La Disparition Inquiétante de Lina : Une Énigme en Pleine Campagne

Au Cœur de l’Angoisse à Champenay

Le jeudi 28 septembre, Louise Colcombet rencontre Fanny, la mère de Lina, chez elle à Champenay, un hameau de la commune de Plaine dans le Bas-Rhin. À ce moment-là, cinq jours se sont écoulés depuis la disparition de sa fille. Fanny reçoit la journaliste et de nombreux autres confrères, visiblement éprouvée.

Ses mots sont forts, empreints d’une angoisse palpable : elle parle d’une « peur permanente », d’une « douleur qui vous écrase ». Pourtant, Fanny est aussi une femme forte et combative. « Je me bats, je lâcherai rien, c’est très compliqué, je ne vais pas bien, ça c’est une certitude.

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J’essaie de garder le cap parce que c’est comme ça que je vais pouvoir aider Lina, parce qu’elle a besoin que moi je sois forte pour pouvoir l’aider elle. » Elle est animée par une rage de vaincre, prête à affronter la suite pour retrouver sa fille.

La commune de Plaine, avec environ un millier d’habitants, se compose de plusieurs hameaux. Louise Colcombet décrit un environnement très rural : « C’est tout petit en fait, il faut vraiment comprendre, on est vraiment en pleine campagne, on est aux confins du Bas-Rhin et des Vosges à une heure environ de Strasbourg. C’est 900 habitants mais c’est un amoncellement de différents hameaux avec des maisons un peu éparpillées. » La maison de Lina est située en bord de forêt, en bord de route, entourée de quelques autres habitations avant que la campagne ne reprenne ses droits.

Depuis la disparition de Lina, les habitants sont marqués par l’empathie. « Évidemment beaucoup dans l’empathie, déjà parce que tout le monde se connaît, c’est une enfant du pays, elle a grandi là, tout le monde l’a croisée à l’école. » Mais au-delà de la compassion, une angoisse sourde s’est installée. La perspective que quelqu’un ayant potentiellement fait du mal à Lina puisse vivre parmi eux est très perturbante pour cette communauté très soudée. Tant que la vérité n’est pas connue, les parents de la région restent inquiets.


Qui est Lina ?

Avant de revenir sur les circonstances de sa disparition, Louise Colcombet nous dresse le portrait de Lina. C’est une jeune fille de 15 ans aux cheveux mi-longs, aux yeux clairs, mesurant 1m60 et plutôt fine. Elle est décrite comme « très joyeuse, qui irradie sans pour autant se mettre en avant ». Discrète, joviale, sociable, mais pas celle qui cherche à attirer l’attention, Lina est très appréciée.

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Son enfance est marquée par le divorce de ses parents. Elle a grandi avec sa mère, Fanny, avec qui elle entretient une relation très fusionnelle. Fanny lui a transmis sa passion pour les chevaux et la voltige. Elles participaient chaque année à la fête du cheval, une passion commune qui les unissait.

Au collège, Lina s’oriente vers un CAP aide à la personne et vente en milieu rural. Ses stages, réalisés dans le cadre de sa formation, lui ont permis de se faire connaître de nombreux habitants de la région. En juin dernier, elle a validé son brevet et effectué un stage dans son ancienne école de Plaine, où elle était très appréciée pour son volontarisme et son enthousiasme. C’était un visage connu dans le secteur, non seulement pour y avoir grandi, mais aussi grâce à ses activités professionnelles.

À l’été 2023, Lina fête ses 15 ans et débute une relation avec Tao, un garçon de 19 ans. Ils se sont rencontrés via les réseaux sociaux. Tao, lui aussi en formation professionnelle pour devenir artisan, est au Compagnons du Devoir. Il a eu l’opportunité d’aller à Strasbourg et est venu lui faire une surprise le jour de son anniversaire. Leur relation, née de cette rencontre, débute vers la mi-août.


