Enrico Macias : « La France, ce n’est pas mon pays d’adoption, c’est mon pays »

Il y a des moments de télévision qui, sans éclats ni scandales, parviennent à toucher au cœur même de l’identité et de l’émotion. Ce fut le cas il y a quelques heures sur le plateau de l’émission “C à vous”, diffusée sur France 5. Invité d’honneur de Anne-Élisabeth Lemoine, Enrico Macias est venu partager un instant musical et revenir sur sa carrière hors du commun. Mais avant même qu’il ne chante, une phrase, prononcée presque par habitude par l’animatrice, a suffi à provoquer un moment suspendu, à la fois tendre et solennel.

Tout a commencé lorsque la journaliste, comme à son habitude, a introduit son invité avec chaleur et admiration. Elle a rappelé le parcours exceptionnel d’Enrico Macias, artiste emblématique de la chanson française, véritable pilier de la culture populaire depuis plus de soixante ans. “Vous avez chanté la nostalgie, l’attachement à votre pays, mais aussi l’amour pour la France, votre pays d’adoption”, a-t-elle déclaré, avant d’inviter le chanteur à interpréter son titre culte Paris, tu m’as pris dans tes bras.

Mais au lieu de se lancer dans la chanson, Enrico Macias a tenu à réagir. Le regard calme mais ferme, il a interrompu doucement l’animatrice :

“Quand vous dites mon pays d’adoption, non… C’est mon pays, la France.”

🔆 Anne-Elisabeth Lemoine remise en place par Enrico Macias en direct dans C  à Vous - YouTube

Sur le plateau, un léger silence s’est installé. Anne-Élisabeth Lemoine, visiblement surprise et un peu gênée, a porté la main à sa bouche avant de s’excuser :

“Oui, vous avez bien fait de rectifier.”

Un moment bref, mais lourd de sens. Car derrière cette précision d’Enrico Macias se cache toute une histoire – une vie faite d’exil, d’amour, de reconnaissance et de fidélité à une nation qui, malgré tout, ne lui a pas toujours rendu la pareille.


Un artiste au parcours singulier

Gaston Ghrenassia en 1938 à Constantine, en Algérie, Enrico Macias a grandi dans une famille juive andalouse. Très jeune, il découvre la musique auprès de son beau-père, Cheikh Raymond Leyris, figure respectée du malouf, la musique arabo-andalouse traditionnelle. Mais l’histoire bascule en 1961 : l’Algérie s’enfonce dans la guerre et son beau-père est assassiné. Contraint à l’exil, Enrico quitte sa terre natale et débarque en France avec son épouse, leur bébé et sa guitare.

C’est à ce moment-là que commence sa seconde vie — celle d’un homme qui va transformer sa douleur en chanson. En quelques années, il devient une véritable star, enchaînant les succès comme Adieu mon pays, Les filles de mon pays, Paris, tu m’as pris dans tes bras ou encore Enfants de tous pays. Sa voix vibrante, son accent méditerranéen et ses paroles d’espoir font de lui un ambassadeur de la fraternité et de la paix.

Pour beaucoup, Enrico Macias est l’incarnation d’une France métissée, celle qui accueille, qui intègre, qui chante ensemble malgré les différences. C’est pourquoi le qualifier d’“artiste d’adoption” résonne pour lui comme une petite blessure. Car s’il est né ailleurs, c’est bien en France qu’il a refait sa vie, élevé ses enfants, bâti sa carrière et offert son art à des générations entières.


Une rectification pleine de sens

Lorsque Anne-Élisabeth Lemoine a parlé de “pays d’adoption”, elle n’a sans doute pas mesuré la portée de ses mots. Il ne s’agissait pas d’une erreur malveillante, mais d’une formule courante dans les médias. Pourtant, pour Enrico Macias, cette nuance n’est pas anodine. Elle touche à l’essence même de son identité.
En rectifiant calmement : “C’est mon pays, la France”, il n’a pas seulement défendu une appartenance, il a rappelé ce qu’il est profondément : un Français de cœur, de vie et de chanson.

Ce moment a d’ailleurs ému de nombreux téléspectateurs. Sur les réseaux sociaux, beaucoup ont salué la dignité et la justesse du chanteur. “Quelle classe, quelle émotion”, a écrit un internaute. “Enrico ne revendique pas, il affirme simplement ce qu’il est.” D’autres y ont vu une leçon d’intégration et d’amour du pays, dans une époque souvent traversée par les débats identitaires.


Un message universel d’amour et de fidélité

À 86 ans, Enrico Macias n’a plus rien à prouver. Il pourrait se contenter de savourer sa légende, mais il continue à défendre ses valeurs avec passion. La France, pour lui, n’est pas seulement un refuge : c’est le lieu de sa renaissance. Il n’a jamais cessé de la chanter, de la remercier, d’y puiser son inspiration. Même quand certains vents contraires se sont levés, même quand la popularité s’est un peu éteinte, il est resté fidèle à son pays et à son public.

Son attachement à la France ne relève pas d’un simple patriotisme de façade, mais d’une reconnaissance profonde. “Je suis arrivé ici avec rien, dit-il souvent, et la France m’a tout donné.” Ces mots résument un parcours où l’exil s’est transformé en gratitude, où la douleur d’un départ s’est sublimée en hymne à l’amour.

C’est peut-être pour cela que sa mise au point, aussi douce soit-elle, a tant résonné. Dans un monde où les identités s’entrechoquent et se redéfinissent, Enrico Macias rappelle qu’on peut aimer un pays d’un amour total, sincère, sans calcul, même s’il n’est pas celui de notre naissance.


Un rappel de dignité et de tendresse

Le petit moment de flottement sur le plateau de C à vous s’est vite dissipé lorsque la musique a repris. Enrico Macias, fidèle à lui-même, a alors interprété Paris, tu m’as pris dans tes bras avec cette chaleur et cette émotion qui n’appartiennent qu’à lui. Le public, silencieux, semblait ressentir tout le poids du message : celui d’un homme qui a trouvé, dans la langue et la culture françaises, une seconde patrie.

Cette séquence, sans polémique ni amertume, restera comme un instant d’élégance et de vérité. Un rappel que les mots, parfois, réveillent des histoires enfouies. Et que derrière chaque chanson d’Enrico Macias se cache un fragment d’exil, de fidélité et d’amour pour une France qu’il ne cessera jamais d’appeler “son pays”.