Île d’Oléron : “On a essayé de me tuer.” L’Attachée Parlementaire RN Agressée dénonce le silence assourdissant du Gouvernement, confronté à la question taboue de l’indifférence politique.

Dans la mémoire collective française, l’Île d’Oléron incarne la quiétude, le bruit des vagues et la douceur de vivre loin de l’agitation urbaine. Pourtant, le 5 novembre dernier, cette bulle de sérénité a été brisée par un acte d’une violence inouïe. Ce matin-là, entre 8h40 et 9h15, un homme a transformé sa voiture en arme de destruction, semant la terreur lors d’une « course folle » de 35 minutes. Cinq personnes ont été délibérément percutées, dont deux grièvement blessées. Parmi elles, une jeune femme de 22 ans, Emma Valin, assistante parlementaire du Rassemblement National, fauchée sur une piste cyclable et projetée à plus de 15 mètres. Aujourd’hui, alors qu’elle se bat pour sa convalescence, la victime porte un regard lucide et implacable sur la situation, dénonçant non seulement l’agression barbare qu’elle a subie, mais aussi un silence politique qu’elle juge assourdissant et profondément troublant.

L’agression d’Emma Valin n’est pas un simple fait divers, c’est un miroir tendu à la société française et à ses élites, soulevant des questions fondamentales sur la sécurité, la justice, la qualification pénale et l’égalité de traitement des victimes, surtout lorsque leur engagement politique ne correspond pas à la ligne du pouvoir en place.

Le Carnage d’Oléron : Un Matin Basculé dans l’Horreur

Le récit des faits donne le vertige et dépeint un scénario de pure barbarie. Un homme de 35 ans, un pêcheur, s’empare du véhicule de son père et sillonne l’île, percutant méthodiquement cyclistes, joggeurs et piétons. Après avoir laissé derrière lui un sillage de douleur, il incendie sa voiture, se fait interpeller tout en criant « Allahuakbar » et en étant en possession d’une longue lame de 35 centimètres et d’une bonbonne de gaz. Interrogé en garde à vue, il affirme avoir « suivi les ordres d’Allah pour accomplir un sacrifice », tout en évoquant des « bruits bizarres dans sa tête ».

Pour Emma Valin, la violence de l’impact a été cataclysmique. Projetée dans les airs, elle a été retrouvée inconsciente. La liste de ses blessures est effrayante et témoigne de la détermination meurtrière de l’agresseur : fracture tibia-péroné nécessitant une opération, fractures au crâne, à la pommette, à l’os sous-orbital et aux cervicales, sans oublier de graves hémorragies à l’abdomen et au cerveau. Elle passera dix jours en soins intensifs à Poitiers. Malgré l’ampleur du drame, elle se confie avec une dignité remarquable, expliquant être « juste atterrée » par la situation et ne pas ressentir de colère. Elle confie vivre sa convalescence comme si elle s’était « blessée » et non comme si « on avait essayé de [la] tuer », un mécanisme de défense psychologique qui contraste avec l’affectation bien plus profonde de ses proches.

Le Débat Juridique : Terrorisme ou Simple Fait Divers ?

Le cœur de la controverse réside dans la qualification pénale de l’acte. L’auteur est mis en examen pour tentative d’assassinat, un crime passible de la réclusion criminelle à perpétuité. Les experts psychiatres ont conclu à un discernement « altéré, mais non aboli », le maintenant donc pénalement responsable de ses actes.

Cependant, malgré le cri d’« Allahuakbar », l’arme blanche, la bonbonne de gaz, et les propos sur l’ordre divin, le Parquet National Antiterroriste (PNAT) a refusé de se saisir du dossier. La justification avancée ? Un manque de lien établi avec une organisation terroriste et un manque de cohérence dans les propos du suspect.

Pour Emma Valin, cette décision est incompréhensible et révoltante. Elle ne mâche pas ses mots : « Je ne comprends pas qu’on ne se pose pas plus la question que ça. » À ses yeux, l’acte remplissait la « sémantique de l’attentat terroriste », voire « islamiste », l’intention étant clairement d’« attenter à [sa] vie et de semer la terreur ». En droit français, un acte est qualifié de terroriste s’il est commis intentionnellement dans le but de « troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». Le PNAT a estimé qu’un simple cri ne suffisait pas en soi, privilégiant la piste des troubles psychiatriques ou de l’absence de lien idéologique avéré. Mais pour une victime dont la vie a basculé en quelques secondes, l’effet recherché – l’intimidation et la terreur – a été atteint, sur l’une des îles les plus paisibles de France. Le contraste entre les faits (attaque de foule au véhicule bélier, revendication religieuse, possession d’arme) et la décision du PNAT nourrit une légitime indignation quant à la volonté de l’État de nommer clairement la menace.

