L’Affaire Boisseran : La quête inlassable de justice pour une étudiante poignardée de 12 coups de couteau à son domicile

Chazay-d’Azerg, France – Le 11 octobre 2005, un mardi après-midi qui semblait paisible a changé à jamais la vie de la famille Boisseran à Chazay-d’Azerg, une petite ville nichée dans la région du Beaujolais. Éric Boisseran, visiteur médical, rentre chez lui vers 17 heures et remarque l’Opel Corsa de sa fille Marine garée là. Il pense que sa fille, Marine, une brillante étudiante de 20 ans, est à la maison. Mais ce qu’il découvre à l’intérieur est une scène d’horreur, une blessure qui ne se refermera jamais dans le cœur de sa famille.

En entrant, Éric voit que la télévision est allumée, mais Marine n’est pas sur le canapé. Il l’appelle doucement, “Marine ! Marine !”, mais aucun son ne lui répond. C’est alors que son regard se porte derrière le canapé, où une mare de sang sombre s’étend. Marine gît là, immobile sur le dos, son corps sans vie. Le choc est si violent qu’il ne trouve pas le téléphone fixe et doit utiliser son portable pour appeler son ami médecin, Jean-Pierre Micole : “Viens vite ! Marine est dans une mare de sang ! Dépêche-toi !”

Immédiatement, le Dr Micole et son associé, le Dr Estanov, un urgentiste, se précipitent sur les lieux. En quelques minutes, ils sont là. “C’est fini, c’est Marine”, murmure Jean-Pierre à Estanov. Lorsque Estanov entre, la scène macabre se dévoile : Marine est allongée, une large plaie à la gorge et de nombreuses autres blessures sur le corps, principalement sur le côté gauche, indiquant que l’agresseur était droitier. Au total, 12 coups de couteau ont mis fin à la vie de la jeune femme en moins d’une minute. Il ne s’agit ni d’un suicide, ni d’un accident. C’est un meurtre d’une brutalité inouïe.

Une Scène de Crime Vierge et des Mystères Effrayants

Les gendarmes sont immédiatement dépêchés sur place et bouclent la scène. Chose étonnante, la scène de crime est presque “vierge”. Il n’y a aucun signe d’effraction, les meubles sont en ordre, aucune trace de lutte ou de résistance. Tout est parfaitement rangé, comme si Marine avait ouvert la porte à son agresseur. Cela suggère que le meurtrier pourrait être une connaissance, quelqu’un qui connaissait le fonctionnement particulier de la serrure de la porte d’entrée, qui nécessitait de relever la poignée pour être fermée correctement.

Deux objets cruciaux ont disparu : le téléphone sans fil de la maison et le téléphone portable de Marine. Pourquoi le tueur les a-t-il emportés ? Pour effacer des traces de sang ou empêcher la victime d’appeler à l’aide ? L’arme du crime, un couteau d’environ 10 à 15 cm de long, est également introuvable. De plus, un des chats de Marine a disparu le jour du meurtre, un détail mineur qui deviendra plus tard un indice important.

Le seul indice tangible laissé sur place est une empreinte de chaussure très nette, de taille 43, appartenant à une paire de baskets Nike Airmax. Cette empreinte deviendra la clé pour remonter la piste du coupable.

Le Début d’une Enquête Frustrante

Les gendarmes lancent immédiatement une enquête à grande échelle. Des centaines de personnes sont mobilisées, le quartier est bouclé et des contrôles routiers sont mis en place. Les enquêteurs interrogent des centaines de personnes, des amis, des voisins aux professeurs de Marine. Le profil de la jeune femme est établi : une étudiante studieuse, intelligente, belle et appréciée, sans aucun ennemi connu.

