Anémone : Une étoile libre et rebelle du cinéma français

Le 30 avril 2019, le monde du cinéma français perdait l’une de ses figures les plus singulières et touchantes : Anémone. De son vrai nom Anne Bourguignon, l’actrice, révélée par la troupe du Splendid dans les années 70, restera à jamais gravée dans les mémoires pour son rôle inoubliable de Thérèse dans Le Père Noël est une ordure. Pourtant, derrière les rires provoqués par ses personnages et le succès de ses films, se cachait une femme complexe, entière, profondément libre… et souvent incomprise.

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Anémone n’a jamais fait les choses comme tout le monde. Dès ses débuts, elle se distingue par son tempérament frondeur et sa manière bien à elle de jouer. Elle intègre très tôt le monde du théâtre avant de percer au cinéma grâce à Coluche, qui la dirige dans Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine. Mais c’est véritablement avec la troupe du Splendid qu’elle devient une star populaire, incarnant aux côtés de Christian Clavier, Gérard Jugnot ou encore Marie-Anne Chazel des personnages loufoques dans des comédies devenues cultes.

Mais si le public l’adore, Anémone, elle, garde ses distances. Elle ne cherche ni la gloire ni la lumière. Elle est là pour jouer, pas pour plaire. « Je ne suis pas une star, je suis une actrice. Une vraie. Une qui doute, qui râle, qui cherche.

 

Une qui souffre aussi, parfois. » confiait-elle dans une interview à la fin des années 90. Ce refus des conventions, cette volonté farouche de rester fidèle à elle-même, va la conduire à prendre ses distances avec le show-business dans les années 2000.

Et ce retrait va marquer sa fin de vie. Lors de ses obsèques en mai 2019, à Poitiers, nombreux sont ceux qui ont été surpris, voire choqués, de constater l’absence de la plupart des grandes figures du cinéma français. À peine trois personnalités du monde du spectacle étaient présentes :

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la réalisatrice Tonie Marshall, fidèle amie d’Anémone, l’acteur Luis Rego, et Agnès Soral. Où étaient donc ses anciens camarades du Splendid ? Pourquoi Christian Clavier, Thierry Lhermitte ou encore Gérard Jugnot n’étaient-ils pas là ? L’absence était d’autant plus frappante que le nom d’Anémone est indissociable de cette troupe légendaire.

Son fils, Jacob Bourguignon, a tenté de répondre à ces interrogations. Selon lui, sa mère avait volontairement choisi de s’éloigner du monde du spectacle dans les dernières années de sa vie. Elle vivait de plus en plus isolée, fatiguée par l’hypocrisie d’un milieu qui, selon ses mots, « ne récompense pas le talent mais la docilité ».

 

Elle ne voulait pas d’hommages officiels, pas de grands discours. Elle souhaitait partir comme elle avait vécu : discrètement, avec humilité.

Mais cette distance n’était pas seulement physique. Elle était aussi affective. Car, comme l’ont révélé plusieurs proches, les relations entre Anémone et ses anciens partenaires du Splendid s’étaient détériorées avec le temps.

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Des désaccords profonds, notamment financiers, les avaient éloignés. Anémone leur avait reproché une certaine cupidité, un manque de solidarité dans la gestion des droits liés aux films qu’ils avaient tournés ensemble. Et quand Anémone était en colère, elle ne mâchait pas ses mots. Son caractère entier, parfois jugé difficile, l’avait sans doute isolée davantage.

Pour autant, personne ne remet en cause son immense talent. Elle savait tout jouer : la folie douce, la tendresse maladroite, la colère vive, la fragilité humaine. Dans Le Grand Chemin, elle décroche le César de la meilleure actrice pour un rôle bouleversant, à mille lieues des comédies légères qui l’avaient rendue célèbre. Elle y incarne une femme brisée, complexe, avec une profondeur rare. Ce César, elle l’accueille avec émotion, mais sans illusion. « Ce n’est qu’une statuette. Demain, tout recommence », dira-t-elle à la sortie de la cérémonie.

Tonie Marshall, qui fut l’une de ses plus proches amies, a souvent décrit Anémone comme une femme « d’une grande pudeur, mais d’une intensité rare ». Elle se battait pour ses convictions, pour ses idéaux. Elle n’acceptait ni le compromis, ni la trahison. Cela l’a rendue plus seule, mais aussi plus vraie. Elle n’a jamais cédé aux appels des plateaux télé ou aux séductions du star-system. Jusqu’au bout, elle a refusé de jouer un rôle qui n’était pas le sien.

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Anémone, c’était aussi une militante. Écologiste convaincue avant l’heure, elle soutenait activement les causes environnementales et les luttes sociales. Elle avait une parole libre, parfois dérangeante, mais toujours sincère. Elle disait ce qu’elle pensait, même si cela pouvait lui coûter cher. Ce franc-parler, rare dans un milieu aussi policé que celui du cinéma, l’a souvent isolée… mais l’a aussi rendue profondément respectée.

Aujourd’hui, alors que les années passent depuis sa disparition, son absence se fait toujours sentir. Non seulement pour ses proches, mais aussi pour le public qui garde d’elle le souvenir d’une actrice différente, courageuse, brillante. Elle n’était peut-être pas la plus consensuelle, mais elle était vraie. Et dans un monde de faux-semblants, cela a une valeur inestimable.

Son départ a laissé un vide dans le cœur de ceux qui l’ont aimée, mais son héritage demeure. À travers ses films, ses interviews, ses engagements, Anémone continue de vivre. Elle nous rappelle que la liberté a un prix, mais qu’elle est le plus beau des cadeaux. Elle nous montre qu’on peut réussir sans se trahir, qu’on peut être célèbre sans être esclave de la célébrité.

Anémone est partie comme elle a vécu : sur une note dissonante, émouvante, mais profondément sincère. Elle laisse derrière elle une œuvre riche, des souvenirs indélébiles et une leçon de vie : rester soi-même, coûte que coûte.