Jacques Dutronc, l’une des légendes vivantes de la musique française, a enfin brisé le silence à 82 ans. Ce n’est pas dans le cadre d’une interview traditionnelle ou d’une apparition médiatique attendue, mais à travers un témoignage poignant et brut, publié dans Paris Match en février 2020. Ce qu’il a révélé ce jour-là n’était pas une simple anecdote de tournée, mais un moment clé de l’histoire de la musique française : la dernière tournée des Vieilles Canailles en 2017, un tour de chant qui a tourné au drame. Une tournée qui devait être une fête entre trois amis de longue date — Johnny Hallyday, Eddy Mitchell et Jacques Dutronc — mais qui s’est transformée en un champ de ruines, marqué par des tensions, des reproches et une ultime séparation.

Tout a commencé lors du dernier concert à Carcassonne, une soirée qui semblait pourtant marquer la fin en beauté de ce trio légendaire. Mais ce qui devait être un moment de communion a tourné à la dispute. Une engueulade violente entre Eddie Mitchell et Laeticia Hallyday a jeté une ombre sur la soirée, et, pire encore, sur la relation entre les membres du groupe. Les détails de cette altercation restent flous, mais ce qui est certain, c’est que ce clash a fait voler en éclats ce qui restait de la complicité entre les deux hommes, Johnny et Eddie.

Johnny, déjà fragilisé par son cancer du poumon, s’est retrouvé pris entre deux feux. D’un côté, sa femme Laeticia, protectrice, désirant le préserver à tout prix ; de l’autre, ses vieux amis, désireux de passer du temps avec lui, de vivre à nouveau ensemble, comme avant. Mais cette volonté de préserver Johnny à tout prix n’a pas été vue d’un bon œil par Eddie, qui a senti que l’omniprésence de Laeticia étouffait leur complicité. En réaction à cette situation, Eddie a décidé de partir discrètement sans dire au revoir, laissant Johnny seul dans son hôtel, dans un moment de grande solitude.

Dutronc, témoin de cette scène, a vu son ami Johnny, une figure emblématique de la scène rock, isolé et désemparé. Le regard dans le vide, un verre à la main, il semblait être en pleine confrontation avec une réalité qu’il ne pouvait plus fuir. Ce n’était pas seulement la fatigue physique ou la douleur de la maladie, mais aussi le poids de l’incompréhension qui pesait sur ses épaules. C’est dans ce contexte qu’il aurait prononcé les mots qui résonnent encore dans l’esprit de Jacques Dutronc : « Bon bah, on repart en tournée tous les deux. » Un aveu de solitude, mais aussi la certitude que la tournée des Vieilles Canailles était bel et bien finie, que quelque chose s’était brisé ce soir-là, quelque chose qui ne pourrait plus jamais être réparé.

La tension entre Laeticia et Eddie ne s’est pas arrêtée là. Au contraire, elle a pris une ampleur considérable après la mort de Johnny, lorsqu’un véritable conflit d’héritage a éclaté. Les enfants de Johnny, David et Laura, ont été exclus de son testament, et de nombreuses personnalités du milieu musical, y compris Eddy Mitchell, ont exprimé leur incompréhension face à ce choix. Des rumeurs ont circulé, suggérant que Laeticia avait exercé un contrôle excessif sur la vie de Johnny, isolant ses amis et manipulaient les décisions importantes. Jacques Dutronc, avec son calme habituel, n’a pas voulu entrer dans les détails de cette dispute, mais son témoignage en dit long. Il ne cherche pas à accabler qui que ce soit, il expose simplement les faits tels qu’ils se sont produits, sans juger, sans accuser.

La révélation de Dutronc est d’autant plus poignante qu’elle évoque la fin d’une époque, celle d’une amitié de plus de 50 ans, d’une époque où les trois musiciens, malgré leurs différences et leurs tensions, avaient réussi à créer ensemble quelque chose d’unique. Ce dernier concert, à Carcassonne, où tout devait finir dans une explosion d’émotion, se termine dans la solitude et l’amertume. La dispute entre Laeticia et Eddie n’est pas seulement une querelle personnelle, mais le reflet de l’éclatement d’une relation qui avait traversé plusieurs décennies de complicité.

Les révélations de Jacques Dutronc prennent toute leur importance lorsqu’elles sont mises en perspective avec la souffrance de Johnny, qui, malgré sa maladie, refusait de ralentir. Il n’était pas seulement un artiste, il était un homme qui vivait pour la scène, et sa volonté de continuer à chanter, malgré son état de santé, en dit long sur son caractère. Mais, derrière cette énergie de guerrier, il y avait aussi un homme profondément affecté par les divisions qui se formaient autour de lui.

Aujourd’hui, à 82 ans, Jacques Dutronc vit en retrait, mais il n’oublie pas. Il a perdu François Hardy, son grand amour, en 2024, et continue de pleurer Johnny. Il admet que cette soirée à Carcassonne restera probablement l’un de ses pires souvenirs. Ce n’est pas la dispute elle-même qui le hante, mais ce qu’elle représente : la fin d’une époque, la fin d’une complicité unique, et la fin d’un rêve qui ne se réalisera plus jamais.