L’emploi du temps de Marine le jour fatidique est reconstitué avec précision. Cet après-midi-là, ses cours avaient été annulés et elle était rentrée plus tôt que prévu. À 16h15, Marine appelle une amie et lui dit qu’elle part dans 10 minutes. À 16h32, un appel est passé depuis le téléphone fixe familial vers le numéro de son frère Pierric, mais il n’aboutit pas. Quatre minutes plus tard, à 16h36, un dernier appel est émis depuis le portable de Marine. Le destinataire est José Munz, gérant d’un garage automobile. Curieusement, M. Munz n’entend pas la voix de Marine, mais celle d’un homme inconnu, à la voix grave, qui parle d’un ton autoritaire : “Qu’est-ce que tu fais ? Où tu vas ?”, suivi de bruits de lutte. Puis, le silence. M. Munz est convaincu d’avoir entendu la voix du meurtrier.

Cet appel permet de déterminer avec une précision redoutable l’heure du crime : entre 16h36 et 16h38. Une fenêtre de temps extrêmement réduite, une “arme redoutable” pour les enquêteurs.

Un autre témoignage crucial vient de Mme Boris, une voisine. Vers 16h45, soit environ 10 minutes après le dernier appel de Marine, elle voit une grosse voiture grise sortir à toute vitesse du chemin menant à la maison des Boisseran. Elle manque de la percuter et décrit le conducteur comme un jeune homme aux cheveux châtain clair et au visage allongé. Son fils confirme avoir vu cette même voiture s’engager sur le chemin à 16h30.

Le Premier Suspect : Ludovic Pierrefeu

L’analyse médico-légale dresse rapidement le portrait du tueur : un droitier, mesurant entre 1m75 et 1m80, chaussant du 43, et connaissant probablement la victime ou sa famille.

Avec ces caractéristiques, Ludovic Pierrefeu, 20 ans, l’ex-petit ami de Marine, devient rapidement le suspect numéro un. Il était dans la même classe que Marine et avait été profondément amoureux d’elle. Trois mois avant le meurtre, Marine avait mis fin à leur relation, le laissant dévasté et déprimé. Le mobile de la jalousie, combiné au fait que Ludovic connaissait bien la maison et le système de fermeture de la porte, fait de lui une cible évidente. De plus, ses cours avaient également été annulés cet après-midi-là.

Le 23 mars 2006, Ludovic est placé en garde à vue. Cependant, il fournit des versions contradictoires de son emploi du temps le jour du crime, affirmant être rentré chez lui en bus, puis en voiture avec une amie, avant de déjeuner chez lui et d’aller à la salle de sport. Il prétend être rentré chez lui à 16h30, pile à l’heure du crime. Malgré ces incohérences, aucune preuve matérielle (ADN, empreintes) ne le relie à la scène de crime. Après 33 heures de garde à vue, Ludovic Pierrefeu est relâché, et la première piste s’effondre.

Le Deuxième Suspect : Le Sans-Abri Emmanuel

L’enquête repart de zéro. Les enquêteurs explorent une autre hypothèse : un crime commis par un rôdeur. Près de la maison des Boisseran se trouve un centre de réinsertion pour anciens détenus, L’abri. Parmi les résidents, Emmanuel, 32 ans, attire l’attention. Il est arrivé au centre quatre jours seulement avant le meurtre de Marine.

Lors d’une perquisition dans sa chambre, les enquêteurs trouvent une paire de baskets Nike Airmax correspondant à l’empreinte laissée sur la scène de crime. Emmanuel a également un casier judiciaire pour agressions au couteau. De plus, il voue une passion particulière aux chats, et l’un des chats de Marine avait disparu le jour de sa mort. L’hypothèse est que Marine aurait pu ouvrir la porte en voyant Emmanuel tenter d’attraper son chat, avant d’être attaquée.

Emmanuel disparaît juste après la perquisition, ce qui renforce les soupçons. Un an plus tard, il est arrêté à Lyon. Dans son nouveau logement, les enquêteurs trouvent un pantalon taché de sang (qui se révélera être le sien), un pull pour femme et une mallette portant le logo de Sanofi, l’entreprise pharmaceutique pour laquelle travaillait Éric Boisseran.

Le 5 octobre 2006, Emmanuel est mis en examen pour homicide et incarcéré. Les médias annoncent l’arrestation du meurtrier de Marine. La famille Boisseran entrevoit enfin la lumière au bout du tunnel. Cependant, cet espoir sera de courte durée.

