C’est une simple phrase, mais elle a suffi à rallumer une vieille flamme ou plutôt une vieille blessure. Mars 2024, Michel Sardou, 77 ans, accorde une interview au Parisien à l’approche de son ultime concert à la défense Rena. Après plus de 60 ans de carrière, l’homme se veut apaiser. Pourtant, entre deux souvenirs, il lâche une bombe.

Latitia a parlé dommage, mais elle n’est pas venue me voir et elle n’a pas entendu ce que je dis sur scène. La phrase claque comme une gifle. Le ton est sec, l’agacement palpable. En un instant, le monument de la chanson française déclenche une tempête médiatique. Les titres s’enchaînent. Sardou tacle Latitia Holiday.

 Le chanteur brise le silence. Nouvel épisode dans la guerre des Holiday. Pour comprendre l’onde de choc, il faut revenir quelques mois en arrière. Depuis 2023, Michel Sardou sillonne la France avec sa tournée d’adieu. Je me souviens d’un adieu. 33 dates triomphal 100000 billets vendus en 8h. Sur scène, il revisite toute une vie de musique.

 Les lacs du Konemara. Je vais t’aimer la maladie d’amour mais aussi quelques reprises symboliques. Parmi ell Tennessee de Johnny Holiday un choix qui n’a rien d’anodin. Cette chanson Sardou a chanté avec Johnny le jour de son propre mariage au parc de Sau. Pour lui c’est un clin d’œil personnel, un souvenir d’amitié, une émotion partagée avec deux géants Johnny et Michel Berger, l’auteur du titre.

 Mais voilà qu’en novembre 2023, Latitia Holiday invité de RTL apprend que Sardou interprète Tennessee dans ses concerts. Spontanément, elle déclare : “Je suis ému que Michel rende cet hommage à Johnny. Ces mots, bien intentionnés se propagent de partout. Pour la presse, c’est une belle histoire.” La veuve du rockur, saluant le geste de l’ami fidèle.

 Sauf que Michel Sardou n’y voit pas une marque de reconnaissance. Il y lit une récupération, presque une intrusion. Pour lui, Tennessee n’est pas un hommage, c’est un souvenir. Et surtout, Latitia n’a jamais pris la peine de venir écouter ce qu’il disait sur scène lorsqu’il répond au Parisiens, “Sa colère n’est pas feinte.” Il rappelle que sa reprise n’a rien d’un exercice de deuil national.

À 77 ans, Michel Sardou brise le silence et attaque Laeticia Hallyday ! -  YouTube

 L’hommage, il l’a déjà eu. “Je ne vais pas en rajouter une couche. Je ne suis pas président de la République. Je ne vais pas le mettre à plat aux invalides.” Cette dernière phrase est dévastatrice. En une pique, Sardou fait allusion au funérail national de Johnny en 2017. Célébré avec solennité par Emmanuel Macron devant des centaines de milliers de fans. Pour lui, tout a déjà été dit.

Il refuse d’ajouter sa voix à la déferlante dommages officiel. Son tennis n’a rien à voir avec le culte de la légende. C’est un souvenir intime, presque pudique, un fil tendu vers un ami disparu. Pourtant, la frontière entre émotion et provocation s’efface. En s’exprimant sans filtre, Sardou rallume la guerre des mots autour de Johnny.

 Il faut dire que depuis la disparition du rockur, Latitia s’est imposé comme la gardienne de sa mémoire. Exposition, concerts, fondation, documentaires. À chaque fois, elle orchestre, sélectionne, valide. Et certains comme Sardou s’en agace. Ils se sentent dépossédés, mis de côté comme si seuls les proches récents avaient le droit d’aimer Johnny.

 Cette tension latente éclate à travers une simple phrase. Sardou n’a pas visé Latitia par hasard. Derrière son ton seconde, l’homme du Konemara n’a jamais supporté qu’on parle à sa place, qu’on interprète ses intentions et cette fois, il a choisi de le dire haut et fort. Son entourage s’en inquiète. Fallait-il vraiment parler ? L’artiste s’en moque.

À 77 ans, il n’a plus rien à prouver. Il sait que cette pique fera du bruit, mais elle le libère. Il en avait besoin pour tourner la page. Son tenessi, il le chante pour Johnny et pour lui-même, pas pour les caméras ni pour la veuve du rockur. Dans le tumulte médiatique, une vérité se dessine.

