Alain Souchon, Jacques Weber et Pascal Praud : quand le monde culturel et médiatique s’empoigne sur le Rassemblement National

Les Jean Moulin du Café de Flore» : la réponse cinglante de Pascal Praud à Alain  Souchon et Jacques Weber

Ces derniers jours, le débat politique en France a pris des airs de clash culturel. Deux figures emblématiques du monde artistique, le chanteur Alain Souchon et le comédien Jacques Weber, ont été au cœur d’une polémique après avoir exprimé leurs opinions sur le Rassemblement national (RN). Le journaliste Pascal Praud, sur CNews, a profité de son éditorial pour répondre avec vigueur, dénonçant ce qu’il perçoit comme un mépris de certains artistes envers les électeurs d’un parti politique.

Tout a commencé sur les ondes de RTL, lorsque Alain Souchon a été invité à s’exprimer sur la présidentielle et sur l’avenir du RN. Avec son habituelle sincérité, le chanteur a affirmé ne pas croire que le Rassemblement national puisse un jour remporter l’élection présidentielle. « Je ne crois pas que les Français soient assez cons pour élire quelqu’un du Rassemblement national. Que les gens du RN soient là pour asticoter le pouvoir, c’est normal, c’est la démocratie », a-t-il déclaré face à Marc-Olivier Fogiel. Pour Souchon, la présence du RN dans le paysage politique est une composante normale du jeu démocratique, mais il ne voit pas, selon lui, de véritable risque que ses candidats remportent le pouvoir suprême.

Ces propos, pourtant anodins pour beaucoup, n’ont pas manqué de susciter une réaction vive du côté des médias et plus particulièrement sur CNews. Le lundi 17 novembre, Pascal Praud a consacré son éditorial à cette sortie. Le journaliste n’a pas mâché ses mots et a critiqué ce qu’il considère comme une forme de condescendance de la part des artistes. « Le monde culturel est en émoi », a-t-il attaqué dès le début de son intervention. Selon Praud, Alain Souchon et Jacques Weber ignorent totalement les motivations des électeurs du RN ou de Reconquête, enfermés dans leur « digicode » et protégés dans des quartiers où l’immigration et l’insécurité sont quasi inexistantes.

Cette critique n’était pas isolée. Pascal Praud a rappelé que Jacques Weber, dans un récent entretien au Parisien, avait lui aussi pris position contre certaines figures médiatiques. Le comédien avait ainsi déclaré : « C’est insupportable d’entendre des Zemmour et autres Pascal Praud ». Pour Praud, ces prises de position artistiques traduisent une déconnexion d’un certain monde culturel avec la réalité des Français qui votent pour ces partis, un fossé entre l’entre-soi intellectuel et la diversité des opinions citoyennes.

Pascal Praud se paye Jacques Weber et Alain Souchon après leur prise de  position contre le Rassemblement National: "C'est tellement confortable de  jouer les Jean Moulin du café de Flore" #PascalPraud #jacquesweber #

Pour illustrer ce décalage, le journaliste a évoqué une anecdote qui a défrayé l’été dernier la chronique parisienne : une pétition contre l’ouverture d’un Carrefour City dans le très chic VIe arrondissement de Paris. Alain Souchon figurait parmi les signataires de cette initiative locale. « On chante pour tout le monde, mais on rentre chez soi dans le beau monde », a ironisé Pascal Praud, soulignant le paradoxe entre la posture publique de certains artistes et leur quotidien protégé. Il a même cité Jean Gabin dans La Traversée de Paris de Marcel Aymé : « Salauds de pauvres », pour résumer ce qu’il considère comme une forme de détachement ou de jugement moral sur le reste de la population.

L’édito de Praud s’est poursuivi en critiquant ce qu’il considère comme une attitude confortable mais hypocrite de la part des artistes : « C’est confortable pour Weber et Souchon de jouer les Jean Moulin du Café de Flore. C’est facile, ça vous place du bon côté de la barrière, l’entre-soi. Mais ça montre surtout la lâcheté, la cécité d’un petit monde qui peine à ouvrir les yeux, qui éructe l’anathème et qui refuse de comprendre. » Pour le journaliste, ces artistes se donnent le rôle de consciences morales, tout en restant à l’abri dans leur environnement sécurisé, loin de la réalité sociale et politique de beaucoup de Français.

Cette polémique illustre une fracture plus large entre le monde culturel et une partie de la population française. Les artistes ont longtemps été des voix influentes dans le débat public, capables de mobiliser l’opinion et de critiquer le pouvoir en place. Mais lorsque ces voix s’expriment sur des choix politiques ou des préférences électorales, elles se heurtent souvent à la critique pour ce qui est perçu comme une posture morale ou intellectuelle déconnectée des réalités du terrain.

