Charlie Hebdo: "On a tous pleuré ces morts" dit Danièle Obono

Dans un climat national lourd de deuil et d’interrogations après l’assassinat du professeur Dominique Bernard à Arras, la confrontation entre le journalisme de choc et la posture politique s’est déroulée avec une intensité rare. Au cœur de la tempête médiatique et idéologique, la députée de La France Insoumise (LFI), Danièle Obono, a été mise face à la question la plus dérangeante qui soit : celle de la responsabilité du discours politique dans l’engrenage de la violence terroriste. L’échange musclé, qui a vu la représentante de la NUPES tenter par tous les moyens d’esquiver les faits et de noyer le poisson sémantique, révèle une ligne de fracture profonde au sein de la gauche radicale, une ligne qui sépare le droit à la critique de l’État de l’inconscience face à ses conséquences les plus funestes.

Le Débat Central : La Rhétorique de la Répression

Le point de friction initial, et le plus brûlant, a tourné autour de l’affirmation récurrente, émanant notamment des rangs de LFI, selon laquelle les autorités françaises mèneraient un « acharnement » ou une « répression » contre les musulmans. Jean-Jacques Bourdin a posé la question sans détour : « N’est-il pas dangereux d’affirmer et de répéter que les autorités françaises s’acharnent contre les musulmans ? » La réponse de Danièle Obono fut immédiate et catégorique : une critique des politiques publiques, qu’elle qualifie de « mesure discriminatoire » comme l’interdiction de l’abaya, « ne justifie en rien un quelconque acte de violence de terrorisme ».

L’argument de la députée est ancré dans la défense du droit démocratique à la critique. Elle insiste sur la nécessité de pouvoir dénoncer ce que son camp politique considère comme de l’« islamophobie décomplexée », qu’elle soit « physique, morale ou juridique ». Selon elle, la critique d’un gouvernement est non seulement permise, mais « on doit critiquer l’action de son gouvernement ».

Pourtant, cette défense de la liberté de critiquer se heurte à une réalité macabre, celle des motifs invoqués par les terroristes. Bourdin, fort de son expérience, a immédiatement établi un parallèle historique et douloureux : « C’est pourtant un des motifs qui pousse les radicalisés à passer à l’acte ». L’exemple le plus saillant, l’affaire Samuel Paty, est brandi comme une preuve irréfutable. Le professeur d’histoire avait été assassiné après avoir été accusé d’islamophobie et d’avoir porté atteinte aux musulmans de sa classe. Le père de l’élève à l’origine de l’escalade, Brahim C., avait relayé l’accusation, créant le terreau de haine en ligne qui a servi de déclencheur au terroriste. Obono peut bien affirmer que « ça n’a aucun rapport », l’histoire récente française crie le contraire. En pleine crise sécuritaire, ignorer le lien de causalité idéologique entre une rhétorique de victimisation et la réaction violente des radicalisés relève, au mieux, de la naïveté politique et, au pire, d’une dangereuse irresponsabilité.

L’Évasion Sémantique sur la Radicalisation

Face à la pression factuelle, l’une des techniques d’Obono fut de s’engager dans une tentative d’esquive sémantique particulièrement visible. Interrogée sur ses précédentes déclarations où elle s’interrogeait sur le « concept de radicalisation », elle a tenté de rectifier le tir en expliquant qu’elle s’interrogeait sur le « processus » de radicalisation.

La nuance est ténue, mais révélatrice. S’interroger sur le concept relève d’une mise en cause de l’idée même de radicalisation comme grille de lecture pertinente de la menace. S’interroger sur le processus revient à se placer dans une démarche de compréhension, une mission qu’elle a rapidement renvoyée aux « agences de renseignement ». L’analyse qui a suivi l’échange a souligné la visibilité à des kilomètres de cette manœuvre. Tenter d’échapper à une critique sur un positionnement idéologique en se réfugiant derrière une technicité langagière est une tactique qui a échoué. Comprendre comment le terrorisme se développe est la mission des services de l’État depuis des années, et l’affirmer comme une grande préoccupation du moment, tout en ayant un passif de remise en cause du cadre conceptuel, a sonné faux et désespérément évasif.

Le Scandale d’Arras : Le Refus de Prendre Position

L’échange a atteint son point de rupture lorsque l’on est passé de la théorie du discours aux faits concrets de l’attentat d’Arras, celui de la famille Mogouchkov. Le cœur de l’interrogation portait sur l’expulsion de cette famille d’origine tchétchène. François Ruffin, un autre membre de la NUPES, avait lui-même suggéré qu’il fallait attendre les conclusions de l’enquête. Mais la question n’était pas de statuer sur le droit, mais d’avoir un positionnement politique.