 Derrière le fran parler légendaire de Sardou se cache une sensibilité à vif, celle d’un homme qui a vu partir ses amis, ses repères, son époque. Quand il s’en prend à Latitia, il ne règle pas seulement un différent personnel. Il exprime la frustration d’une génération d’artistes qu’on oublie à peu.

 Et si cette phrase singlante prononcée en mars 2024 n’était pas une attaque mais un cri ? Le cri d’un chanteur qui refuse qu’on transforme ses souvenirs en vitrine. Avant la pique, avant la rancune, il y eu l’amitié. Une amitié flamboyante, virile de celle qui se forge dans les excès et les rires. Dans les années 1970, Michel Sardou et Johnny Halid sont les deux visages d’une même France.

 L’un incarne la rigueur vocale et la tradition populaire, l’autre la fou du rock et la modernité. Ensemble, il fascine, s’admire, se jalouse parfois mais s’aime d’une tendresse inavouée. Les deux hommes partagent la même soif de scène, la même peur du vide, la même solitude derrière la lumière. En 1979, ils vivent une aventure qui celle leur complicité.

 Une descente du grand canyon du Colorado en canoé. Deux géants perdus dans la nature, loin des micros et des flashes. Johnny impulsif rit de tout. Sardou plus réfléchi tempér. Les deux hommes se défient, se chambrent, se sauvent aussi. Le soir au bord du fleuve, ils refont le monde. Ses souvenirs Michel Sardou les gardera toujours comme un trésor.

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 Ce sont les années de l’insouciance, celles où la musique les unit avant que la vie ne les sépare. Mais en 1980, tout bascule. Sardous sort une femme un titre qu’il croit audacieux, presque féministe dans sa manière ironique de décrire les mutations de la société. Sauf que l’époque est tendue, les féministes montent au créneau et les médias s’enflamment.

 On accuse Sardou de machisme. Dans la tempête, Johnny est interrogé et là, l’impensable se produit. Il désavoue publiquement son ami. “Je trouve que Michel va trop loin”, glisse-t-il. Une phrase, une seule, mais elle fend l’amitié en deux. Sardou encaisse le coup. Pour lui, Johnny vient de trahir. Le chanteur du Konemara est un homme d’honneur.

 Il supporte la critique, pas la désolidarisation publique. Il se renferme, boudde puis coupe les ponts. Pendant des décennies, les deux artistes s’ignorent. Ils se croisent sur les plateaux de télévision dans les galas sans un mot, sans un regard. Leurs équipes se saluent eux non. La presse parle de guerre froide, mais c’est plus profond que cela.

 Une blessure d’ego, un mal-entendu qui se fiche dans le temps. Pourtant, malgré la distance, un fil invisible demeure. Johnny continue d’écouter la maladie d’amour. Sardou, lui, ne peut s’empêcher de sourire quand il entend que je t’aime à la radio. Il y a entre eux un respect tacite, presque religieux, deux bêtes de scènes qui se reconnaissent sans se parler.

 Et puis avec les années, les regrets s’installent, les excès s’effacent, les blessures s’atténuent. Johnny vieillit, Michel aussi. Ils comprennent chacun de leur côté que la vie est trop courte pour les rancunes. Leur réconciliation est discrète, presque timide. Au début des années 2010, ils échangent à nouveau.

 Ce serait, selon plusieurs proches, Latitia Halid qui aurait soufflé à Johnny de reprendre contact. L’idée séduit le rocker. On ne se quitte pas comme ça Sardou et moi. Quelques appels, des messages, une poignée de main. Pas de grandes déclarations, pas de larme, mais un geste symbolique. La guerre est finie, du moins en apparence. car au fond le passé ne s’efface pas d’un simple mot.

 Sardou derrière son calme retrouvé n’oublie rien. Il sait que leur amitié a été entachée par la trahison publique et même si les années ont poli les angles, la fissure reste visible. Johnny lui passe à autre chose. Il part à Los Angeles, relance sa carrière, devient le patriarche d’un clan recomposé. Sardou, plus solitaire, se replie sur sa famille, ses tournées, ses textes.

 Leur destin s’éloigne mais leur nom reste indissociable dans l’imaginaire français. En 2015, Michel Sardou brise pour la première fois le silence. Interrogé sur Johnny, il répond avec une fausse désinvolture. On s’est fâché, oui, mais c’est notre histoire. C’est pas grave. En réalité, tout est là. Le ton détaché masque une douleur ancienne.

