La vie et la Mort Tragiques de Claude Barzotti.

Claude Barzotti, un nom indissociable de la chanson française, incarne la douceur, la mélancolie et une émotion brute qui ont traversé les générations. De son premier succès “Madame” en 1981 à sa reconnaissance comme l’un des plus grands interprètes de la chanson d’amour, sa carrière a fait rêver des millions de fans à travers le monde. Pourtant, derrière cette carrière lumineuse se cachait une existence chaotique, marquée par des addictions destructrices, des blessures émotionnelles profondes, et un combat contre la maladie qui allait finalement l’emporter.

La Naissance d’une Voix

Né Francesco Barzoti en Belgique, de parents italiens immigrés, Claude grandit entre deux cultures, deux mondes qui allaient nourrir toute sa musique. De son père mineur à ses premières années passées entre la Belgique et l’Italie, il décrit son enfance comme un mélange de fierté et de honte, une période de luttes sociales et personnelles qui imprégnerait ses chansons de douleur et de poésie. Dès son plus jeune âge, la musique devient son échappatoire. Enfant, il se produit dans les bals de quartier et apprend à vivre grâce à de petits boulots.

Mais il n’y a pas de chemin tout tracé pour Barzotti. La célébrité ne lui a pas été donnée sur un plateau. Il a dû lutter pour se faire une place dans le monde impitoyable de la chanson. Après ses premiers pas en tant que musicien et compositeur, il parvient à capter l’attention du public avec “Madame”, une chanson écrite lorsqu’il était mécanicien, inspirée d’un amour fugace. Cette chanson, devenue un tube, l’établit comme une figure incontournable de la chanson romantique, une voix brute et sincère qui parlait à des générations entières.

Les Années de Gloire

Le véritable tournant dans sa carrière survient en 1983 avec “Je suis un immigré”, une chanson qui résonne profondément chez les enfants d’immigrés. Barzotti, avec une authenticité poignante, transforme un terme péjoratif en un symbole de fierté. La chanson devient un hymne, non seulement en France, mais aussi en Belgique, touchant des millions de personnes qui se reconnaissent dans son récit d’exclusion et de résilience.

Les années suivantes sont une succession de succès. En 1983, il sort “Je ne t’écrirai plus”, un autre classique de la chanson française, et en 1985, il compose pour Dalida. Ses chansons, souvent teintées de mélancolie, trouvent un public fidèle, toujours à la recherche de cette touche émotionnelle brute qui fait sa signature.

Mais à l’aube des années 90, la tendance commence à s’inverser. Les albums se vendent moins bien, et Barzotti se retrouve à devoir lutter contre une popularité en déclin. Pourtant, sa détermination ne faiblit jamais. Il participe à des émissions télévisées, il continue de se produire sur scène, et reste fidèle à ses fans. Malgré une baisse de visibilité, son héritage est solidifié par sa sincérité et son amour inébranlable pour la musique.

Les Ombres de la Célébrité : L’Addiction et le Chaos Personnel

Cependant, derrière cette façade publique, Barzotti lutte avec des démons personnels. Son amour pour les femmes et sa recherche constante de liberté affectent sa vie privée de manière dramatique. Ses relations tumultueuses et son incapacité à trouver la stabilité amoureuse alimentent ses conflits intérieurs. Mais ce n’est pas tout : l’alcool, qui devient un refuge pour échapper à la pression et à la douleur, s’immisce dans sa vie. Devenu dépendant, il boit de plus en plus, sa consommation atteignant des niveaux inquiétants.

La spirale descendante s’accélère. À 43 ans, il frôle la mort à cause d’une thrombose. Son corps, malmené par l’alcool et les médicaments, se fragilise. Les années suivantes seront marquées par une série d’hospitalisations et une santé de plus en plus dégradée. Mais même dans ces moments difficiles, Barzotti continue de chanter, offrant à son public des concerts qui, malgré la fatigue et la maladie, restent empreints de l’émotion brute qui a fait sa légende.

La Maladie et la Retraite

À la fin des années 2010, la maladie frappe de nouveau. Atteint d’une pancréatite sévère, Barzotti lutte contre la mort, son corps épuisé par des années de dépendance. En 2020, il annonce son retrait des scènes, conscient qu’il ne pourra plus chanter. La pandémie de Covid-19, qui bouleverse le monde, agit comme un déclic, le forçant à accepter ses limites physiques.

Sa dernière apparition publique en 2020, lors des funérailles de son ami Grand Jojo, révèle l’ampleur de son déclin. L’homme qui, autrefois, remplissait des salles de concert avec sa voix puissante, se retrouve aujourd’hui affaibli, fragile, face à la réalité de sa condition.

La Fin d’une Étoile

En juin 2023, Claude Barzotti s’éteint à l’âge de 68 ans, dans sa maison de Cour Saint-Étienne, entouré de ses deux filles. La musique qu’il a laissée derrière lui demeure un héritage intemporel, témoignant des luttes intérieures d’un homme qui a consacré sa vie à la chanson. Ses fans, qui ont partagé ses hauts et ses bas, se souviennent de lui non seulement comme d’un artiste exceptionnel, mais aussi comme d’un homme qui a vécu avec ses démons, cherchant constamment une forme de rédemption à travers sa musique.

Son histoire est celle d’un homme qui a incarné à la fois la beauté et la douleur de l’existence. Claude Barzotti nous a offert une voix qui parlait au cœur, une voix qui, même dans la souffrance, a su toucher les âmes. Une vie marquée par l’ambiguïté de l’amour, de la célébrité, des addictions, et de la maladie. Une tragédie qui, à travers ses chansons, a trouvé son exutoire.