L’atmosphère est électrique. Nous ne sommes pas dans une arène, mais l’échange y ressemble trait pour trait. C’est une audition à l’Assemblée Nationale, un de ces moments de démocratie feutrée où les chiffres sont censés parler. Mais ce jour-là, ce sont les émotions qui ont pris le dessus. Face à la ministre des Comptes Publics, Amélie de Montchalin, venue défendre un budget 2026 déjà controversé, le député d’opposition Jean-Philippe Tanguy n’a pas retenu ses coups. En deux minutes chrono, il a livré une charge d’une violence rare, accusant le gouvernement non seulement d’incompétence, mais aussi de mensonge pur et simple.

L’affrontement, capturé dans une vidéo qui enflamme les réseaux sociaux, est devenu le symbole d’une fracture béante : celle entre un gouvernement qui se veut rassurant et une opposition, relayant la colère du pays, qui ne croit plus un mot de ce “grand budget de maîtrise des comptes”.

L’Affaire du « Coût de la Censure » : Un An de Mensonge ?

Le premier missile est lancé d’emblée, sans préambule. « Ça fait un an que vous racontez n’importe quoi sur le coût de la censure », lance Jean-Philippe Tanguy, le regard planté dans celui de la ministre. La “censure” en question, vraisemblablement une motion de censure qui a fait vaciller le gouvernement, aurait eu un coût. Un coût que la ministre aurait promis de détailler. « À Bercy, vous avez dit : “la note est tellement sûre que vous aurez la note le lendemain”. Ça fait presque un an que j’attends le lendemain ! »

L’accusation est gravissime. Elle ne porte pas sur un désaccord technique, mais sur une dissimulation délibérée. Tanguy frappe là où ça fait mal : la transparence et la crédibilité. Pour l’opposition, si le gouvernement est capable de mentir sur ce point, comment le croire sur le reste ? C’est une attaque frontale qui place immédiatement la ministre sur la défensive, obligée de se justifier non pas sur sa politique, mais sur sa parole.

Un Budget « Inadmissible » : Plus d’Impôts pour Plus de Dépenses

Mais le député ne s’arrête pas là. Le cœur du problème, c’est le budget lui-même. Et là encore, les mots sont crus. « 20 milliards d’impôts pour 28 milliards de dépenses », résume-t-il, avant de lâcher : « On pourrait en rire si c’était pas à pleurer. C’est inadmissible ! »

En une phrase, il résume le sentiment de nombreux Français : l’effort fiscal demandé est colossal, mais il ne semble même pas suffire à couvrir les dépenses. Le “grand budget de maîtrise des comptes publics” ressemble, selon lui, à une fuite en avant. Le gouvernement augmente les impôts, mais la dette continue de filer. Cette accusation d’injustice fiscale est le deuxième pilier de son réquisitoire. Les citoyens sont mis à contribution, mais pour quel résultat ?

Pire encore, Tanguy accuse le gouvernement d’ignorer volontairement les solutions qui existent. « Tout existe à votre bureau et vous le savez, madame la ministre ! », s’exclame-t-il. Il pointe du doigt les fameuses “revues de dépenses”, ces rapports d’experts censés identifier les gisements d’économies. « Vous n’en tirez aucune conséquence », martèle-t-il, citant l’exemple d’un rapport sur la politique du logement, commandé il y a trois ans à “monsieur Atal”. « Qu’avez-vous tiré de cette revue de dépenses ? Visiblement rien. »

Le message est clair : l’inaction du gouvernement n’est pas due à un manque d’options, mais à un manque de courage politique. Les rapports dorment dans les tiroirs pendant que la dépense publique dérape et que les impôts augmentent.

Des Prévisions « au-delà du Réel » : la Bombe à Retardement de la TVA

Le coup de grâce, Jean-Philippe Tanguy le porte sur le terrain de la crédibilité économique. Le gouvernement, dans ses perspectives, anticipe une hausse massive de la TVA l’année prochaine. Un chiffre qui fait bondir le député. « J’aimerais que vous m’expliquiez comment vous faites une hausse de TVA aussi importante », demande-t-il, faussement candide.

