Il y a des images qui pèsent plus lourd que mille mots. Des séquences volées au temps, chargées d’une émotion si dense qu’elle traverse l’écran pour nous saisir à la gorge. La dernière vidéo d’Alain Delon et de Nathalie Delon, réunis, en fait partie. Filmée par leur fils, Anthony Delon, elle capture un instant de vie précieux, presque sacré : les derniers moments partagés entre un homme, une femme qui fut son unique épouse, et l’enfant né de leur amour. C’est une scène de famille d’une simplicité désarmante et d’une puissance tragique. Car quelques jours plus tard, le 21 janvier 2021, Nathalie Delon s’éteignait, emportée par un foudroyant cancer du pancréas.

Deux ans après cette disparition, le silence d’Alain Delon, souvent reclus et mystérieux, s’est brisé pour laisser place à un hommage d’une rare intensité. À l’occasion de ce triste anniversaire, l’acteur mythique a livré une part de son chagrin, confirmant ce que beaucoup subodoraient : le lien qui l’unissait à Nathalie était indéfectible, unique, et éternel.

“Je suis très triste”, a-t-il confié par communiqué de presse. Des mots simples, presque nus, qui portent en eux tout le poids du deuil. “J’ai de la peine aussi pour mon fils et mes trois petits-enfants. C’est très dur de perdre une mère comme une grand-mère.” Mais c’est la suite de sa déclaration qui scelle le caractère exceptionnel de leur histoire. “Nathalie a été ma première femme et la seule Madame Delon.”

Cette phrase, “la seule Madame Delon”, résonne avec une force particulière. Elle n’est pas seulement un rappel factuel – Alain Delon n’a, en effet, jamais épousé d’autre femme, ni Mireille Darc, ni Romy Schneider, ni Rosalie van Breemen. Elle est une reconnaissance. Une affirmation que, par-delà les passions tumultueuses, les séparations et les nouvelles vies, Nathalie tenait une place à part, un statut qu’aucune autre n’a jamais pu revendiquer.

Leur histoire commence en 1964. Elle est fulgurante. Ils se marient cette année-là, dans l’intimité, loin du tumulte médiatique qui entoure déjà la star de “Plein Soleil”. De cette union naîtra rapidement leur fils, Anthony. Nathalie, d’une beauté féline et d’un tempérament de feu, n’est pas femme à rester dans l’ombre du “Guépard”. Elle a du caractère, une présence. Ensemble, ils forment un couple magnétique, icônes d’une époque. Ils tourneront même ensemble dans “Le Samouraï” de Jean-Pierre Melville, où sa présence froide et élégante marque les esprits.

Mais les passions intenses brûlent vite. Leur mariage est orageux, fait de hauts et de bas, scruté par la presse du monde entier. Ils finiront par divorcer quelques années plus tard. Pourtant, contrairement à tant d’autres couples de stars qui se déchirent sur la place publique, la rupture entre Alain et Nathalie ne signera jamais la fin de leur relation. Elle la transforme.

C’est ce qu’Alain Delon a tenu à souligner dans son hommage : “On s’est marié en 1964. On était resté constamment en contact. On se voyait souvent. Je faisais partie de sa vie, elle faisait partie de la mienne.” Cette confidence dessine les contours d’une famille moderne, atypique pour l’époque, unie non plus par les liens du mariage, mais par une affection profonde, une estime mutuelle et, bien sûr, par l’amour indéfectible pour leur fils Anthony.

Anthony Delon a été le pilier de cette relation post-maritale. C’est lui qui, au fil des ans, a maintenu ce pont invisible mais solide entre ses parents. C’est lui, encore, qui a immortalisé leur dernière rencontre. Cette vidéo, partagée pudiquement, montre un Alain Delon affaibli mais tendre, et une Nathalie souriante, malgré la maladie qui la rongeait. Une image de paix, de réconciliation finale, de boucle bouclée.

La maladie de Nathalie a été un combat courageux, mais inégal. Diagnostiquée d’un cancer du pancréas, l’un des plus redoutables, elle a fait face avec une dignité qui force l’admiration. Jusqu’au bout, elle a voulu vivre, entourée des siens. Anthony, omniprésent, a documenté ces derniers mois, non par voyeurisme, mais pour garder une trace de la force de sa mère. Et Alain était là, lui aussi. Non pas l’acteur, mais l’homme, le premier mari, le père de son fils, venu dire au revoir.

La perte de Nathalie a ravivé chez Alain Delon une blessure que l’on devinait profonde. Lui qui a vu tant de ses amours disparaître – Romy, Mireille – voyait partir la seule qu’il avait conduite à l’autel. Son hommage se fait plus intime, presque secret, lorsqu’il s’adresse directement à elle, par-delà la mort : “Avec toi, j’ai eu mon premier fils, Anthony. Avec toi, j’ai compris que la passion pouvait être…”

Ces mots révèlent l’empreinte indélébile laissée par Nathalie. Elle n’était pas seulement la mère de son fils ; elle fut celle qui lui a enseigné une certaine forme d’amour, brut, passionné, absolu.

La conclusion de son message est un cri de douleur qui ne dit pas son nom, une absence qui devient présence obsédante. “Deux ans déjà. Tu me manques si tu savais…” En deux phrases, tout est dit. La star au regard d’acier laisse entrevoir l’homme vulnérable, celui que le temps qui passe n’apaise pas. Le souvenir de Nathalie demeure intact, sa place dans son cœur est irremplaçable. Comme il le dit lui-même, “elle a marqué sa vie à jamais.”

Cette histoire, c’est celle d’un amour qui a su se réinventer. D’une passion amoureuse devenue une amitié indéfectible, une complicité familiale. C’est le témoignage que même après le feu d’un divorce, les braises du respect et de la tendresse peuvent continuer à couver pendant des décennies. Nathalie Delon n’était pas seulement “l’ex-femme de”. Elle était Nathalie. Une actrice, une réalisatrice, une mère, une grand-mère. Et pour Alain Delon, elle restera à jamais “la seule Madame Delon”, un fantôme lumineux dans le panthéon de ses souvenirs, une absence qui pèse autant qu’une présence. La dernière vidéo, ce dernier sourire partagé, n’est pas un adieu, mais la preuve d’un lien qui, simplement, ne pouvait pas mourir.