Alain Souchon, par exemple, est connu pour son style engagé, mais toujours teinté d’une sensibilité humaine et sociale. Il a souvent dénoncé les inégalités et chanté les petites gens, mais dans ce cas précis, il a jugé nécessaire d’exprimer son scepticisme sur les capacités électorales du RN. Pour certains, cette déclaration relève simplement de l’opinion personnelle ; pour d’autres, c’est un jugement méprisant sur ceux qui soutiennent ce parti.

Jacques Weber, de son côté, exprime une forme de frustration face à ce qu’il perçoit comme des agressions verbales de certains médias ou figures politiques. Son commentaire sur Zemmour et Pascal Praud n’est pas un jugement politique mais un constat de l’énervement face à des débats qu’il considère tendus et polarisés.

Le rôle de Pascal Praud, enfin, est symptomatique de la manière dont certains médias réagissent aux déclarations publiques d’artistes ou d’intellectuels. En s’emparant de l’édito pour critiquer Souchon et Weber, Praud cherche à dénoncer ce qu’il appelle « l’entre-soi » culturel et la distance avec les électeurs. Son argument repose sur l’idée que les artistes vivent dans des environnements protégés, déconnectés des difficultés vécues par une partie de la population française, notamment dans les zones marquées par des enjeux liés à l’immigration, à la sécurité ou aux conditions économiques.

Cette confrontation entre artistes et médias politiques soulève des questions plus larges sur la liberté d’expression, le rôle des personnalités publiques dans le débat politique et la responsabilité morale de leurs propos. Peut-on critiquer un parti ou ses électeurs sans être accusé de condescendance ? Les artistes sont-ils des acteurs politiques ou simplement des citoyens comme les autres ? Les médias, quant à eux, ont-ils le droit de juger leurs opinions ou doivent-ils les rapporter de manière neutre ?

Dans ce contexte, la polémique Souchon-Weber-Praud n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans une tradition française où la culture et la politique s’entrelacent constamment. Des écrivains, des chanteurs ou des comédiens se sont souvent exprimés sur la politique, parfois avec des conséquences médiatiques ou sociales importantes. La nouveauté ici est peut-être la manière directe et instantanée dont ces échanges se propagent via la télévision et les réseaux sociaux, amplifiant la perception de fracture entre le monde culturel et le reste de la société.

En fin de compte, cette controverse est révélatrice d’un débat plus large sur la représentation, l’empathie et la compréhension mutuelle. Alors que certains artistes semblent juger rapidement les choix électoraux des citoyens, d’autres journalistes ou commentateurs dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une forme d’élitisme ou de jugement moral. La discussion dépasse ainsi les personnes et touche à la question de la démocratie elle-même : comment exprimer ses opinions tout en respectant la diversité des choix politiques dans une société pluraliste ?

Il est certain qu’Alain Souchon et Jacques Weber n’ont pas cherché à déclencher une polémique. Ils ont exprimé des convictions personnelles, des sentiments qui leur sont propres, mais ces déclarations ont trouvé un écho immédiat dans le monde médiatique, provoquant réactions et contre-réactions. De son côté, Pascal Praud a saisi l’occasion pour interpeller le public sur ce qu’il perçoit comme un problème plus profond : le décalage entre certaines élites culturelles et une partie de l’électorat.

Cette affaire rappelle que la politique en France ne se limite plus aux urnes ou aux débats institutionnels. Elle s’invite dans les médias, dans les cafés, sur les réseaux sociaux et jusque dans les chansons et les pièces de théâtre. Chaque mot compte, chaque opinion peut susciter un débat intense. Et c’est peut-être là, dans ces échanges parfois houleux, que se mesure la vitalité de la démocratie : un espace où la parole de chacun peut être entendue, contestée et discutée, même si elle dérange.

En conclusion, la polémique entre Alain Souchon, Jacques Weber et Pascal Praud est révélatrice des tensions entre le monde artistique et médiatique et la société civile. Elle met en lumière le rôle des artistes dans le débat public, les responsabilités des médias dans la transmission de ces propos et, surtout, les fractures perceptibles dans la société française contemporaine. Entre jugement moral, liberté d’expression et compréhension des électeurs, cette affaire illustre combien la démocratie est un terrain complexe et parfois conflictuel, où chaque voix, qu’elle chante ou parle, trouve sa place – parfois dans l’harmonie, parfois dans la dissonance.