 Il ne veut pas rouvrir la plaie, mais elle n’a jamais cicatrisé. Cette retenue, cette pudeur virile, c’est toute la complexité de leur relation. Deux hommes forts, trop fiers pour se dire qu’ils s’aiment encore. Lorsque Johnny meurt en décembre 2017, Sardou ne parle pas. Pas un mot, pas une déclaration. Il assiste à la cérémonie silencieux, effacé.

 Il applaudit quand Emmanuel Macron prononce son hommage aux invalide, mais au fond, il pense différemment. Johnny aurait détesté tout ce fast. Le rocker était un homme de scène, pas un symbole d’état. Sardou le sait et cette conviction le hantera encore 7 ans plus tard quand il dira aux Parisiens “L’hommage, il l’a déjà eu.

 Je ne vais pas le mettre à plat aux invalides.” Ces mots, c’est aussi une façon de défendre Johnny contre la récupération, contre l’institutionnalisation de sa mémoire. En les prononçant, Sardou ne s’en prend pas qu’à Latitia. Il s’oppose à une France qui transforme ses artistes en monuments froids.

 Lui veut garder Johnny vivant, brut, imparfait, humain. Celui du Grand Cagnon, pas celui des invalides. Derrière chaque légende, il y a une figure qui veille, qui protège, mais parfois aussi qui divise. Pour Johnny Holiday, cette figure c’est Latitia. Depuis la disparition du rocker en décembre 2017, elle est devenue le centre de gravité d’un univers en miette.

 Son rôle d’épouse, de mère, de veuve et de gardienne de la mémoire fascine autant qu’il irrite. Et c’est précisément à ce carrefour de la mémoire et du pouvoir que Michel Sardou a choisi en mars 2024 de planter sa pique. Au départ, Latitia et Michel Sardou ne se connaissent de pas vraiment. Elle n’a que 23 ans lorsqu’elle épouse Johnny en 1996, lui en a presque 50 de plus.

 Pour elle, Sardou est une légende, un pilier d’une génération précédente. Pour lui, Latitia n’est n aucune présence discrète. La jeune femme lumineuse qui apaise son ami pendant des années, leurs échanges sont courtois, limités à des salutations lors des galas ou des concerts. Rien ne laisse présager la moindre tension.

C’est au début des années 2010 que leur chemin se croise plus directement. Johnny, affaiblie par les hospitalisations successives, traverse une période de doute. Latitia prend alors un rôle décisif dans la gestion de sa carrière et de ses relations. Plusieurs proches racontent qu’elle aurait encouragé Johnny à reprendre contact avec Michel Sardou.

 Elle voulait, dit-on, rassembler les morceaux de sa vie, réconcilier les anciens amis avant qu’il ne soi trop tard. L’initiative fonctionne. Les deux hommes se revoient, échange, rent de leur dispute passées. Sardou en gardera le souvenir d’un apaisement sincère. Mais après la mort de Johnny, tout change. Latitia devient la veuve la plus scrutée de France.

 Son chagrin, son deuil, ses choix deviennent des sujets d’actualité. Elle se bat pour préserver l’héritage artistique de son mari, mais aussi son image. Elle décide qui participe aux hommages, qui chante lors des concert commémoratif, qui parle de Johnny dans les médias. Et c’est là que les fissures se creusent. Des voix s’élèvent, accusant Latitia de monopoliser la mémoire du chanteur, de filtrer ceux qui ont le droit de s’en réclamer.

 Parmi ces voix, certaines sont amè. Eddie Mitchell parle d’un culte du souvenir mal dirigé. Sylvie Vartan, première épouse de Johnny, refuse de prononcer son nom. Jean-Marie Perrier dénonce le marketing du deuil et maintenant Michel Sardou. Tous sont en commun d’avoir connu Johnny bien avant Latitia, à une époque où l’homme n’était pas encore la légende.

Ils ont partagé ses débuts, ses excès, ses doutes. Ils estiment que leur lien est plus authentique, plus légitime. Mais voilà, Latitia, elle était là à la fin. C’est elle qui l’a accompagné jusqu’à son dernier souffle. C’est elle qui a vu l’homme derrière le mythe. Alors quand elle déclare en novembre 2023 sur RTL qu’elle est touchée par la reprise de Tennessee par Sardou, elle croit simplement rendre hommage à un geste fraternel.

