Philippe Etchebest vs Gordon Ramsay : le duel de chefs qui a enflammé Bordeaux

Le 15 novembre 2025, M6 remet à l’honneur plusieurs épisodes des saisons 14 et 15 de Cauchemar en cuisine. Aux commandes de cette émission culte, on retrouve bien sûr Philippe Etchebest, véritable figure emblématique de la chaîne, devenu au fil des années l’un des chefs les plus populaires de France. Ce Meilleur Ouvrier de France, ancien boxeur et rugbyman, s’est fait connaître du grand public grâce à Top Chef avant de s’imposer comme un pilier du petit écran.

Arrivé dans le jury du concours culinaire en 2014, Etchebest a rapidement conquis les téléspectateurs par son franc-parler, son exigence, mais aussi sa sensibilité. Depuis, il est partout : Objectif Top Chef, Cauchemar en cuisine, émissions spéciales… jusqu’à devenir l’un des visages phares de M6. Mais derrière cette réussite médiatique se cache aussi une relation particulière – et savoureuse – avec un autre géant de la gastronomie télévisée : Gordon Ramsay.

Philippe Etchebest vs Gordon Ramsay : à la télé comme au restaurant, c'est  la guerre entre les chefs - Public

Deux chefs, deux légendes… et une même flamme

À première vue, tout semble séparer Etchebest et Ramsay. L’un, artisan dans l’âme et attaché à sa région, revendique une cuisine de cœur et de terroir. L’autre dirige un empire mondial, collectionne les restaurants et parcourt les plateaux télé comme un rockstar de la gastronomie. Et pourtant, les deux hommes partagent bien plus que leur amour de la cuisine.

Tous deux ont obtenu des étoiles Michelin et jouissent d’un immense respect dans le milieu culinaire. Etchebest, doublement étoilé et Meilleur Ouvrier de France en 2000, est réputé pour sa rigueur extrême et son perfectionnisme quasi militaire. Ramsay, fort d’un portefeuille international de 31 restaurants et détenteur de sept étoiles Michelin, est un chef au tempérament volcanique, qui a bâti sa carrière sur un mélange d’excellence gastronomique et de coups de sang retentissants.

Leur point commun le plus éclatant ? Leur tempérament explosif. Dans Kitchen Nightmares comme dans Cauchemar en cuisine, aucun des deux ne mâche ses mots. Ramsay a traumatisé des générations de restaurateurs avec ses fameux « It’s disgusting! » et ses colères mémorables. Etchebest, plus sobre mais tout aussi tranchant, n’hésite jamais à lâcher quelques phrases bien senties – devenues cultes, comme ce commentaire mordant : « Ma chienne en fait une tous les matins comme ça. »

L’un traite l’autre de « pitbull », tandis que Ramsay se qualifie de « rottweiler ». L’Écossais confiait même à France Bleu Gironde :
« On a chacun notre style : Philippe est un pitbull et moi un rottweiler. On s’est déjà retrouvés un peu bourrés à trois ou quatre heures du matin après le service… C’est ça, la vie des chefs. »

Etchebest, de son côté, ne cache pas l’admiration qu’il éprouve pour son homologue britannique :
« C’est un grand chef, un compétiteur. Ce qu’il a construit est admirable, mais moi je préfère rester près de mes casseroles. »

Car si Ramsay règne sur un empire, Etchebest revendique une cuisine plus artisanale, plus intime, centrée sur son terroir et sa ville de cœur : Bordeaux.

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2015 : quand la rivalité se joue vraiment… à Bordeaux

Cette amitié teintée de rivalité prend un tournant concret en 2015, quand les deux chefs ouvrent chacun un établissement à Bordeaux, quasiment côte à côte, place de la Comédie.

D’un côté, Philippe Etchebest dévoile Le Quatrième Mur, une brasserie chic et chaleureuse installée dans l’enceinte du Grand Théâtre. L’adresse se veut accessible, vivante, animée, tout en affichant une haute ambition gastronomique.

De l’autre côté de la place, Gordon Ramsay inaugure Le Pressoir d’Argent, restaurant gastronomique du Grand Hôtel, qui deviendra rapidement l’une des tables les plus prestigieuses de la ville. Raffinement britannique, luxe discret, précision millimétrée : l’établissement s’impose d’emblée comme une destination culinaire de haut vol.

Lors de l’ouverture, l’atmosphère est à la fois conviviale et chargée de tension amicale. Ramsay, sourire au coin des lèvres, déclare :
« J’adore la compétition, elle me stimule. C’est un grand chef, mais je suis prêt. Je pars avec un handicap : je suis un chef anglais en France (même si je suis écossais !). Mais pour vous, c’est la même chose. »

Etchebest répond avec élégance :
« Bordeaux devient la capitale de la gastronomie française. Avec l’arrivée de Joël Robuchon, de Gordon Ramsay, d’Alain Ducasse. C’est juste énorme depuis le temps qu’on l’attendait ! »

Le décor est planté. Le duel peut commencer.

Deux styles, deux atmosphères : le choc des critiques

Très vite, les critiques gastronomiques affluent pour comparer les deux adresses. Et les contrastes sautent aux yeux.

Au Quatrième Mur, l’expérience est conviviale, presque théâtrale. Autour d’une « table d’hôte » unique, neuf convives partagent un menu en sept actes où défilent caviar d’Aquitaine, homard bleu, ris de veau fondant… Le tout servi dans une ambiance décontractée, parfois surprenante, où Etchebest n’hésite pas à venir saluer ses clients, blouson de cuir sur le dos. Le chef le répète souvent :
« La cuisine est une fête de tous les jours. Elle rassemble les hommes pour ce qu’ils ont de meilleur : le sens du partage. »

En face, la proposition est tout autre. Le Pressoir d’Argent joue la carte du luxe absolu. Le chef exécutif, Gilad Peled, y orchestre un menu haute couture à 185 euros, composé de produits d’exception : bœuf de Bazas, araignée de mer de Saint-Jean-de-Luz, foie gras parfumé à l’écume de lavande… La salle, somptueuse et fleurie, dégage une élégance feutrée digne d’un deux étoiles Michelin. Ici, tout est réglé comme une horloge suisse – ou britannique.

Même l’addition révèle la différence de philosophie. Chez Etchebest, l’objectif est d’être accessible tout en restant ambitieux. Chez Ramsay, l’expérience se veut grandiose, exclusive, tournée vers une clientèle en quête de prestige.

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Une rivalité devenue légende

Dix ans plus tard, ce duel continue d’alimenter les conversations des gastronomes comme des téléspectateurs. Non pas pour savoir lequel est « meilleur », mais parce qu’il symbolise tout ce que la haute cuisine peut offrir : passion, excellence, dépassement, ego… et beaucoup d’humanité.

Etchebest et Ramsay incarnent deux visages d’une même obsession : celle de pousser la cuisine toujours plus loin, chacun à sa manière, chacun avec son tempérament flamboyant. Leur rivalité, autant que leur complicité, fait désormais partie de leur légende commune.

À Bordeaux, leurs restaurants se font face comme deux chapitres complémentaires d’une même histoire. Une histoire faite de respect, de compétition… et de gastronomie à couper le souffle.