Affaire Missenard : ce médecin a-t-il empoisonné sa femme au cyanure ?

Le 26 juillet 1999, Beatriz Vidaror décède brutalement après avoir été hospitalisée pour une simple intoxication alimentaire. Une mort soudaine, qui survient à la clinique d’Eich au Luxembourg, où travaille Charles Missenard, son mari.

Le 21 juillet 1999, Charles Missenard accompagne sa femme Béatrice Vidaror aux urgences de la clinique d’Eich (Luxembourg) dont il dirige le laboratoire d’analyses. Les jours passent et son état de santé s’améliore grâce à un traitement aux antibiotiques.

L’équipe médicale envisage sa sortie de la clinique lorsque vers 18h30, Béatrice Missenard est prise de violentes convulsions. Conduite en salle de réanimation, elle lutte entre la vie et la mort pendant près de deux heures avant de succomber. Infirmières et médecins sont sous le choc : rien ne permet d’expliquer cette mort mystérieuse.

Beatriz a-t-elle été victime d’une erreur médicale ? Les examens post-mortem écartent cette hypothèse et orientent les enquêteurs sur la piste criminelle. La fonctionnaire à la Cour de justice de l’union européenne a en réalité été empoisonnée au cyanure comme indiquent les personnes interrogées dans Enquêtes Criminelles. Il s’agit donc d’un assassinat.

Affaire Missenard: meurtre à la clinique - YouTube

L’enquête s’annonce délicate car toutes les personnes présentent à la clinique dans les deux heures qui ont précédé la mort de Beatriz sont potentiellement suspectes. Pourtant, un homme auquel personne n’avait pensé va attirer l’attention des policiers luxembourgeois : c’est le mari de la victime, Charles Missenard, qui travaille au laboratoire médical de la clinique et qui était présent dans la chambre de sa femme avant le drame.

Le 21 juillet 1999, la clinique d’Eich, un établissement réputé de Luxembourg, devient le théâtre d’un drame aussi soudain qu’incompréhensible. Béatrice Missenard, une fonctionnaire de 46 ans, y est admise pour une infection sanguine. Accompagnée par son mari, Charles Missenard, le directeur respecté du laboratoire d’analyses de la clinique, elle est entre de bonnes mains. Les jours suivants le confirment : grâce à un traitement antibiotique efficace, son état de santé s’améliore spectaculairement. L’équipe médicale, optimiste, envisage même sa sortie imminente.

Mais le 26 juillet, vers 18h30, le destin bascule dans l’horreur. Alors que son mari vient de quitter sa chambre, Béatrice est prise de violentes convulsions. Un cri déchire le silence du couloir. Charles se précipite, découvre sa femme en pleine crise et alerte les infirmières. Malgré l’intervention rapide du personnel soignant, qui la conduit en salle de réanimation, la situation se dégrade à une vitesse effarante. Pendant près de deux heures, médecins et infirmiers luttent pour la sauver, mais rien n’y fait. Béatrice succombe. La stupeur et l’incompréhension envahissent l’hôpital. Comment une patiente en voie de guérison a-t-elle pu mourir de manière si brutale ?

L’hypothèse d’une erreur médicale est la première à être envisagée, mais les examens post-mortem l’écartent rapidement pour révéler une vérité bien plus sinistre. L’autopsie et les analyses toxicologiques sont formelles : Béatrice Missenard a été empoisonnée. Une dose massive de cyanure, trois fois supérieure à la dose mortelle, lui a été administrée par intraveineuse. La chambre d’hôpital, lieu de soin et de réconfort, s’est transformée en scène de crime. L’affaire prend alors une tout autre dimension : il s’agit d’un assassinat.

L’enquête s’annonce complexe. Qui aurait pu commettre un tel acte dans l’enceinte sécurisée d’une clinique ? Le meurtrier devait connaître les lieux et avoir accès à la victime. La liste des suspects potentiels est longue : personnel soignant, visiteurs, proches. Pourtant, un homme va rapidement focaliser l’attention des policiers luxembourgeois, un homme que personne n’aurait osé soupçonner : son propre mari, Charles Missenard.

