La petite fille embrassa le chien. Ce qu’il fit ensuite fut terrifiant.
Une mère, abandonnée par son mari, se retrouve seule avec un chien qu’elle n’a jamais voulu. Mais sa petite fille voyait quelque chose que personne d’autre ne voyait. Et lorsque l’enfant finit par l’embrasser, ce que le chien fit ensuite secoua la mère jusqu’au plus profond d’elle-même.
Était-il vraiment seulement un chien… ou le dernier protecteur de la famille ?

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Sarah claqua la porte de la machine à laver plus fort qu’elle ne l’avait prévu. Le bruit tinta dans le petit appartement. Elle marmonna pour elle-même :
« Il n’a même pas été capable d’emmener le bâtard, hein ?
Non, il me laisse les factures et le chien. »

Depuis le canapé, Rex leva la tête, les oreilles frémissantes.
Le grand berger allemand, avec son collier bleu rigide, la fixait.

Il avait ce même regard fixe que son mari appelait autrefois de la loyauté. Pour Sarah, cela ressemblait plutôt à un jugement.

« Ne me regarde pas comme ça », lâcha-t-elle sèchement. « Tu es son chien, pas le mien. »

Une petite voix s’éleva du sol.

« Maman, sois pas fâchée contre Rex. »

Sarah se retourna. Sa fille, Nora, avec ses boucles blondes indisciplinées et un pull rouge beaucoup trop grand pour elle, était assise sur le tapis, entourée de blocs de construction.

Ses petites mains s’agrippaient à la queue de Rex comme à une corde. Le chien ne bougeait pas. Il restait simplement assis, immobile et massif, laissant la fillette s’accrocher.

« Nora, je t’ai dit de ne pas tirer. Ce n’est pas un jouet. »

« Il m’aime bien », répondit Nora avec un simple sourire. « Il m’aide toujours. »

Sarah ricana amèrement.

« T’aider ? Ce chien ne m’a pas aidée quand ton père a claqué la porte. Il ne m’a pas aidée pour le loyer. Il ne m’a pas aidée pour les courses. Tout ce qu’il fait, c’est manger. »

Elle sortit un t-shirt du panier à linge et le plia avec des gestes brusques, pleins de colère.

Nora fit la moue.

« Mais c’est mon ami. »

Sarah secoua la tête.

« Ton ami ? C’est un fardeau. »

Comme s’il sentait la tension, Rex se rapprocha de Nora. Son lourd corps la protégea du bord de la table, où un verre menaçait de tomber.

Sa poitrine appuyait contre le dos de la fillette comme un bouclier. Sarah le remarqua et plissa les yeux.

« Tu vois ? Voilà ce qu’il fait. Il se met en travers. »

Mais Nora gloussa et tapota son flanc.

« Non, maman. Il m’aide. Regarde. »

Elle poussa un de ses blocs trop loin, et il roula sous le canapé en cuir noir. Elle essaya de l’attraper, ses petits bras tendus.

« Maman, j’y arrive pas », geignit-elle en regardant sous le meuble sombre.

Sarah soupira et allait se pencher quand Rex se déplaça.
Doucement, avec prudence, il baissa sa truffe au sol. Il gratta délicatement puis poussa le bloc avec son museau jusqu’aux mains de Nora.

« Tu vois, maman, il m’a aidée », s’exclama Nora en serrant le bloc.

Sarah se figea.

Elle voulut mettre ça sur le compte du hasard, mais ce n’était pas la première fois. Elle se rappela comment il apportait la couverture de Nora lorsqu’elle pleurait, ou comment il redressait son gobelet quand elle le renversait.

Elle repoussa ces pensées.

« Il veut juste de l’attention. N’en fais pas plus que ce que c’est. »

Nora l’ignora et entoura le cou de Rex de ses bras.

« Bon chien. »

Le chien se laissa aller contre elle, ses yeux se tournant de nouveau vers Sarah. Pas joueurs, pas suppliants, mais en attente. Toujours en attente.

La colère jaillit de la gorge de Sarah.

« Ne fais pas comme si tu me comprenais. Tu n’es qu’un chien. Tu ne peux rien réparer. »

Nora sursauta au ton de sa mère.

« Maman, arrête de lui crier dessus. »

Sarah en resta bouche bée.

Jamais sa fille ne l’avait défendue ainsi. Pas contre des inconnus, pas contre qui que ce soit. Mais là, elle défendait un chien. La douleur fut plus profonde qu’elle ne l’aurait cru.

Au-dessus, le voisin tapa au sol.

« Faites moins de bruit, en bas ! »

Sarah hurla en retour :

« Occupe-toi de tes affaires ! »

Elle se retourna vers Rex et le pointa du doigt.

