Lorsque M. Pokora apparaît dans Un dimanche à la campagne, l’ambiance est paisible, propice au recul et à l’introspection. Invité par Frédéric Lopez aux côtés de l’humoriste Marine Leonardi et du champion de cécifoot Hakim Arezki, le chanteur accepte de revisiter son parcours, notamment les moments qui ont façonné sa carrière autant que sa personnalité. Parmi eux, il revient sans détour sur ce qu’il considère comme le plus important échec professionnel de sa vie : la sortie de son album enregistré en anglais, un projet ambitieux mais mal accueilli par le public. Avec le recul, l’artiste y voit désormais une étape formatrice : « Ça rend humble », admet-il calmement.

Depuis le début du mois de novembre, l’interprète de Reflet sillonne de nouveau les routes de France pour présenter son “Adrénaline Tour”, un spectacle construit pour les grandes salles. Le show, qui reprend l’esthétique de son dixième album Adrénaline, s’inspire largement des années 80, une période dont l’artiste revendique depuis longtemps l’héritage musical et visuel. Pyrotechniques, chorégraphies millimétrées, tubes fédérateurs : le spectacle met en avant toutes les facettes scéniques de M. Pokora, un terrain sur lequel il explique s’être projeté dès l’enfance. « Très jeune, je me dis que j’aimerais être sur scène et être observé comme moi je regarde Michael Jackson », confie-t-il, presque constatant plutôt que se livrant.

On ne remplissait pas" : M Pokora "déstabilisé" par le plus gros échec de sa  carrière

Ce retour sur scène intervient alors que le chanteur semble vouloir revisiter les chapitres fondateurs de son parcours. Durant cette parenthèse en pleine nature proposée par l’émission, il évoque ainsi son premier grand regret, bien antérieur à la musique : l’échec de son rêve de devenir footballeur professionnel. À l’adolescence, il croit toucher son objectif lorsqu’il décroche un essai auprès d’un recruteur du club de Sedan. Mais, après une semaine de vacances pendant laquelle il a relâché son entraînement, il arrive diminué physiquement. Le constat est brutal : « Je n’ai plus rien dans les jambes. Je rate mon match d’essai. » Cet épisode, qu’il qualifie de traumatisant, a marqué durablement sa manière d’aborder le travail. « Je n’étais pas prêt le jour où il fallait. Ça m’a énormément affecté et ça influence encore aujourd’hui ma vie d’artiste. Maintenant, je m’entraîne tout le temps, même hors tournée. Je m’en veux énormément. »

Ce sentiment de devoir ne plus rien laisser au hasard explique en partie la détermination avec laquelle il se présente, quelques années plus tard, aux castings de Popstars – allant même jusqu’à mentir sur son âge pour maximiser ses chances. Cette obstination paiera : il intègre d’abord le groupe LinkUp avant de commencer une carrière solo rapidement couronnée par le succès du titre Elle me contrôle, qui lui ouvre une visibilité considérable en 2005.

Après deux albums bien accueillis, l’artiste prend cependant une direction plus risquée en 2007 : il part aux États-Unis pour enregistrer un album avec le producteur Timbaland, alors au sommet de son influence mondiale. Le disque, intitulé MP3, est entièrement en anglais, ce qui constitue pour lui une tentative d’accession à un marché plus large et d’évolution artistique. Mais le public français ne suit pas. L’album réalise des performances très inférieures aux attentes et conduit même à des annulations de dates en France. Avec lucidité, il reconnaît aujourd’hui : « Il aurait fallu au moins que j’en fasse une version française pour le public français. »

Ce revers crée une période de flottement. Il raconte avoir été surpris par la rapidité avec laquelle la situation s’est retournée : « Comment peut-on passer aussi vite de tout à annuler des salles ? Même les émissions télé… À la Fête de la musique, deux ans plus tôt j’étais en haut de liste. Ensuite, je ne suis même plus invité. » Cet épisode le déstabilise, mais il comprend également qu’il se trouve à un moment décisif : soit il réagit, soit il disparaît peu à peu des radars. Il choisit la première option. « Ce métier n’a pas de mémoire. J’ai appris la leçon. Je dois revenir écrire en français. Il faut retrousser les manches et reconquérir le public. »

M. Pokora se livre sur le plus gros échec de sa carrière

L’un des événements qui l’a marqué à cette période est la réaction d’un programmateur de radio de chez NRJ, qui, avant même d’écouter son nouveau titre, aurait déclaré : « C’est fini, il faut passer à autre chose. Matt Pokora, pourquoi perdre de l’énergie là-dessus ? » L’artiste ne dramatise pas le souvenir ; il l’utilise plutôt pour illustrer le climat du moment. Les radios ne lui offrent pas un soutien massif, mais il trouve un autre relais : Internet. Avec Juste une photo de toi, il parvient à toucher un public directement en ligne. « C’est un des premiers tubes YouTube. On s’est rendu compte qu’une génération allait chercher la musique par elle-même, sur les plateformes, et allait voir le clip directement. »

Ce regain d’audience relance sa trajectoire et confirme une conclusion qu’il dit avoir intégrée depuis : « C’est le public qui décide. » Sa participation à Danse avec les stars un an plus tard, couronnée par une victoire, achève de réinstaller sa présence dans le paysage médiatique et artistique français. L’épisode hollywoodien, bien que douloureux, devient alors un élément fondateur de son évolution : une expérience qui l’a forcé à revoir ses priorités, son rapport au travail et sa manière de communiquer avec le public.

Aujourd’hui, alors qu’il remplit de nouveau les Zénith avec un spectacle ambitieux, M. Pokora semble aborder ce nouveau chapitre avec davantage de distance et de stabilité. L’échec de MP3 ne l’a pas arrêté ; il l’a réorienté. Sa trajectoire rappelle qu’une carrière peut basculer rapidement, mais aussi qu’elle peut se reconstruire, parfois grâce aux canaux les plus inattendus. L’artiste ne cherche pas à présenter cette période comme un drame mais comme un virage nécessaire. Et dans l’intimité tranquille de Un dimanche à la campagne, son récit prend la forme d’un constat mesuré : dans ce métier, rien n’est jamais assuré, mais tout peut se rebâtir avec constance.