L’Effondrement de la Piste du Rôdeur

Éric Boisseran est convoqué au tribunal. Il ne reconnaît pas le pull comme appartenant à Marine. Puis, les résultats des expertises anéantissent toutes les charges contre Emmanuel. Le sang sur son pantalon était bien le sien, suite à une bagarre antérieure. Ses baskets Nike Airmax ne correspondaient pas parfaitement à l’empreinte en raison d’une usure différente de la semelle. Et surtout, la mallette Sanofi avait été fabriquée après la mort de Marine.

Après trois mois de détention, Emmanuel est libéré. L’affaire est de nouveau dans une impasse.

Un Nouveau Rebondissement et la Persévérance d’un Père

Deux ans plus tard, en 2008, un autre crime horrible secoue la région : le petit Valentin, 8 ans, est poignardé de 44 coups de couteau. Stéphane Moitoiret et sa compagne Noëlla Hégo, un couple de marginaux surnommés “les routards du crime”, sont arrêtés. Ils erraient dans la région depuis 2005. Le père Fred Gill, curé du village de Besseny, à 20 km de Chazay-d’Azerg, révèle avoir hébergé le couple, qui était accompagné d’un chat noir. Ce détail rappelle immédiatement la disparition du chat de Marine. Éric Boisseran et le prêtre imaginent un scénario : Marine aurait surpris Moitoiret en train de voler son chat, aurait ouvert la porte et aurait été attaquée. Cependant, Moitoiret et Hégo gardent le silence, ne faisant aucun aveu.

Face à ces échecs répétés, Éric Boisseran refuse d’accepter son sort. Il se transforme en détective amateur, créant sa propre équipe avec un avocat et une criminologue, déterminé à trouver la vérité. “Je suis devenu un enquêteur et je n’ai jamais lâché. J’ai un genou à terre, pas les deux.”

En fouillant le dossier, l’équipe d’Éric Boisseran découvre le procès-verbal oublié de deux collégiens. Le jour du crime, à la même heure et près de la maison de Marine, ils ont vu un homme courir à toute vitesse. L’homme portait un survêtement blanc et des baskets Nike Airmax, identiques à celles de l’empreinte. Plus troublant encore, lorsque les collégiens l’ont salué, l’homme a détourné la tête et a caché son visage avec sa main, comme pour ne pas être reconnu. Ils décrivent un jeune homme brun à la peau mate.

Les deux collégiens reconnaissent ensuite Ludovic Pierrefeu sur une photo de classe de Marine. À cette époque, Ludovic vit en Malaisie depuis 2009, un pays sans accord d’extradition.

Le Retour de Ludovic Pierrefeu et le Mystère Intact

En octobre 2011, Éric Boisseran présente cette nouvelle preuve au juge d’instruction. Un mandat d’arrêt est émis contre Ludovic Pierrefeu. Les enquêteurs surveillent les réseaux sociaux et apprennent qu’il prévoit de rentrer en France pour les fêtes de Noël 2011. Le 17 décembre 2011, à sa descente d’avion à Roissy, Ludovic Pierrefeu est arrêté et placé en détention.

Cependant, une fois de plus, Ludovic Pierrefeu clame son innocence et ne fait aucun aveu. Après 15 jours de détention, il est libéré sous contrôle judiciaire. Faute de preuves matérielles irréfutables, l’affaire reste dans l’impasse. “Pas de preuve matérielle. Pas de mobile. Rien”, affirme l’avocat de Ludovic.

Sept ans après la mort de Marine Boisseran, le mystère demeure entier. Qui est l’homme que José Munz a entendu au téléphone ? Qui est le jeune homme au visage allongé vu par Mme Boris ? Et qui est cet individu en survêtement blanc qui a caché son visage en fuyant ? Éric Boisseran continue de chercher sans relâche les réponses à ces questions lancinantes, luttant pour que justice soit rendue à sa fille, Marine. L’affaire Boisseran reste une plaie ouverte en France, un rappel poignant que, parfois, la vérité reste cachée dans l’ombre, attendant d’être révélée.