« T’as entendu ça ? Tout le monde te déteste. Tu n’es qu’une source d’ennuis. »

Rex ne broncha pas. Il se déplaça encore, cette fois poussant du museau le gobelet de Nora vers elle. La fillette poussa un cri de joie et l’enlaça.

Les mains de Sarah tremblaient tandis qu’elle tirait un autre t-shirt du panier. Elle voulait crier que ça ne signifiait rien. Mais au fond d’elle, en voyant sa fille rayonner, elle sentit la fissure dans sa poitrine s’élargir.

Son mari était parti sans se retourner.
Il se fichait de ce qu’elles deviendraient.
Mais le chien, lui, était resté.

Sarah se mordit la lèvre jusqu’à la douleur. Elle laissa retomber le t-shirt dans le panier.

« Ça ne change rien », murmura-t-elle presque. « Rien du tout. »

Mais Rex s’était déjà recouché près de Nora, calme, solide, sa queue balayant une fois le sol.

Et Nora, triomphante, répétait encore et encore :

« Il m’a aidée, maman. Il m’aide toujours. »

Sarah détourna le regard, la gorge serrée, refusant d’admettre ce que sa fille voyait si facilement.

Elle traîna le panier dans le couloir en murmurant :

« J’aurais dû l’emmener au refuge quand ton père est parti. Ça m’aurait évité des migraines. »

Sa voix était dure, mais son pas ralentit lorsqu’elle entendit les rires de Nora dans le salon. Ce son entra en collision avec l’amertume qui bouillonnait dans sa poitrine.

Elle s’arrêta dans l’embrasure de la porte. Nora était assise sur le canapé en cuir noir, son pull rouge froissé, ses boucles bondissant tandis qu’elle applaudissait. Rex se tenait devant elle, droit, immobile, comme s’il protégeait l’air qu’elle respirait.

Sarah fronça les sourcils.

« Vous agissez comme si je n’existais pas. Comme si c’était lui qui tenait cette famille debout. »

Nora se retourna.

« Maman, regarde. Il a encore retrouvé mon bloc. Je l’ai fait tomber et il me l’a ramené. »

Sarah serra les dents.

« Bien sûr. C’est ce qu’il fait. Il te pourrit. Il te fait croire que c’est une sorte de héros. »

Le sourire de Nora s’éteignit.

« Dis pas ça. »

Le ton de sa petite voix surprit Sarah. Elle s’attendait à une plainte, pas à une réplique.

L’enfant entoura le cou de Rex, lui murmura quelque chose dans la fourrure, et Rex se rapprocha, comme s’il comprenait.

Le voisin tapa encore plus fort. Sa voix résonna à travers le plafond :

« Calmez cette bête, ou j’appelle le propriétaire aujourd’hui même ! »

La patience de Sarah vola en éclats.
Elle hurla vers le plafond :

« Vas-y ! Je t’attends ! »

Sa gorge brûlait de rage. Elle se tourna vers Rex :

« Voilà pourquoi tu es une malédiction.
Les gens entendent un bruit et ils veulent qu’on disparaisse. Tu vas nous ruiner. Tu entends ? Nous ruiner ! »

Les oreilles de Rex frémirent, mais il ne recula pas.

Au lieu de cela, il se tourna et poussa encore une fois le gobelet de Nora vers elle, tout en fixant Sarah.
Un acte de défi sans agressivité.
Calme. Mesuré.
La forçant à le voir.

Nora fronça les sourcils et dit :

« Maman, arrête. Il est gentil. Il m’aide tout le temps. Tu le vois même pas. »

Les mots blessèrent. Sarah ouvrit la bouche pour répliquer, mais rien ne sortit.

Elle se vit dans ces yeux de chien : épuisée, amère, seule.

Il ne partirait pas.
Il n’était pas comme son mari.
Il restait.
Mais elle refusa de laisser cette idée grandir. Elle secoua la tête :

« C’est bientôt l’heure d’aller dormir. Assez joué. »

Nora l’ignora encore, riant lorsque Rex poussa d’une patte l’ours en peluche déchiré tiré du panier et le posa sur ses genoux.

« Tu vois ? Il partage. »

Les genoux de Sarah fléchirent.
Ce jouet était le seul que Rex n’avait jamais laissé personne toucher.
Et pourtant là, il l’offrait à sa fille sans hésitation.

La voix de Nora devint douce.

« Merci, Rex. »

Elle se pencha et ses petites lèvres touchèrent la truffe noire du chien.

Sarah se figea.

« Nora, ne fais pas ça ! »

Mais c’était trop tard.
Le baiser était posé.