Lorsque France Gall s’est éteinte en janvier 2018, c’est tout un pan de la chanson française qui s’est retrouvé plongé dans un profond silence. La disparition de cette artiste lumineuse, à la fois discrète et immensément populaire, a ravivé les souvenirs d’une vie marquée par l’amour, la création, mais aussi par la douleur. En rejoignant Michel Berger, son compagnon de toujours, disparu brutalement en 1992, ainsi que leur fille Pauline, emportée par la mucoviscidose en 1997, France Gall a refermé un chapitre d’une intensité rare, fait de passion artistique, de drames intimes et d’une sensibilité qui a touché plusieurs générations.

Pourtant, même dans la mort, France Gall a voulu préserver un symbole de beauté. Elle l’avait souvent répété : elle trouvait les cimetières « sinistres », austères, trop éloignés de la poésie et de la douceur qu’elle associait à la mémoire de ceux qu’elle aimait. Alors, bien avant même que son heure ne vienne, elle avait imaginé un lieu qui ne ressemblerait à aucun autre, une dernière demeure capable de traduire ce qu’avait été sa vie : un mélange de lumière, de délicatesse et d’émotions. C’est ainsi qu’est né le mausolée de verre du cimetière Montmartre, un espace unique où reposent aujourd’hui Michel Berger, Pauline et elle-même.

France Gall : Sa tombe est hors du commun avec un secret bien particulier,  sa volonté a été respectée : Le diaporama - Purepeople

Ce caveau familial, inauguré en 2012 à l’occasion des vingt ans de la disparition de Michel Berger, se distingue immédiatement par son originalité et son atmosphère presque irréelle. Contrairement aux monuments funéraires traditionnels, massifs et minéraux, celui-ci s’apparente davantage à un jardin sacré, une bulle suspendue dans le temps. L’extérieur est constitué de parois entièrement vitrées, transparentes, qui laissent pénétrer la lumière naturelle. À l’intérieur, un immense cerisier japonais occupe le centre de l’espace, ses fleurs roses dessinant un contraste saisissant avec la sobriété des noms gravés sur les plaques funéraires.

France Gall avait décrit ce lieu comme « une cage à oiseaux avec des fleurs et des arbres de toutes les couleurs ». Une métaphore qui en dit long sur sa vision de la mort et sur son désir profond d’offrir à sa famille un espace de paix, à l’abri des regards mais ouvert sur le ciel. La présence du cerisier n’est pas anodine : cet arbre emblématique du Japon représente l’éphémère, la beauté fragile, la renaissance. Il évoque aussi les cycles de la vie, de la disparition et du renouveau – des thèmes omniprésents dans la musique que France et Michel ont laissée en héritage.

L’un des aspects les plus singuliers de ce mausolée réside dans la manière dont la lumière interagit avec le verre. Selon l’heure du jour et l’angle du soleil, il se produit un phénomène presque magique : la plaque portant les noms de Michel Berger et de Pauline, habituellement discrète, devient soudain parfaitement lisible. Les lettres s’illuminent d’un éclat doux, comme si elles apparaissaient spontanément sous l’effet de la lumière. Et ce n’est pas tout : lorsque le soleil frappe les parois sous un certain angle, de petits arcs-en-ciel se forment à l’intérieur du mausolée. Un effet lumineux subtil mais spectaculaire, qui surprend encore les visiteurs, même ceux qui en ont entendu parler.

Pour certains admirateurs, ce jeu de lumière évoque une présence, un signe, ou simplement une poésie à laquelle France Gall était profondément attachée. Pour d’autres, il s’agit d’un dernier hommage à Michel Berger, dont les compositions regorgeaient déjà d’images solaires et d’évocations célestes. Mais quel que soit le regard porté sur ce phénomène, il contribue à faire de ce caveau un lieu hors du commun, presque vivant, où la mémoire semble respirer par la lumière.

Tombe de France GALL et Michel BERGER, cimetière de Montmartre, Paris

Le choix du cimetière Montmartre, quant à lui, possède également une signification particulière. Ce lieu emblématique de Paris, qui abrite les sépultures de nombreux artistes, écrivains, musiciens et figures de la vie culturelle française, offre un cadre calme, presque secret. Situé à l’écart de l’agitation du quartier, il constitue un refuge silencieux, idéal pour accueillir la dernière demeure d’un couple qui a profondément marqué la chanson française. Le mausolée de verre, en particulier, attire les fans, les curieux, mais aussi les passants touchés par la beauté de l’endroit.

En se promenant dans ce carré du cimetière, on ressent une atmosphère singulière : un mélange de recueillement, de douceur, et d’émerveillement. Le cerisier, lorsqu’il est en fleurs, offre un spectacle presque irréel. Les pétales roses, tombant délicatement autour des tombes, semblent rappeler la fragilité de la vie et la force des liens familiaux qui unissaient France, Michel et Pauline. Lorsque les arcs-en-ciel apparaissent, certains visiteurs s’arrêtent longuement, silencieux, comme touchés par une présence symbolique.

Ce mausolée reflète finalement ce que France Gall n’a cessé de chercher tout au long de sa vie : transformer la douleur en beauté, la perte en lumière, le silence en poésie. Il est le prolongement naturel de son œuvre et de sa sensibilité. Là où d’autres se contentent de repos éternel, elle a souhaité offrir à ceux qu’elle aimait un lieu où l’on ne pense pas à la mort, mais à la vie, à l’amour, à la transmission.

Aujourd’hui encore, sept ans après sa disparition, ce monument continue d’émouvoir, d’inspirer et de rappeler combien France Gall, en dépit des drames traversés, avait su rester fidèle à une vision profondément humaine : celle d’une existence éclairée par la douceur, la sincérité et la beauté. Et peut-être est-ce finalement là, dans ce mausolée baigné de lumière, que réside son plus bel héritage.