Nasha était la seule fille du roi et de la reine de Zanda, un royaume connu pour sa beauté et sa richesse. Dès sa naissance, il était clair qu’elle était destinée à un grand destin. Sa beauté était incomparable ; le roi et la reine étaient fiers de leur fille, et tout le royaume l’adorait. Les gens voyageaient depuis des terres lointaines rien que pour apercevoir la princesse. Tous parlaient de sa grâce, mais ils partageaient aussi un secret :

« La princesse Nasha est… spéciale. » murmuraient-ils.

Aucun prince, aucun chevalier, personne n’avait jamais réussi à conquérir son cœur. Peu importe combien d’hommes courageux tentaient leur chance, aucun — pas un seul — ne parvenait à la séduire. Pourquoi ? C’était là le plus grand mystère du royaume.

Son père, le roi Tempo, était un souverain puissant. Il aimait sa fille tendrement, mais il se lassait de voir les prétendants échouer les uns après les autres : guerriers robustes, riches marchands, sages venus de pays lointains… Tous voulaient faire de Nasha leur épouse, mais aucun ne parvenait à lui plaire. L’un après l’autre, ils repartaient vaincus.

Le roi ne pouvait plus ignorer les murmures du peuple.
« Pourquoi la princesse rejette-t-elle tous les hommes ? » demandaient-ils.
« Est-elle maudite ? »

Le roi Tempo convoqua ses conseillers et fit une grande annonce :
« Tout homme capable de gagner le cœur de ma fille recevra la moitié de mon royaume. Mais s’il échoue, il devra partir et ne jamais revenir. »

La nouvelle se répandit aux quatre coins du monde. Les hommes affluèrent, convaincus d’être celui qui séduirait enfin la princesse.

Le premier prétendant était un grand guerrier, imposant et sûr de lui.
– « J’ai vaincu des bêtes sauvages à mains nues ! » se vanta-t-il. « Je suis assez fort pour n’importe quelle femme. »
Nasha le regarda, un sourire discret aux lèvres.
– « Et penses-tu que la force seule suffit ? »
Le guerrier rit.
– « Bien sûr. Que faut-il de plus ? »
Nasha s’approcha, ses yeux fixés dans les siens.
– « Alors pourquoi tes mains tremblent-elles ? »
Le guerrier baissa les yeux — ses mains tremblaient en effet. Honteux, il quitta la salle sans un mot.

Puis vint un riche marchand, drapé d’or, couvert de bijoux.
– « Je vous offrirai toutes les richesses du monde, princesse. Vous ne manquerez jamais de rien. »
Nasha secoua la tête.
– « À quoi sert l’or si mon cœur reste vide ? »
Le marchand n’eut pas de réponse et repartit, vaincu.

Les prétendants se succédèrent, et tous échouèrent. Certains partirent en colère, d’autres en larmes. Personne ne comprenait pourquoi la princesse semblait impossible à satisfaire.

Les anciens du royaume commencèrent à s’inquiéter.
« Si elle ne choisit pas un mari bientôt, les dieux pourraient se fâcher. »

Nasha observait chaque prétendant, amusée, presque cruelle. Elle riait de leurs échecs.
« Les hommes sont faibles… » murmura-t-elle.

La phrase résonna comme une tempête dans le palais.

Le roi Tempo perdit patience.
– « Assez ! Si ma fille ne choisit pas un mari, les dieux se retourneront contre nous ! »
Mais Nasha sourit.
– « Alors envoyez-moi un homme digne d’être choisi. »

C’est alors que les portes s’ouvrirent.

Un homme entra.

Pas comme les autres.

Il ne s’inclina pas, ne détourna pas le regard. Ses vêtements sombres glissaient silencieusement sur le sol. Il avançait comme une ombre.

Nasha sentit son cœur se serrer imperceptiblement.

– « Qui es-tu ? » demanda le roi.
– « Jeno. » répondit-il simplement.
– « Jeno… d’où ? »
– « De nulle part. »

Un murmure se répandit : un homme sans royaume, sans richesse, sans titre… Quel droit avait-il d’approcher la princesse ?

Le roi fronça les sourcils.
– « Te crois-tu digne de ma fille ? »
Jeno répondit sans tourner la tête :
– « Je ne viens pas prouver ma valeur. Je viens voir si elle est digne de la mienne. »

La salle explosa. Jamais un homme n’avait osé parler ainsi.

Nasha, pour la première fois, perdit son sourire.

Il ne venait pas pour l’adorer.
Il venait pour la mesurer.

Le roi déclara :
– « Tu passeras une nuit dans les appartements de la princesse. Si tu en sors comme les autres, tu quitteras ce royaume à jamais. »
– « J’accepte. »

Dans ses appartements, Jeno resta immobile, silencieux. Nasha tenta de le déstabiliser — en vain.
Chaque mot qu’il prononçait la troublait davantage.
Il ne craignait rien.
Il ne la désirait pas.
Il la voyait.

Pour la première fois, elle était celle mise à l’épreuve.

Quand le soleil se leva, Jeno sortit de la chambre… indemne.

Le royaume retint son souffle.

Nasha suivit, différente. Plus calme. Moins arrogante.

Le roi déclara :
– « Tu as fait ce qu’aucun homme n’a pu faire. La moitié de mon royaume t’appartient. »

Mais Jeno ne sourit pas.

Il se tourna vers Nasha.

Ses doigts commencèrent à se désagréger…
Sa peau se changeait en poussière.

Nasha blêmit.
– « Non… »

Jeno murmura :
– « La prophétie n’a jamais promis une récompense. Seulement un prix. L’homme qui dompte la princesse doit disparaître. »

Elle essaya de le toucher — sa main traversa la sienne comme du vent.

– « Je ne te laisserai pas partir ! »
– « C’était le prix… depuis le début. »

Et il disparut.

Nasha ne cria pas.
Elle ne tomba pas.
Mais quelque chose en elle se brisa.

Les semaines passèrent.
Les mois.

Le royaume reprit son quotidien.
La princesse, elle, ne retrouva jamais sa lumière.
Elle traversait les couloirs comme une ombre, silencieuse, hantée.

Chaque nuit, elle retournait à l’endroit où Jeno s’était tenu.
Elle fermait les yeux, espérant sentir sa présence.

Puis un soir, alors que le vent parcourait le palais, elle entendit une voix :

« Tu disais que les hommes étaient faibles… »

Elle ouvrit les yeux.
La salle était vide.
Mais elle savait.

Jeno n’était plus là…

Mais les dieux ne l’avaient pas tout à fait fait disparaître.