Affaire Jubillar : le corps de Delphine enterré sous la dalle d'une maison  ? - Yahoo Actualités France

Quatre longues années se sont écoulées. Quatre années de silence, de recherches vaines et de mystère opaque. Depuis la nuit du 15 au 16 décembre 2020, Delphine Jubillar, infirmière de 33 ans, s’est volatilisée de son domicile de Cagnac-les-Mines, dans le Tarn, sans laisser la moindre trace. Pas de corps, pas de scène de crime, pas d’aveux. Seulement un suspect principal, son mari, Cédric Jubillar, peintre-plaquiste en instance de divorce, qui clame son innocence depuis sa cellule.

Alors que l’instruction était close et que la France se préparait à un procès hors-norme, fondé sur un simple “faisceau d’indices”, un coup de théâtre vient de secouer l’opinion publique et de gripper la machine judiciaire. En mars 2025, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Toulouse a ordonné la réouverture partielle du dossier. La raison ? De nouveaux éléments, aussi troublants que tardifs, qui dessinent le contour d’un scénario macabre, jusqu’ici relégué au rang de rumeur : et si Delphine avait été enterrée sous une dalle de béton ?

Cette hypothèse glaçante n’est pas née de rien. Elle est le fruit de deux témoignages clés qui, mis bout à bout, ont forcé les magistrats à reconsidérer l’impensable.

Le premier élément provient du lieu le plus improbable : la prison de Sesset, au sud de Toulouse. Un homme, un certain Salem, ancien codétenu de Cédric Jubillar, a tenu des propos dérangeants à sa propre mère lors d’un parloir. La conversation, enregistrée dans le cadre d’une autre affaire, a fait l’effet d’une bombe. Salem y suggère que Cédric n’aurait pas agi seul, qu’il aurait bénéficié d’une “assistance” pour faire disparaître son épouse. Plus troublant encore, il évoque l’utilisation d’un véhicule utilitaire, étranger à la famille, qui expliquerait pourquoi aucune trace suspecte n’a jamais été relevée dans les voitures du couple. Cette piste d’une complicité, bien que déjà explorée, prend soudain une nouvelle épaisseur.

Mais c’est le second témoignage qui vient cimenter la théorie. Début mai 2025, un individu se présente spontanément aux enquêteurs. Ce qu’il raconte fait froid dans le dos. Aux alentours de la disparition de Delphine, une mini-pelle aurait été volée sur le chantier d’une maison en construction, à quelques kilomètres seulement du pavillon des Jubillar. Un détail ? Pas pour les enquêteurs.

Car Cédric Jubillar n’est pas n’importe qui. Il est maçon, peintre-plaquiste. Les chantiers, les outils, le béton, les travaux lourds… c’est son métier. Il possède, en théorie, toutes les connaissances techniques pour creuser, couler une dalle et camoufler une sépulture de la manière la plus définitive qui soit. L’idée que le suspect numéro un, doté de compétences spécifiques, ait pu utiliser un engin de chantier volé sur un site voisin pour y dissimuler le corps de sa femme, offre soudain une cohérence terrifiante à l’ensemble du dossier.

Cette hypothèse de la dalle de béton, aussi effroyable soit-elle, n’est malheureusement pas une fiction. Elle fait écho à un autre drame qui a marqué la France : l’affaire Aurélie Vaquier. En 2021, à Bédarieux, dans l’Hérault, cette jeune femme de 34 ans disparaît. Son compagnon, tout aussi discret et peu ému que Cédric Jubillar, explique qu’elle est partie de son plein gré, fatiguée de tout. Un récit qui s’effondrera deux mois plus tard.

Affaire Delphine Jubillar: les nouvelles fouilles dans le Tarn ont pris fin

Le 7 avril 2021, des ouvriers découvrent l’horreur. Le corps d’Aurélie gît sous une dalle de béton, coulée à la hâte dans le salon même de la maison qu’elle partageait avec son meurtrier. L’autopsie révélera qu’elle a été étouffée. Son compagnon, lui aussi artisan dans le bâtiment, avait utilisé ses compétences pour tenter de sceller son crime.

Ce parallèle sinistre jette une lumière crue sur l’affaire Jubillar. Il prouve que ce mode opératoire, que l’on pourrait croire sorti d’un polar, est une réalité criminelle. Dissimuler un corps sous du béton est une méthode aussi effroyable qu’efficace : elle échappe aux chiens renifleurs, aux fouilles de surface, aux promeneurs. Elle rend la victime invisible, la fondant littéralement dans le décor. L’erreur du meurtrier d’Aurélie Vaquier fut de le faire chez lui. Si Cédric Jubillar a suivi cette logique, le choix d’un chantier tiers, à l’abri des regards, aurait été une stratégie bien plus méthodique.

La réouverture de l’enquête pose désormais un défi logistique et juridique immense. Comment vérifier cette hypothèse ? Fouiller une maison en construction, potentiellement terminée et habitée aujourd’hui, n’est pas une mince affaire. Cela exige des moyens techniques lourds, des autorisations complexes et la quasi-certitude de trouver quelque chose pour justifier un tel acte, potentiellement destructeur. La justice se retrouve face à un dilemme : prendre le risque d’endommager un bien privé sur la base d’un témoignage tardif, ou laisser passer ce qui pourrait être l’unique chance de retrouver Delphine.

Car c’est bien là tout l’enjeu. Depuis quatre ans, la justice s’apprête à juger un homme pour meurtre sans la preuve irréfutable du meurtre : le corps. En France, un procès sans cadavre est rare, bien que juridiquement possible. Il repose entièrement sur “l’intime conviction” des jurés, qui doivent reconstruire un drame à partir d’indices comportementaux, d’incohérences et de contradictions.

Dans le cas Jubillar, ces indices sont nombreux. La personnalité de Cédric, sa nonchalance présumée le soir de la disparition, ses messages troublants, et surtout, le fait que la justice ait systématiquement rejeté ses neuf demandes de remise en liberté – y compris par la Cour de cassation – démontrent que les magistrats sont convaincus de tenir le bon suspect. Ils estiment que le dossier contient suffisamment d’éléments à charge pour justifier son maintien en détention.

Mais l’absence de corps reste le vide béant au cœur de cette affaire. Un vide que la famille de Delphine – ses enfants, sa mère, ses amis – ne peut supporter. Au-delà du besoin de justice, il y a le besoin de savoir. Le besoin d’un lieu où se recueillir.

Cette nouvelle piste, c’est peut-être l’espoir d’obtenir enfin une preuve matérielle, tangible. Si les fouilles devaient confirmer la présence d’un corps sous le béton de ce chantier, l’affaire basculerait. D’un suspect accablé d’indices, Cédric Jubillar deviendrait un assassin présumé, méthodique et calculateur, qui aurait non seulement prémédité son acte, mais aussi l’effacement de la preuve ultime.

Tandis que la France retient son souffle, l’enquête reprend, alimentée par des témoignages qui, s’ils avaient été recueillis plus tôt, auraient pu changer le cours des choses. La justice, souvent critiquée pour ses lenteurs, prouve ici sa détermination à ne rien lâcher. Elle envoie un message clair : tant que la vérité n’est pas faite, rien n’est définitivement clos.

Le procès, attendu fin 2025, se tiendra-t-il avec ou sans corps ? Nul ne le sait. Mais quelque part dans le Tarn, peut-être sous une couche de ciment durci, repose le silence d’une femme que tout un pays attend. Le béton finira-t-il par parler ? C’est aujourd’hui le dernier et fragile espoir d’une famille détruite, suspendue à la vérité.