Les fondations d’une Légende : de la Misère à la Métamorphose

Joan Crawford - Maisons de stars : les photos rétro des stars dans leur  intimité - Elle

L’ascension fulgurante de Joan Crawford, de ses débuts modestes à l’apogée du glamour hollywoodien, est l’une des histoires les plus captivantes et les plus controversées de l’histoire du cinéma. Née Lucille Fay LeSueur en 1906 à San Antonio, au Texas, son enfance fut marquée par une instabilité et une grande précarité. Après le départ de son père, elle fut ballotée entre plusieurs villes, vivant même un temps dans la buanderie où travaillait sa mère à Kansas City, Missouri. Cette éducation difficile et transitoire lui laissa une empreinte profonde : une aversion tenace pour le désordre et la saleté, qui alimenta son légendaire perfectionnisme et son ambition sans borne.

Animée par cette détermination féroce, l’adolescente a rapidement mis le cap sur Broadway, puis sur Hollywood, cherchant désespérément à laisser son passé derrière elle. À son arrivée en Californie au milieu des années 1920, ses premiers logements étaient à des années-lumière du luxe qu’elle allait bientôt connaître, se contentant d’une modeste résidence à l’Hôtel Washington à Culver City. Mais grâce à son talent et à une campagne de relations publiques orchestrée avec soin, son ascension au sein de la MGM fut fulgurante, l’établissant rapidement comme l’une des stars les plus lumineuses de l’écran d’argent.

“El Jodo” : Le Royaume du Glamour à Brentwood

En 1929, le succès de Joan Crawford lui permit d’acquérir une somptueuse propriété de style géorgien à Brentwood, Los Angeles, pour 557 000 $. Baptisée “El Jodo”, une contraction de son prénom et de celui de son mari de l’époque, Douglas Fairbanks Jr., cette demeure devint rapidement le synonyme de son élégance et de son statut. Malgré leur divorce en 1933, Crawford conserva la propriété et en fit son sanctuaire personnel pendant 26 ans, jusqu’en 1955.

S’étendant sur plus de 1 000 mètres carrés, “El Jodo” était une vitrine de son goût impeccable et de son obsession du détail. Elle comportait six chambres et dix salles de bains. Ses intérieurs, régulièrement mis à jour pour refléter l’évolution de son statut, arboraient des soies et des brocarts vert et or, incarnant le style Hollywood Regency. Le domaine n’était pas seulement une résidence, mais un lieu de divertissement sophistiqué, doté d’un court de tennis, d’une piscine et d’une maison d’hôtes équipée d’une table de ping-pong et d’un bar, faisant d’elle un pivot de la vie sociale hollywoodienne.

Mais le moment le plus mémorable de l’histoire de cette maison eut lieu en 1946. Alitée, officiellement avec la grippe (bien qu’elle ait admis plus tard que c’était par peur de la défaite face à Ingrid Bergman), Crawford reçut son Oscar de la Meilleure Actrice pour Mildred Pierce depuis son lit. Cette image, capturée par la presse qu’elle avait invitée chez elle, la montrant souriante et serrant le trophée doré, est devenue un symbole durable de sa résilience et de son sens aigu de la mise en scène publicitaire. Elle transforma un moment de vulnérabilité potentielle en un coup de maître.

Le Penthouse de New York : Quand le Luxe rencontre la Praticité

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Le deuxième chapitre immobilier de Joan Crawford s’écrivit à New York, où elle acquit un appartement luxueux dans l’Imperial House sur l’Upper East Side. Elle décrivit ce lieu comme sa retraite sur la côte Est, un endroit pour échapper à la pression d’Hollywood et s’immerger dans l’énergie vibrante de Manhattan.

Le Penthouse, partagé avec son mari, le président de PepsiCo Alfred Steele, occupait les deux derniers étages et comptait à l’origine 18 pièces, réaménagées en huit espaces grandioses. Avec l’aide de son ami et décorateur d’intérieur William Haines, Crawford transforma cet espace en un mélange unique de glamour californien et de sophistication Fifth Avenue. L’esthétique était lumineuse et joyeuse, rompant avec les tons sombres typiques de New York.

Design Révolutionnaire : La pièce maîtresse était un escalier flottant libre, accentué par de grandes plantes vertes et couronné d’un puits de lumière.

Luminosité et Perfection : La lumière inondait les intérieurs, se reflétant sur les tapis blancs et les meubles pastel. Même le bureau arborait des tons clairs et vifs.

Détails Personnalisés : Des cheminées surélevées dans le salon et la chambre, une fontaine fonctionnelle dans la chambre principale sur deux niveaux, et des tentures et tissus d’ameublement tissés à la main témoignaient de son penchant pour les touches sur mesure.

La perfectionniste Joan Crawford veillait à ce que l’appartement soit aussi impeccable que sa garde-robe. Le designer Colton Vanney, qui visita les lieux dans les années 1960, nota sa conception méticuleuse, en faisant l’écrin de son besoin de propreté spartiate. La chambre principale, dans des tons de rose et de blanc, était un choix délibéré, car elle jugeait ces couleurs “flattantes et apaisantes”.

Le Downsizing Mémorable : L’Économie d’une Diva

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Dans ses dernières années, sous les conseils de son comptable, Joan Crawford prit la décision difficile de réduire la taille de ses propriétés. En 1968, elle acheta un appartement plus “modeste” (Appartement 22G) dans le même immeuble, pour environ 500 000 $. Cependant, ce déménagement ne signifia pas un abandon de son style ni de ses exigences.

Avant de s’installer, elle travailla méticuleusement avec Carlton Varney pour planifier l’espace. Le déménagement lui-même fut l’objet d’un événement marquant : son canapé fait sur mesure était trop grand pour l’ascenseur ou les escaliers et dut être hissé par une grue jusqu’au 22e étage et introduit par la terrasse.

Une fois installée, Crawford apporta ses touches personnelles obsessionnelles :

Elle remplaça les baignoires par des cabines de douche.

Elle installa du plastique blanc laminé sur les appuis de fenêtre.

La chambre de bonne fut transformée en dressing pour chapeaux et chaussures.

Une deuxième chambre devint un dressing complet avec placards muraux, et la troisième fut réservée à sa femme de chambre, Mamita.

Chacune de ces modifications illustrait l’ingéniosité et le sens pratique de Crawford, même lorsqu’elle était contrainte à l’économie. Ses maisons, tout comme ses films, racontent l’histoire d’une femme qui s’est élevée contre l’adversité, utilisant le luxe et la beauté pour masquer les tourments de son passé et le chaos de sa vie personnelle. Son héritage se perpétue non seulement à travers ses triomphes cinématographiques, mais aussi dans l’image de ces espaces qu’elle a transformés en autant de déclarations de sa propre volonté inébranlable.