Le Silence Qui Tue : L’Indifférence Politique Face au Drame

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C’est le point le plus explosif et le plus douloureux du témoignage d’Emma Valin. Alors que la jeune femme se remettait de ses blessures, une nouvelle sidérante est tombée : aucun membre du gouvernement, ni de l’Élysée, ne l’a contactée après cette attaque violente.

Ce silence est d’autant plus retentissant que les contacts entre les autorités publiques et les victimes, ou leurs familles, sont fréquents et ritualisés en France, notamment après les drames médiatisés. Des précédents éloquents existent :

Après le meurtre du jeune Jérémy Cohen, le cabinet d’Emmanuel Macron avait appelé ses parents.

Suite au meurtre de la petite Lola, le président avait reçu ses parents à l’Élysée.

Après l’attaque de Rambouillet en 2021, Emmanuel Macron avait rencontré le mari de la fonctionnaire de police tuée.

Après la mort du collégien Kylian à Rennes en 2012, le ministre de l’Éducation nationale avait appelé la famille au nom du gouvernement.

Comme le souligne l’analyse, “il semble qu’aux yeux de l’État, vous n’avez une valeur qu’à partir du moment où vous êtes décédé”. Cette indifférence est un traitement d’exception glaçant. Emma Valin, attachée parlementaire, pose alors la question qui fâche, la question taboue : « Est-ce que vous pensez que si vous aviez été attachée parlementaire d’un autre parti… vous auriez rencontré la même indifférence des politiques du gouvernement ? » Le fait qu’elle soit affiliée au Rassemblement National, un parti que l’exécutif combat ardemment, semble être, selon elle, la seule explication rationnelle à cette absence de solidarité républicaine.

« J’ose pas l’imaginer », confie-t-elle, tout en précisant qu’elle n’aurait « pas reçu autant de soutien de [sa] famille politique » ailleurs. Elle a en effet bénéficié du soutien massif des élus et militants du RN, recevant « des dizaines de messages par jour ». Mais le soutien d’un parti ne saurait remplacer le geste républicain, la reconnaissance officielle et l’empathie de l’État envers une victime d’une violence aveugle, quelle que soit son étiquette. Ce silence est perçu non seulement comme une défaillance humaine, mais comme une potentielle instrumentalisation politique de la souffrance des victimes.

Une Dérive Éthique Inacceptable

L’épreuve d’Emma Valin fut également marquée par une autre dérive, celle de certains médias. Elle raconte comment des journalistes ont appelé l’hôpital où elle était soignée en se faisant passer pour des membres de sa famille ou des médecins, dans le but d’obtenir des informations. Ce comportement est une violation flagrante de la déontologie, du secret médical et de la loi. L’usurpation d’identité, la fausse qualité et la violation du secret professionnel sont lourdement sanctionnées. La préfecture a heureusement dû intervenir pour assurer sa protection à l’hôpital, mais cet épisode révèle l’agressivité et le manque d’éthique de certaines pratiques médiatiques dans la course à l’information.

Une Victime Résiliente et un Appel à la Lucidié

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Malgré la violence de l’agression, le choc moral et l’indifférence politique, Emma Valin affiche une force d’esprit remarquable. Elle n’a pas basculé dans la fatalité. « J’ai espoir de reprendre une vie le plus normale possible assez rapidement », affirme-t-elle. Sa vie ne sera plus la même, mais elle « en sera une autre qui sera bien aussi ».

Son message final est un appel à la conscience et à la mobilisation des Français : « Faut que les Français gardent espoir. L’insécurité, on arrivera à en venir à bout si on se rend compte réellement des choses ». L’agression d’Oléron, survenue dans un lieu symboliquement protégé, rappelle que l’insécurité n’est plus l’apanage des grandes métropoles. En dénonçant l’hypocrisie de la qualification juridique et le traitement politique différencié, Emma Valin s’impose non seulement comme une survivante, mais comme une voix courageuse qui refuse de se taire. Son témoignage interpelle l’État sur son devoir d’unité face à la violence, et pose la question essentielle : pour la République, toutes les victimes sont-elles vraiment égales ?