Biologiste reconnu, directeur du laboratoire, Charles Missenard est un homme qui a réussi. Parti de rien, ce fils d’ouvrier a gravi les échelons grâce à son travail acharné pour devenir un scientifique respecté. Mais derrière cette façade de réussite se cache une personnalité complexe. Décrit comme brillant mais aussi cassant, arrogant et méprisant, il ne laissait personne indifférent. Sa relation avec Béatrice, une femme de caractère d’origine basque espagnole qu’il avait épousée après une rencontre éclair, n’était pas aussi idyllique qu’elle en avait l’air. Des témoignages révèlent un couple au bord de la rupture, des disputes fréquentes et même des menaces. Charles se serait plaint de sa femme, la qualifiant d’”exaspérante”, et aurait confié à une collaboratrice son intention de la “renvoyer en Espagne, soit sur ses deux pieds, soit dans une petite boîte”.

Les soupçons se resserrent sur lui pour plusieurs raisons accablantes. Il était présent dans la chambre de sa femme juste avant le drame. Plus troublant encore, c’est lui qui, bien que n’étant pas habilité à le faire, a préparé et posé la perfusion fatale. Il avait accès au cyanure, retrouvé lors d’une perquisition dans son laboratoire. Enfin, son attitude après la mort de Béatrice interpelle : il s’oppose à l’autopsie et se montre très pressé de régler les questions financières liées à l’héritage.

Mais ce qui va véritablement faire basculer l’affaire, c’est la découverte de son passé trouble. Les enquêteurs mettent au jour une série de “coïncidences” macabres. Dix ans plus tôt, en 1993, sa compagne de l’époque, Alice Bartz, est décédée dans cette même clinique des suites d’un étrange coma diabétique, juste après une visite de Charles. Dans les années 80, sa toute première épouse avait, elle aussi, été victime de plusieurs malaises inexpliqués et l’avait accusé de tentative d’empoisonnement. Le portrait du mari éploré se fissure pour laisser place à celui d’un possible tueur en série, un “veuf noir” qui éliminerait ses compagnes les unes après les autres.

Le procès de Charles Missenard, qui s’ouvre en 2003, est un véritable feuilleton judiciaire. L’accusation dresse le portrait d’un homme manipulateur et machiavélique, ayant planifié le meurtre de sa femme pour des raisons financières et personnelles. Mais la défense contre-attaque en pointant du doigt une enquête truffée d’erreurs et de vices de procédure. Les prélèvements qui ont prouvé l’empoisonnement ont été effectués par un infirmier zélé, mais sans aucun contrôle, et conservés dans son réfrigérateur personnel avant d’être remis à la police. Le corps de Béatrice a été incinéré si rapidement qu’aucune contre-expertise n’a été possible. Pire encore, le nom figurant sur la demande d’autopsie n’était même pas celui de la victime.

Malgré ces zones d’ombre, Charles Missenard est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Mais l’affaire connaît un rebondissement spectaculaire en appel. Ses avocats découvrent que des pièces essentielles du dossier ne leur ont jamais été communiquées. Face à ce vice de procédure majeur, la cour prend une décision inédite : elle libère Charles Missenard sous caution. Un condamné à perpétuité remis en liberté, du jamais vu au Luxembourg.

Après un second procès, il est de nouveau condamné à la perpétuité en 2006. Mais, à la surprise générale, un imbroglio administratif lui permet de quitter le tribunal libre. Il s’enfuit en France, où il refait sa vie et retrouve un travail dans un laboratoire, comme si de rien n’était. Pendant 18 mois, il vivra comme un homme libre, sous le coup d’une condamnation à vie, avant d’être finalement arrêté sur son lieu de travail en 2007.

Aujourd’hui, Charles Missenard purge sa peine en France. Il n’a jamais cessé de clamer son innocence, se présentant comme la victime d’une erreur judiciaire. L’affaire Missenard laisse un goût amer et une question lancinante : cet homme est-il un monstre diabolique qui a su manipuler son monde et profiter des failles du système, ou un innocent broyé par une justice trop pressée de trouver un coupable ? Le mystère du biologiste de la clinique d’Eich reste, pour beaucoup, entier.