 Mais dans l’esprit de Michel, cette phrase sonne faux. Il y voit une récupération, une façon de s’approprier un souvenir qui ne lui appartient pas. Car Tennessee n’est pas qu’une chanson de Johnny. C’est un moment de vie entre deux amis, un clin d’œil à une époque révolue en s’en emparant même par des mots bienveillants, Latitia commet aux yeux de Sardou une maladresse impardonnable.

C’est là tout le paradoxe. Latitia ne cherche pas le conflit mais sa simple existence médiatique en provoque. Chaque mot, chaque geste, chaque sourire est interprété. Elle vit sous surveillance constante jugée à la moindre déclaration. Pourtant derrière les apparences se cache une femme qui tente de survivre.

 Depuis 7 ans, elle élève seule leur fille Jad et Joy entre Los Angeles et Saint-Barthelemi. Elle affronte les critiques, les procès, les divisions familiales, tout en maintenant vivante la mémoire du chanteur préféré des Français. Mais à force de vouloir tout contrôler, elle a créé l’inverse, un faossé. Michel Sardou lui symbolise cette génération d’amis qu’elle a volontairement ou non laissé sur le bord du chemin.

 En choisissant de répondre sèchement à sa phrase sur RTL, il ne s’en prend pas à la femme mais à ce qu’elle représente l’institutionnalisation de Johnny, la transformation de la légende en marque déposée. Pour lui, chanter Tennessee sur scène n’est pas un acte public, c’est un acte intime. Et voir ce moment qualifié d’hommage par quelqu’un qui n’a pas partagé ce souvenir, c’est presque une profanation.

 En définitive, comprendre ces complications entre Sardou et Latitia permet de saisir toute la tragédie de la mémoire. Chacun croit détenir la vérité, chacun agit sincèrement, mais leur conception s’oppose. Latitia parle au nom de l’amour, Sardou au nom de l’amitié. Elle défend la postérité, il défend la vérité.

 Et entre ces deux perspectives, la légende de Johnny s’estompe peu à peu. Leur conflit n’est pas qu’un simple conflit d’ego. Il révèle deux conceptions de la mémoire. L’une publique, structurée, presque politique, l’autre privée, émotionnelle, instinctive. Et à travers leurs paroles, on perçoit deux formes de souffrance. celle d’une femme incapable de faire son deuil et celle d’un homme qui refuse de laisser son passé s’effacer.

 Depuis le 6 décembre 2017, date de la mort de Johnny Holiday, la France n’a jamais vraiment tourné la page. Ses fans continuent de se recueillir chaque année à Saint-Barthelmi. Ces chansons repassent en boucle sur les ondes et chaque projet estampillé, Johnny, suscite débat, émotion, querelle. Au cœur de cet héritage devenu champ de bataille, une femme, Latitia Haliday.

 Elle n’a pas seulement hérité de son nom, mais d’un empire et avec cet empire d’une guerre. Tout commence avec la succession. Dès 2018, la tempête éclate. David Alidet et Laura SM contestent le testament américain qui déshérite les deux aînés au profit exclusif de Latitia et des deux filles adoptives, Jad et Joy. Le pays se divise.

 Les plateaux télés deviennent des arènes, les journaux des tribunaux symboliques. Chacun prend partie. Certains défendent que laveuve évoquant son amour inconditionnel et sa loyauté. D’autres crient à l’injustice, dénonçant une manipulation et une spoliation. Pendant 3 ans, les audiences s’enchaînent jusqu’à un accord en 2020.

Officiellement, la paix est signée. En réalité, la fracture demeure. Dans ce climat empoisonné, Michel Sardou observe en silence. Il ne commente rien mais il voit tout. Il voit comment chaque mot de Johnny est repris, chaque souvenir marchandisé. Il voit les expositions, les coffrets, les albums postumes et plus le temps passe, plus il a le sentiment que la mémoire de son ami lui échappe.

 Que l’homme qui l’a connu, celui du Grand Cagnon, celui des soirées de four riires et de confession, a disparu sous les couches de communication et dommages institutionnels. Quand il reprend Tennessee pendant sa tournée d’adieu, Sardou ne cherche pas à entrer dans cette bataille. Il veut simplement renouer avec un souvenir personnel.