Il dresse alors un tableau économique sombre, qui rend cette prévision totalement irréaliste à ses yeux. « Avec 20 milliards d’impôts en plus, avec le gel des salaires des fonctionnaires, la désindexation des retraités… là vraiment, j’aimerais que vous m’expliquiez ! »

Son argument est d’une logique implacable et terriblement accessible : comment le gouvernement peut-il espérer récupérer 15 milliards de plus en TVA (un impôt sur la consommation) alors qu’il prend des mesures qui vont drastiquement réduire le pouvoir d’achat de millions de Français ? Si les fonctionnaires ne sont pas augmentés et que les retraites ne suivent pas l’inflation, les ménages vont moins consommer. Et s’ils consomment moins, les rentrées de TVA vont chuter, et non augmenter.

« Il y a jamais eu 15 milliards d’hausses de TVA depuis 4 ans », rappelle-t-il. « La dernière fois que la TVA a remonté, c’est 5 milliards, et il n’y avait pas autant d’impôts sur les classes moyennes ! »

La conclusion de Tanguy est sans appel : « J’ai l’impression qu’on part complètement dans le décor ». Il dépeint un gouvernement qui bâtit son budget sur des hypothèses fantaisistes, une véritable “maison de cartes” qui s’écroulera à la première rafale de vent. « Injustice fiscale, absence totale de maîtrise de la dépense et des perspectives qui ont l’air quand même complètement au-delà du réel. »

La Réponse de la Ministre : Vous Avez Dit « Mécanique » ?

May be an image of text that says 'GROS RECADRAGE!'

Face à ce torrent d’accusations, la réponse de la ministre, Amélie de Montchalin, semble presque surréaliste. Le narrateur de la vidéo commente avec ironie : « il faut un décodeur pour traduire, c’est assez magique ».

Sur le fameux “coût de la censure”, la ministre tente une explication. Les 12 milliards ? « C’est l’effet mécanique de la baisse de la croissance de 0,9 à 0,7 », explique-t-elle. Selon elle, le “consensus des économistes” a chuté à cause de l’incertitude provoquée par la censure. Une explication qui peine à convaincre. Elle y ajoute « les mesures d’économie que nous n’avons pas pu faire » et « les recettes fiscales qui n’ont pas pu être levées ».

Quant à la note promise depuis un an, elle assure : « elle va vous arriver ». Une promesse qui, un an après, sonne creux.

Le reste de son intervention, coupé par la vidéo, est décrit comme « à mourir d’ennui » et de la « pure politique ». Une tentative d’expliquer l’inexplicable qui, selon les critiques, tombe complètement à plat. Tanguy lui-même avait d’ailleurs conclu son intervention en déplorant une « audition pour rien », fustigeant des réponses précédentes au président Cocrel et au rapporteur Juvain comme étant sans « aucune réponse concrète ».

Le Constat Final : Le Pays le Plus Taxé au Monde

Au-delà de l’échange politique, c’est le commentaire final de la vidéo qui résonne le plus fort avec le sentiment populaire. « Ils arrivent toujours à nous expliquer l’inexplicable. On est dans le pays le plus taxé au monde qui augmente encore ses impôts malgré des services publics qui fonctionnent de moins en moins. »

C’est là tout le drame. Ce n’est plus seulement une bataille de chiffres entre technocrates et élus. C’est le quotidien de millions de gens. Des impôts qui augmentent, un pouvoir d’achat qui s’effondre, et le sentiment amer que les services pour lesquels ils paient (santé, éducation, sécurité) se dégradent de jour en jour.

L’intervention de Jean-Philippe Tanguy, qu’on apprécie ou non le style, a mis le doigt sur cette déconnexion totale. Il a traduit en mots durs la colère et l’incompréhension de nombreux citoyens. Il a confronté une ministre à la réalité de son propre bilan : des chiffres qui ne tiennent pas, des promesses qui ne sont pas tenues, et une politique fiscale qui semble frapper toujours les mêmes, sans jamais résoudre le problème de fond de la dépense publique.

Cette audition n’était peut-être pas “pour rien”. Elle a servi de révélateur à un malaise profond, celui d’un pays qui se sent pressé comme un citron, sans jamais voir la couleur des résultats. Et la réponse “mécanique” de la ministre n’a fait que renforcer ce sentiment d’être gouverné par une machine froide, déconnectée, et qui semble, en effet, “raconter n’importe quoi”.