La députée Obono a multiplié les faux-fuyants. « Je ne sais pas ». « Je n’ai pas ces éléments ». Ce refus obstiné de dire si oui ou non la famille de l’assaillant aurait dû être expulsée contraste de manière flagrante avec son empressement à critiquer les lois sur la laïcité ou l’intervention israélienne. Plus troublant encore, le commentateur du débat a levé le voile sur une information essentielle : la famille Mogouchkov devait être expulsée en 2014. Cette expulsion a été annulée « à la dernière minute » suite à une « tôlée » et à une « mobilisation » de plusieurs associations et de partis d’extrême gauche, dont le Parti Communiste Français, avec un communiqué de soutien.

Ce fait met en lumière une réalité glaçante : le laxisme ou l’interventionnisme de l’extrême gauche, sous couvert d’humanisme ou d’antiracisme, a pu directement contribuer à maintenir sur le territoire français une famille dont un membre allait assassiner un enseignant.

Danièle Obono - "Le terrorisme n'est pas lié à l'immigration"

Mis en face de l’évidence que l’un des membres de la famille était « sous surveillance » et que l’individu avait été fiché pour ses liens avec son frère condamné pour apologie du terrorisme, Danièle Obono a continué de botter en touche. Elle prétendait n’être au courant de rien concernant la procédure d’expulsion tout en connaissant les fiches des services de renseignement. Ce double discours, cette sélectivité dans la connaissance des dossiers, visait un seul objectif : éviter d’avoir à trancher sur une question qui dérange son électorat et sa base militante. Finalement, elle a conclu que sa « responsabilité est d’entendre les éléments qui seront donnés par le ministère et de contrôler l’action du Gouvernement », se plaçant en observatrice et contrôleuse plutôt qu’en responsable politique capable de juger l’urgence sécuritaire.

L’Ombre de la Justification de la Violence

L’incohérence politique de LFI ne s’arrête pas aux frontières nationales. Bourdin a rappelé la position de La France Insoumise sur l’attaque du Hamas contre Israël, qualifiée dans un communiqué comme une « offensive armée de forces palestiniennes » intervenant dans un « contexte d’intensification de la politique d’occupation israélienne ». Cette formulation, qui place l’attaque terroriste du Hamas non pas comme un acte injustifiable, mais comme une réponse à la colonisation, est perçue par beaucoup comme une justification, voire une légitimation de la violence.

Le parallèle est fatal : si LFI justifie la violence du Hamas comme une « réponse » légitime à une « occupation », pourquoi refuserait-elle de voir qu’un terroriste français peut interpréter leur dénonciation d’une « répression » ou d’une « islamophobie » française comme une « réponse » légitime à une « agression » ? Obono a beau affirmer qu’une critique des politiques ne justifie pas le terrorisme, le schéma idéologique est le même. Il consiste à substituer le jugement moral de l’acte par une explication politique et historique qui déplace la faute sur l’oppresseur désigné – qu’il soit l’État français ou l’État d’Israël.

La Tragédie de l’Inconséquence

Au-delà de l’affrontement médiatique, l’échange entre Danièle Obono et Jean-Jacques Bourdin est une illustration tragique de l’inconséquence. Il y a, d’un côté, une réalité factuelle : les actes terroristes sont souvent précédés et nourris par un discours de haine et de victimisation que les islamistes radicaux exploitent avec une efficacité redoutable. De l’autre côté, il y a une partie de la classe politique qui, par conviction idéologique ou par calcul électoral, refuse de rompre avec ce discours, quitte à se rendre complice, par son silence ou son évitement, du maintien sur le territoire de menaces avérées.

Propos de Danièle Obono sur le Hamas: Gérald Darmanin saisit la justice  pour "apologie du terrorisme"

La France est un État démocratique où la critique gouvernementale est un devoir civique. Mais elle est aussi un État de droit où l’on doit défendre les principes républicains contre ceux qui les attaquent, y compris les professeurs de la République. En refusant de condamner clairement l’idée que le discours sur l’islamophobie puisse être une mèche allumée vers la violence, et en refusant de prendre position sur un fiasco sécuritaire dont son propre camp politique porte une part de responsabilité historique, Danièle Obono a choisi l’esquive. Mais à Arras comme à Conflans-Sainte-Honorine, le prix de ces échappatoires n’est pas payé par les politiciens, mais par la vie de ceux qui incarnent la République. Le silence et l’esquive n’ont jamais été des remparts contre le terrorisme ; ils en sont les complices involontaires. L’heure n’est plus au débat sémantique, mais à la responsabilité des mots et des actes.