Parmi toutes les affaires sur lesquelles les journalistes spécialisés dans les disparitions ont travaillé ces dernières années, celle de Liam Toman, jeune homme de 22 ans originaire de l’Ontario, demeure sans doute la plus mystérieuse, la plus déroutante et, pour sa famille, la plus douloureuse. Liam s’est littéralement volatilisé dans la nuit du 1er au 2 février, au cœur même du village touristique de Mont-Tremblant, un lieu pourtant réputé pour son ambiance festive, sa sécurité et son accueil des visiteurs venus du pays entier. Comment un jeune adulte sportif, social, entouré de ses amis et en plein week-end de ski peut-il disparaître sans laisser la moindre trace ?

Liam était arrivé à Tremblant accompagné de deux de ses proches : Colin et Kyle. Tous trois planifiaient cette escapade depuis des mois, impatients de vivre leur premier séjour à la montagne sans parents, avec l’argent qu’ils avaient économisé pour se faire plaisir. C’était pour eux une sorte de rite de passage, une liberté nouvelle. Mais ce qui devait être un week-end de bonheur s’est transformé en cauchemar.

En juin, quatre mois après les faits, la mère de Liam, Kathleen Toman, désemparée, contacte une journaliste pour lui dire qu’elle n’en peut plus : l’enquête n’avance quasiment pas, aucune piste solide n’a été confirmée, et elle sent qu’elle doit mener ses propres recherches. Femme déterminée, elle décide de se rendre elle-même à Mont-Tremblant. La journaliste la rejoint alors, espérant comprendre ce qui a pu arriver.

La reconstruction de la soirée du 1er février révèle un enchaînement d’événements à la fois banals et troublants. À un moment donné, dans le bar très fréquenté Le P’tit Caribou, Liam et son ami Kyle se sont perdus de vue. Kyle, épuisé, quitte finalement le bar, rentre à l’hôtel et envoie un message à Liam. Aucune réponse. Pensant que son ami allait rentrer plus tard, il s’endort. Le lendemain matin, Liam n’est toujours pas là. Les heures passent, la tension monte, l’inquiétude se transforme en panique.

Colin et Kyle se rendent alors au poste de police pour déclarer la disparition de Liam. La Sûreté du Québec se mobilise rapidement : d’abord un petit périmètre de recherche autour de l’hôtel et du village, puis, à mesure que rien n’est trouvé, une opération de plus grande ampleur. Motoneiges, VTT, équipes au sol, équipes aquatiques, et même un hélicoptère : tout est mis en œuvre pour ratisser méthodiquement le secteur. Malgré ces efforts considérables, aucune trace, aucun indice, rien. C’est comme si Liam s’était évaporé.

Les enquêteurs parviennent néanmoins à reconstituer les déplacements de Liam minute par minute grâce aux caméras de surveillance. À 3 h 15 du matin, il apparaît pour la dernière fois : il discute brièvement avec deux hommes. Ces derniers seront retrouvés et interrogés, mais leurs témoignages n’apportent rien de concluant. Ils affirment n’avoir aucun souvenir particulier de lui, rien d’anormal, rien qui puisse éclairer les circonstances de sa disparition.

Le 22 mars, un événement relance brièvement l’enquête : le portefeuille de Liam est retrouvé, avec toutes ses cartes à l’intérieur. Seul l’argent a disparu. Pour les enquêteurs, ce détail n’est pas nécessairement significatif, mais pour la famille, il s’agit d’un signe troublant. Le portefeuille a été découvert près du village piétonnier, ce qui ravive davantage le mystère : s’il ne s’était pas éloigné, pourquoi ne l’a-t-on jamais retrouvé ?

Les policiers fouillent même les cours d’eau, malgré le gel, et multiplient les interventions. Sans succès. Aujourd’hui encore, l’enquête n’a aucune piste dominante. Certains pensent à un accident, d’autres à un geste criminel, mais rien ne permet de confirmer une hypothèse plutôt qu’une autre.

La famille, quant à elle, nourrit un profond ressentiment envers Station Mont Tremblant, la société privée qui gère la montagne. Selon les parents, la station aurait minimisé la disparition pour ne pas nuire à son image de destination touristique familiale et sécuritaire. Ils affirment avoir demandé dès les premiers jours que la station publie un avis de disparition sur ses réseaux sociaux, ce qui n’a pas été fait avant plusieurs mois. Lorsque la journaliste demande une entrevue à la direction de la station, celle-ci répond par courriel en affirmant avoir soutenu la famille Toman dès le début, tout en collaborant pleinement avec les autorités.

Aujourd’hui, alors que l’hiver s’installe et que la neige recouvre peu à peu les environs, les chances de trouver de nouveaux indices sur le terrain s’amenuisent. Kathleen et le père de Liam retournent régulièrement à Tremblant : ils cherchent, interrogent, marchent, espèrent. Leur seul véritable espoir, désormais, est qu’une personne quelque part — un touriste, un employé, un résident — détienne une information, même minime, et accepte enfin de parler. Car tant que la vérité n’éclate pas, la famille Toman reste prisonnière de cette nuit du 2 février, où leur fils s’est évanoui dans l’ombre sans laisser de trace.