 Mais en recevant les félicitations publiques de Latitia, il comprend qu’il a été happé malgré lui dans cette mécanique de l’hommage officiel. En réagissant sèchement dans le parisien, il veut justement s’en dégager. Je ne vais pas le mettre à plat aux invalides, lâche-t-il. Une phrase qui sonne comme une libération mais aussi comme un reproche adressé à tout un système qui récupère la mémoire des artistes pour la transformer en spectacle permanent.

Sardou n’est pas le seul à ressentir ce malaise. Eddie Mitchell, ami de toujours de Johnny, a souvent exprimé sa distance avec la gestion postume de l’œuvre du rocker. “Je ne reconnais plus mon pote”, aurait-il confié à un proche. Même Sylvie Vart, pourtant discrète, a laissé transparaître son désaccord.

 Le Johnny que j’ai connu n’aurait pas voulu de tout ça. Ces déclarations épars montrent qu’une part du clan Hiday vit avec un sentiment d’expropriation symbolique. Johnny appartient désormais à une image, un produit, un patrimoine collectif et non plus à ceux qui l’ont aimé. Dans ce contexte, la phrase de Sardou ne vise pas uniquement Latitia.

 Elle dénonce un phénomène plus large, la transformation des artistes en reliques nationales. Il ne s’agit plus d’amour mais de marketing. Dommages calibrés, de commémorations sponsorisées, de concerts hommages où la sincérité laisse place à la mise en scène. Pour lui, la chanson Tennessee n’est pas un objet à exposer mais un moment d’intimité qu’il partage avec son ami disparu.

 Latitia, en parlant de sommage, a effacé cette dimension personnelle comme si elle détenait seule le droit de décider ce qui relève de la mémoire de Johnny. Cette posture, même si elle part d’une intention sincère, cristallise les rancunes. Les proches historiques du chanteur voi à temps Latitia la représentante d’un Johnny revisité, celui des années américaines, loin du jeune rebelle d’autrefois, Michel Sardou, lui, incarne l’autre versant, celui de la France d’avant, celle des copains, des tournées improvisées, de la camaraderie brute. Deux monde se

regardent sans se comprendre. Latitia, souvent attaquée, s’enferme dans un silence stratégique. Elle sait que chaque réponse relancerait la polémique. Elle préfère laisser le temps faire son œuvre, persuadé que les souvenirs sincères survivront au querell. Mais pour Sardou, ce silence est une forme de dédin.

 Il y voit une manière de balayer ses propos sans les affronter, comme si son avis ne comptait pas. L’ironie du destin veut que la dernière tournée de Michel Sardou, celle où il tire sa révérence, soit aussi marquée par ce rappel brutal du passé. Au lieu d’un adieu apaisé, il se retrouve entraîné dans un débat sur la mémoire de Johnny. Malgré lui, son hommage personnel devient sujet à controverse.

 Les médias s’emparent de l’affaire, titre, analyse, oppose. Et dans ce vacarme, l’essentiel se perd le geste d’un ami envers un autre. Car au fond, tout cela parle moins d’héritage matériel que d’héritage affectif. Qui a le droit de dire “Je connaissais le vrai Johnny ?” Latitia, David, Sylvie, Sardou ou le public ? Des millions de français qui ont grandi avec lui.

 Cette question, personne n’y répondra jamais. Elle reste suspendue comme une chanson qui ne finit pas. Et c’est sans doute ce qui fait de Johnny un mythe. Il échappe à tous, même à ceux qui l’ont aimé le plus. 29 mars 2024, Paris, la défense Arena est pleine à craquer. 30000 spectateurs, une mer de visage, des cris, des larmes, des pancartes. Merci Michel.

 Ce soir-là, Michel Sardou tire sa révérence. 60 ans de carrière, des millions d’albums vendus, des polémiques, des triomphes, des adieux. Le monument s’efface dans une lumière dorée. Mais malgré l’émotion et la ferveur, un nom revient encore et encore dans les conversations des coulisses, Johnny. Car ce dernier chapitre de la vie publique de Sardou aura été traversé malgré lui par l’ombre de son vieil ami.

 La scène est grandiose. Les premiers accords de Tennessee raisonnent. Sardou ferme les yeux. Le public comprend tout de suite. Certains se lèvent, d’autres etent des larmes. Sur les écrans géants, les images de Michel jeune de Johnny, de moment partagé, le silence se fait religieux. Puis la voix grave de Sardou s’élève.

