychologue, qui a rencontré Fourniret en prison, décrit son absence totale de culpabilité. “Il ne peut pas, non seulement il le dit, mais je pense que psychiquement il est ficelé de telle façon qu’il peut pas mettre en place un regret, un remord et cetera. Tout simplement parce que ses victimes n’existent pas en tant que sujet si vous voulez, elles existent essentiellement en tant qu’objet de satisfaction de ses pulsions sexuelles dans un premier temps et de ses pulsions de après. Et il va tellement sadiser les choses qu’il le dira d’ailleurs pratiquement lui-même à plusieurs reprises. Il me dira que dans la scène de crime comme on dit maintenant, donc déroulement des faits en quelque sorte, il fait en sorte que ce soit la victime qui lui demande de le tuer, de la tuer si vous voulez, et donc il s’exécute.”
En mars 2008, le procès de Michel Fourniret et Monique Olivier s’ouvre à Charleville-Mézières. Ils sont tous deux condamnés à perpétuité pour les meurtres d’Isabelle Laville, Fabienne Leroy, Jeanne-Marie Desramault, Élisabeth Brichet, Natacha Danet, Céline Saison et Mananya Thumong. Les familles d’Estelle, de Marie-Angèle Domèce et de Johanna Parrish, représentées par Didier Seban, restent dans un doute insupportable. “Quand Michel Fourniret a été condamné à Charleville-Mézières à la réclusion criminelle à perpétuité, la justice française a dit ‘Maintenant c’est fini, on n’enquête plus.’ et a abandonné sa volonté de connaître ce parcours, le parcours de cet homme qui avait pourtant dit ‘Je commets deux meurtres par an’, d’un homme dont la femme dit très régulièrement ‘il partait en chasse’ en chasse évidemment pour tuer des jeunes femmes ou des petites filles, et donc on avait tous les éléments pour dire que il y avait eu dix ans de silence criminel, ça n’était pas possible. Donc on a abandonné les familles à leurs doutes, à leurs recherches, à la recherche de vérité. C’est odieux.”
En 2015, grâce à l’insistance des familles de victimes et de leurs avocats, une nouvelle juge, Sabine Kheris, est saisie. Elle reprend méticuleusement les dossiers. En février 2018, elle arrache à Fourniret des aveux sur l’assassinat de Marie-Angèle Domèce et de Johanna Parrish, deux des noms figurant dans sa lettre. C’est à nouveau Monique Olivier qui le pousse à aider la justice.
Maître Richard Genest se souvient du jour où Monique Olivier a exhorté Michel Fourniret devant la juge à révéler l’endroit où il a enterré Marie-Angèle Domèce. “On est face à Michel Fourniret, on essaie de trouver l’endroit où il aurait pu enterrer cette jeune fille et puis vous croyez que là je peux lui poser la question ? Elle se lance, dit ‘Bon écoute maintenant ça commence à bien faire, elle commence à s’énerver. Je suis sûr que tu sais où est le corps de cette jeune fille, tu fais tourner tout le monde en bourrique, ça tourne en rond. Tu as qu’à le dire. Il y a des familles, il y a des gens qui, moi j’ai dit ce que je savais, maintenant pourquoi toi tu parles pas ? Tu nous casses les pieds ?’ Enfin bon, était la première surprise d’avoir pu réagir comme ça, les gardes du tueur en série quand même qui a toujours leur garçons. Faut pas il vous avoir vieilli, il reste quand même Michel Fourniret. Et elle était la première surprise à Torin que lorsqu’on est reparti dans le fourgon pour pour rentrer, elle m’a dit ‘Mais quand même j’ai pas eu peur de lui dire mais je, je n’en reviens pas comment j’ai pu avoir peur de ce petit bonhomme pendant tant d’années que vous regardez il ressemble pas à grand-chose il est tout petit, je suis plus grande que lui, comment j’ai pu avoir peur de ce petit bonhomme ?’”
Six mois plus tard, Monique Olivier s’adresse à la juge avec des révélations sur Estelle Mouzin. Elle fait tomber l’alibi qui protégeait son ex-mari : le jour de la disparition d’Estelle, c’est elle, à la demande de Fourniret, qui a passé le coup de fil depuis leur domicile en Belgique. Fourniret n’était pas là. “Il me semble qu’elle elle revient du côté des humains en essayant de nous donner des éléments. Elle parle des familles. Je pense qu’elle veut quand même leur donner une réponse avec ce qu’elle se souvient avec ce qu’elle peut nous dire avec ses mots. Et je pense qu’elle a encore des choses à nous dire et j’aimerais bien qu’elle puisse les dire et poser justement ses actes et les actes de Michel Fourniret.”
C’est suite à ces déclarations que Michel Fourniret est mis en examen le 27 novembre dernier pour l’enlèvement et le meurtre d’Estelle. Mais il n’avoue toujours pas, déclarant seulement “Ça ne fait pas tilt. Ça ne veut pas dire que je ne suis pas coupable, mais ça ne fait pas tilt.” Ses aveux partiels ne viendront qu’en mars dernier. La juge ordonne de nouvelles analyses des scellés de l’affaire, et l’ADN de la fillette est identifié sur un matelas saisi dans la maison de Ville-sur-Lumes. Il y a dix jours, Monique Olivier est réentendue et donne de nouveaux détails sur l’enlèvement : après le rapt, Fourniret aurait emmené Estelle dans un village des Ardennes, l’aurait séquestrée dans cette maison appartenant à sa sœur décédée quelques mois plus tôt. Il aurait violé la fillette et serait rentré chez lui en Belgique le pantalon maculé de boue.
Monique Olivier a été la femme par qui la vérité est arrivée, une vérité amère au bout d’une enquête aux multiples ratés. La fin d’un mystère, mais pas la fin du combat. Combien de temps Estelle a-t-elle été séquestrée ? Quelle est l’implication exacte de Monique Olivier ? Où est la dépouille de l’enfant ? Autant de questions qui restent en suspens. “Je suis convaincu qu’on va la trouver. Monique Olivier a encore peut-être des choses à nous dire. Lui il a encore des choses à nous dire. On a quand même une grande connaissance de leur fonctionnement et de leur déplacement. On a des enquêteurs qui le connaissent très bien. On a des moyens de sonder le sol et de rechercher. De toute façon la question se pose pas, il faut trouver Estelle, il faut juste trouver Estelle pour la rendre à sa famille que ça cesse.” Des fouilles, en présence de Michel Fourniret et de Monique Olivier, sont prévues prochainement au château du Saussis et à Ville-sur-Lumes, pour tenter de retrouver enfin la dépouille d’Estelle.
Michel Fourniret, 77 ans, a désormais reconnu le meurtre de onze jeunes filles, mais il pourrait avoir fait bien plus de victimes. Éric Mouzin espère connaître toute la vérité et surtout savoir où repose son enfant. “Ça paraît tellement énorme qu’un enfant puisse se faire enlever, disparaisse, qu’on soit incapable de le retrouver et que le système judiciaire soit aussi démuni pour mener une enquête, même si c’est une enquête difficile parce qu’il y a pas effectivement de corps, de trace, enfin tout ce qu’on sait. Mais pour moi c’est inacceptable. Donc à partir de ce moment-là, je me pose pas la question d’abandonner. Non.”
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