Affaire Émile Soleil : une enquête hors norme au cœur du Haut-Vernet

Le 8 juillet 2023, la France entière est bouleversée par la disparition d’un enfant de deux ans et demi, Émile Soleil, dans le hameau reculé du Haut-Vernet, dans les Alpes-de-Haute-Provence.

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Très vite, l’affaire devient un symbole national, à la fois par son caractère tragique et par l’opacité qui entoure les événements. Pendant plusieurs mois, aucune trace tangible de l’enfant ne sera retrouvée, malgré une mobilisation sans précédent des forces de l’ordre et de nombreux bénévoles.

Il faut attendre 2024 pour que des ossements soient découverts, à proximité de la zone initialement fouillée. Les analyses médico-légales confirmeront alors le caractère criminel du décès du petit Émile. Ce rebondissement relance l’enquête avec une intensité renouvelée. L’émotion reste vive dans le cœur des Français et l’attente de vérité demeure insupportable pour beaucoup.

Un travail d’enquête titanesque

L’affaire Émile, par sa complexité et sa sensibilité, mobilise des moyens humains et techniques sans précédent. À la tête de l’enquête, le colonel Bertelin, commandant de la section de recherche de Marseille, dirige la « cellule Émile », une unité d’élite constituée d’enquêteurs chevronnés, d’analystes criminels, de techniciens et d’experts. Ils sont une quinzaine à travailler activement, dont une douzaine à plein temps, uniquement sur ce dossier.

Le colonel souligne le volume colossal de données à traiter : relevés téléphoniques, expertises techniques et scientifiques, auditions, analyses comportementales. Tout est vérifié, recoupé, contre-expertisé.

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« Rien n’est laissé au hasard », affirme-t-il avec insistance. Le travail est minutieux, rigoureux, éprouvant. Les enquêteurs sont projetés régulièrement dans le département, loin de leurs familles, prêts à intervenir jour et nuit si la situation l’exige.

Ce dispositif exceptionnel repose aussi sur la connaissance du terrain. Des gendarmes des unités territoriales, familiers des lieux et des habitants, prêtent main-forte. Cette alliance entre expertise technique, expérience humaine et ancrage local constitue le socle de l’enquête.

Des hypothèses ouvertes, des pistes qui se ferment

Selon le colonel Bertelin, plusieurs hypothèses sont encore explorées. Chacune est étudiée de manière exhaustive. Les portes ne sont fermées qu’après avoir été entièrement fouillées. « Heureusement, nous avons pu en refermer un grand nombre », confie-t-il. Mais quelques pistes majeures restent d’actualité, et les enquêteurs continuent de les suivre avec ténacité.

Le commandant rappelle que sur les dossiers d’homicide traités par sa section depuis quatre ans, le taux de résolution est de 100 %. Cette statistique renforce l’espoir que l’affaire Émile, aussi complexe soit-elle, connaîtra elle aussi une issue judiciaire. Pour lui, la mission première demeure la manifestation de la vérité.

Des gardes à vue dans un cadre très encadré

Le 25 mars 2025, les grands-parents d’Émile ainsi que deux de leurs enfants sont placés en garde à vue pour 48 heures. À l’issue des auditions, tous sont relâchés sans mise en examen. Le colonel insiste sur la portée de cet acte d’enquête :

« La garde à vue intervient souvent à la fin d’un dossier, quand on dispose de suffisamment d’éléments matériels pour confronter un suspect. » Il précise que la responsabilité d’une personne peut parfaitement être écartée à l’issue de cette mesure.

Dans un cadre légal strict, sous la présence obligatoire d’un avocat, la garde à vue permet aux enquêteurs d’interroger un suspect, de lui présenter les éléments et d’observer ses réactions. C’est un moment charnière dans une enquête criminelle.

Pas de comparaison possible avec l’affaire Grégory

Certains observateurs ont évoqué des similitudes entre l’affaire Émile et celle du petit Grégory Villemin, assassiné en 1984 et dont l’enquête n’a jamais abouti à une condamnation définitive. Pour le colonel Bertelin, cette comparaison n’a pas lieu d’être.

Il rappelle que l’affaire Grégory s’est déroulée à une autre époque, avec des moyens techniques et une culture d’enquête très différents. « Aujourd’hui, une affaire comme celle-là serait probablement résolue plus rapidement », affirme-t-il.

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L’enquête sur Émile, en revanche, mobilise tous les outils modernes disponibles : technologies numériques, croisements de données, ADN, géolocalisation, etc. Il réfute donc toute idée d’échec de l’investigation, comme cela avait pu être le cas dans les années 1980.

Une affaire qui bouleverse toute la France

Ce qui rend cette affaire si singulière et si bouleversante, c’est l’âge très jeune de la victime, la ruralité du lieu de disparition, et l’implication de proches. « Chaque Français se sent concerné », confie le colonel, lui-même père de famille. Le Haut-Vernet, jusque-là inconnu du grand public, est devenu malgré lui le théâtre d’un drame national. La douleur est d’autant plus vive que l’innocence d’un enfant a été brisée.

Le colonel Bertelin conclut avec une certaine gravité : « Les affaires impliquant des enfants nous marquent à vie. » Il en a connu d’autres, qu’il garde en mémoire. Mais celle-ci, par son ampleur et son retentissement, restera sans doute comme l’une des plus poignantes.