 On l’a chanté ensemble un jour de fête. Aujourd’hui, je la chante pour lui et un peu pour moi. La salle explose en applaudissement mais dans l’esprit du chanteur, une pensée amère persiste. Latitia n’est pas là. Elle n’a pas vu ça. Ce soir-là, Michel Sardou n’est pas seulement un artiste en train de dire adieu à son public.

 Il est aussi un homme qui boucle un cercle, qui met un point final à une histoire d’amitié inachevée. Son interprétation de Tennessee n’a rien d’un hommage officiel. C’est un moment de vérité, brut, sincère, presque douloureux. Le public ressent cette intensité. Beaucoup ne savent rien du conflit sous-jacent mais tous perçoivent la mélancolie.

Johnny est là dans chaque mot, chaque note. Et pourtant, l’ombre de la polémique plane encore car dans les jours qui suivent, les journaux préfèrent retenir la phrase “Cho du parisien” plutôt que l’émotion de la scène.” Sardouacle, Latitia Holiday. Voilà ce qui restera. Le symbole d’un chanteur qui même au moment de dire au revoir n’a pas pu s’empêcher d’être fidèle à lui-même, franc, abrupte, entier. C’est presque ironique.

 Lui qui voulait partir dans la paix, dans la douceur d’un dernier tour de piste, se retrouve une fois de plus au cœur du tumulte. Mais cette fois, Michel Sardou s’en moque. À 77 ans, il a compris que tout ce qu’il avait à dire, il l’avait déjà chanté. Il s’installe dans le Var avec Anne-Marie Perrier, s’accompagne depuis plus de 50 ans.

 Il vend sa maison de Normandie, tourne la page. Les projecteurs s’éteignent, les micros se taisent. Pour la première fois, il choisit le silence. Un silence apaisé mais lourd de sens. Latitia, de son côté reste muette. Pas de réponse, pas de réaction publique. Certains y voir du mépris, d’autres du respect. Peut-être a-t-elle compris que répondre serait inutile.

 Peut-être aussi qu’elle est blessée, lassé de devoir justifier chacune de ses émotions. Elle a déjà assez d’adversaires, assez de fantômes et au fond, elle le sait. Johnny aurait sans doute ri de tout cela. Lui qui fuyait les querelles stériles et détesté qu’on parle en son nom. Car c’est bien cela la leçon de cette histoire. La mémoire de Johnny Holiday n’appartient à personne, ni à sa veuve, ni à ses enfants, ni à ses amis.

 Elle appartient à la France entière, à chaque génération qui a dansé, pleuré, rêvé sur ses chansons. Sardou, par sa pique, n’a fait que rappeler cette évidence : “Je n’est pas un monument figé, il est une émotion vivante et personne, pas même Latitia, ne peut contrôler ce que chacun ressent pour lui.

” En réalité, ce dernier conflit entre Sardou et Latitia dépasse leurs deux noms. Il symbolise l’attention entre deux mondes, celui de l’intime et celui du public. D’un côté, l’amitié d’homme forgé dans la nuit et les souvenirs. De l’autre, la gestion d’une légende calibrée, contrôlée, commercialisé. Ce choc entre émotions brutes et communication permanente raconte aussi notre époque, celle où même les adieux deviennent des spectacles.

 Au fond, Sardou n’a jamais voulu blesser. Il a simplement voulu rappeler qu’on ne possède pas le souvenir d’un ami. Son attaque n’était peut-être qu’une déclaration d’amour maladroite, un cri de nostalgie lancé par un homme fatigué de voir ses émotions réduites à des titres de presse. En chantant Tennessee une dernière fois, il a voulu retrouver Johnny, pas défier Latitia.

 Et c’est peut-être là la plus belle conclusion. Malgré les querelles, malgré les mots trop forts, il reste la musique, celle qui relie encore ces deux monstres sacrés. Au-delà des rancunes et des deuils, Sardouard, Johnny est parti, mais leurs voix continueront de dialoguer à travers les décennies, dans les radios, dans les stades, dans les cœurs.

 Quand les lumières de la défense Arena s’éteignent ce soir de mars 2024, Michel Sardou s’incline, les yeux humides. Une dernière fois, il murmure merci et au revoir. C’est un adieu sans regret, sans revanche. Une sortie de scène à la hauteur du personnage, sincère, fière, humaine. Derrière lui, la France entière se souvient et dans ce souvenir collectif raisonne encore l’écho de Tennessee.

 Cette chanson qui au-delà des mal-entendus et des pquses aura relié deux hommes pour toujours.