À Saint-Étienne, un séisme politique : la chute de Gaël Perdriau plonge la ville dans l’incertitude

Saint-Étienne se réveille groggy en ce 2 décembre. Dans les rues, sur les places et jusque dans les cafés, un même sujet monopolise les conversations : la condamnation spectaculaire de Gaël Perdriau, jusqu’alors maire de la ville, et la vacance du pouvoir municipal qui s’ensuit. Rares sont les Stéphanois qui s’attendaient à un tel dénouement judiciaire, même si l’affaire qui secoue depuis plusieurs mois la vie politique locale faisait planer une ombre grandissante au-dessus de l’hôtel de ville.

La veille, ce 1er décembre, le Tribunal correctionnel de Lyon a rendu un jugement qui a fait l’effet d’un coup de tonnerre : Gaël Perdriau, 53 ans, a été reconnu coupable de chantage, d détournement de fonds publics et d’association de malfaiteurs. L’élu écope d’une lourde peine : cinq ans d’emprisonnement, dont quatre ans ferme, ainsi que cinq années d’inéligibilité. À cela s’ajoute une amende de 50 000 euros. Une sanction rare dans son ampleur pour un maire en exercice d’une grande ville française.

Un maire déchu qui clame toujours son innocence

À la sortie de la salle d’audience, l’ancien maire a tenté de reprendre le contrôle du récit. Devant les micros tendus, le visage fermé mais la voix assurée, il a une nouvelle fois réfuté les accusations, dénonçant une décision « incompréhensible » et une « terrible injustice ». Avec fermeté, il a confirmé avoir demandé à ses avocats de faire appel immédiatement, déterminé à laver son honneur et à convaincre l’opinion qu’il est « totalement innocent des faits qui [lui] sont reprochés ».

Pourtant, le tribunal a estimé que les éléments du dossier démontraient son implication dans une machination glaçante : la commande et l’utilisation d’une sextape compromettante destinée à faire pression sur son ancien premier adjoint, Gilles Artigues, un rival politique de longue date. Les faits remontent à 2015, année où ce dernier avait été filmé à son insu dans une chambre d’hôtel, en compagnie d’un prostitué, grâce à une caméra cachée installée par un proche du maire. La vidéo, qui n’a jamais été rendue publique, aurait servi d’instrument de chantage pour brider l’ambition politique de l’intéressé.

Ce procès n’a pas uniquement scellé le sort de Perdriau : trois membres de son entourage, dont son ex-directeur de cabinet, ont eux aussi été condamnés. Un système entier se voit ainsi mis en lumière, révélant une mécanique d’intimidation qui choque profondément les Stéphanois.

Une ville sans maire, à quelques mois des élections

La situation institutionnelle qui en découle est inédite. Saint-Étienne, forte de ses 173 000 habitants, se retrouve sans maire. En attendant, un juge devra bientôt statuer sur les modalités de l’incarcération de Gaël Perdriau : placement en détention immédiat, aménagement de peine, contrôle judiciaire… Les prochaines semaines s’annoncent décisives.

Dans les couloirs feutrés de la mairie, l’effervescence est palpable. Car au-delà du volet judiciaire, une autre question concentre désormais toute l’attention : qui assurera l’intérim ? À l’approche des élections municipales, cette vacance du pouvoir jette une lumière crue sur les luttes internes et les ambitions qui bruissent depuis des mois.

Dans cette période de flottement, un nom revient avec insistance : Marc Chassaubéné, adjoint à la Culture. Considéré comme le favori pour prendre les rênes provisoires de la commune, il pourrait être désigné lors du prochain Conseil municipal, qui s’annonce particulièrement électrique. Chaque groupe politique entend en effet peser sur la décision, conscient que l’intérimaire aura un rôle crucial dans les quelques mois qui restent avant les scrutins.

La famille Perdriau dans la tourmente

Alors que sa carrière politique s’effondre, Gaël Perdriau peut toutefois compter sur un soutien indéfectible : celui de sa femme, Nathalie. Celle-ci, qui s’est toujours tenue à l’écart des feux médiatiques, n’a jamais souhaité dévoiler son nom complet dans la presse. Mais elle n’a jamais cessé d’être, selon leurs proches, un pilier essentiel dans la vie de son mari.

Dans l’ombre, elle l’accompagne depuis de nombreuses années. Ensemble, le couple a construit une famille unie autour de leurs deux garçons, aujourd’hui directement exposés à la tempête médiatique qui secoue leur père. Nathalie s’est donné pour priorité de les protéger du tumulte, alors que chacun de leurs pas risque désormais d’être scruté, commenté, interprété.

Dans les cercles proches du maire déchu, beaucoup décrivent une femme déterminée, loyale, prête à affronter l’adversité pour soutenir son mari, malgré les incertitudes qui planent désormais sur l’avenir de la famille.

Un choc politique et humain

Au-delà de la sanction judiciaire, c’est tout un ensemble d’équilibres locaux qui vacille. Saint-Étienne, ville marquée par une longue tradition politique et industrielle, se retrouve au cœur d’un scandale national qui dépasse largement les frontières de la Loire. La confiance entre les citoyens et leurs élus, déjà fragile, se trouve une nouvelle fois mise à rude épreuve.

Pour beaucoup de Stéphanois, l’affaire Perdriau laisse un goût amer : celui de manipulations, de jeux d’influence et de stratégies d’un autre temps. Mais elle ouvre aussi un débat plus large sur la moralisation de la vie politique, sur l’éthique des responsables publics et sur la transparence nécessaire à la démocratie locale.

Le prochain Conseil municipal, très attendu, pourrait marquer le début d’un nouveau chapitre. Reste à savoir si ce sera celui de l’apaisement ou celui de nouvelles tensions.