Que s’est-il passé à minuit à Brazzaville ?

La pluie tombait fine sur les rues étroites de Brazaville. Les lampadaires se reflétaient sur l’asphalte mouillé, dessinant des éclats de lumière dans la nuit noire. Cofi, jeune conducteur de taxi moto, roulait lentement. Sa silhouette se fondant dans l’obscurité. Le moteur ronronnant doucement.

 La nuit avait cette odeur particulière après l’averse, mélange de terre mouillée et de goudderon chaud. À minuit, près du marché de Bakongo, il aperçut deux silhouettes, un homme et une femme debout sur le bord de la route, trempé mais étrangement immobile. Il semblait l’attendre. Kofi s’arrêta. L’homme était grand, la femme fine, vêtue d’un pagne aux couleurs sombres et leurs yeux brillaient d’une lumière étrange sous la pluie.

 “Vous allez à Pointe Noire ?” demanda Cofi, un peu nerveux. L’homme hocha la tête. La femme sourit mais ce sourire avait quelque chose de glacé, de surnaturel. Kofi sentit un frisson lui parcourir les chines. Il n’y avait pourtant pas de vent et leurs cheveux ne bougeent pas malgré la pluie. Il démarra la moto. Ils s’accrochèrent derrière lui.

 Le trajet débuta normalement, le moteur raisonnant dans la nuit silencieuse. Mais très vite, Kofi sentit que quelque chose n’allait pas. Leur voix était beau, basse, presque hypnotique et à chaque mot qu’il prononçait, son cœur battait plus vite. “Tu sais, dit l’homme, certains chemins n’ont pas de retour.

” Kofi fronça les sourcils essayant de ne pas paniquer. Il connaissait chaque ruelle de Brazaville, mais la moto semblait avancer toute seule vers des routes qu’il n’avait jamais emprunté. Des bruits étranges accompagnaient chaque tournant, des murmurs, des rires lointains et des pleurs étouffées. “Ce que vous êtes”, demanda Cofi la voix tremblante.

 “La femme éclata d’un rire doux et sinistre. “Nous ne sommes pas de ce monde, dit-elle. Nous cherchons seulement ceux qui écoutent le cœur des vivants. Les yeux de l’homme devinrent d’un noir profond et Kofi derrière eux des silhouettes sombres qui se glissaient dans les ruelles. Il comprit alors qu’il avait été choisi pour voir ce que personne d’autre ne pouvait voir.

 La peur s’empara de lui, mais une étrange tristesse aussi, comme si son âme savait que ses êtres avaient une histoire de douleur ancienne et de solitude. Soudain, la moto s’arrêta devant un pont sur le fleuve Congo. L’eau reflétait la lune comme un miroir noir. L’homme et la femme descendirent et Kofi sentit qu’il devenait transparent comme des ombres prenant la forme humaine.

 “N’oublie jamais”, dit l’homme, “le cœur de l’homme est fragile, mais il est beau. Respecte la vie même quand elle pleure dans l’ombre.” et ils disparurent dans la brume. Kofi resta seul, trempé, le moteur encore chaud, le silence pesant autour de lui. Il rentra chez lui en tremblant, mais avec une profonde gratitude.

Cette nuit, il avait vu ce que personne d’autre n’avait vu. L’écho des âmes perdues qui cherchent la lumière dans la noirceur. Le lendemain, personne ne crut son histoire. Mais chaque fois qu’il prenait sa moto, Kofi repensait à leurs yeux brillants dans la pluie et il se rappelaient la leçon de cette nuit.

 La vie est fragile, les cœurs sont précieux et même dans l’obscurité, il faut écouter les pleurs silencieux des autres.