La Matinée Fatidique : Le 23 Septembre

Nous arrivons au samedi 23 septembre. En fin de matinée, Lina quitte son domicile. Elle a rendez-vous avec Tao à Strasbourg, où il participe à une réunion dans le cadre de sa formation. Il est convenu qu’ils déjeunent ensemble, fassent du shopping, puis rentrent en voiture avec Tao le soir. Lina doit prendre le train de 12h03. Il n’y a pas beaucoup de trains dans ce coin, et ce matin-là, sa maman ne peut pas l’emmener. Lina part donc à pied de chez elle vers 11h.

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Le chemin qu’elle doit emprunter jusqu’à la gare est très précis. La première partie de l’itinéraire est une route départementale (RD350), bordée d’arbres d’un côté et de champs de l’autre : une zone très rurale. Puis, en s’approchant de Saint-Blaise-la-Roche, une piste cyclable offre un raccourci à travers champ, passant un étang pour arriver directement à la gare. Le trajet total est de 2,9 km. La particularité de ce parcours est l’absence totale d’habitations ou de commerces : « On est vraiment en pleine campagne, il n’y a pas un seul commerce, il n’y a à peu près rien, il y a vraiment la route, la campagne et au bout la gare. »

Lina a l’habitude de faire ce trajet, comme d’autres enfants du secteur qui vivent dans des hameaux reculés. La gare de Saint-Blaise-la-Roche est un point nodal pour ces habitants n’ayant pas de moyens de locomotion, surtout les jeunes sans permis.

Sur le chemin, Lina envoie une vidéo d’elle sur Snapchat à son petit ami Tao. Elle est enthousiaste, contente de le retrouver. Elle se filme en train de marcher, lui dit qu’elle est heureuse de venir et lui montre sa tenue : une robe longue grise, des Converse blanches montantes et une doudoune blanche.

Le train qu’elle doit prendre pour Strasbourg quitte la gare de Saint-Blaise-la-Roche à 12h03 et arrive à destination à 12h53.


L’Alerte et les Premières Constatations

Ce qui se passe ensuite est le début de l’angoisse. Tao l’attend sur le quai de la gare, mais Lina ne descend pas. En réalité, il s’est déjà inquiété. Après avoir reçu sa vidéo à 11h20, il lui a laissé des messages restés sans réponse. Ce silence est étonnant pour Lina, qui, comme tous les adolescents de son âge, a constamment son téléphone à la main. Cette coupure de communication brutale l’inquiète. Il avise la maman de Lina, lui disant qu’il y a « un truc bizarre ».

Le train entre en gare, Lina n’en descend pas. Tao fait, selon ses dires, trois fois le tour de la gare. Il prévient à nouveau la mère de Lina, qui décide alors de refaire le trajet de sa fille, espérant la trouver blessée ou égarée. Mais elle se rend vite compte que sa fille est introuvable. À 14h15, les gendarmes sont avisés de la disparition inquiétante de Lina.


L’Enquête Démarre : Témoins et Indices

Les gendarmes lancent rapidement un appel à témoin. Un homme se manifeste : il s’agit de Jean-Marc Chipon, l’ancien maire de Plaine. Il affirme avoir vu Lina marcher en direction de la gare le samedi 23 septembre. Il raconte avec précision ce qu’il faisait ce matin-là : des travaux dans un appartement nécessitant un outil, l’ayant poussé à rentrer chez lui en vitesse. Sur le chemin, il croise Lina, qu’il reconnaît. Il donne la description de sa tenue : la doudoune blanche et la robe longue grise. Il repart ensuite en sens inverse et constate que Lina n’est plus sur la route. Compte tenu de la distance qui lui manquait pour arriver à la piste cyclable, où elle ne serait plus visible, l’écart est trop grand. Il se fait la remarque qu’elle devait marcher très vite, s’étonnant de ne plus la voir. Lorsque l’appel à témoins est lancé, il prévient immédiatement les gendarmes de ce qu’il a vu, et surtout, de ce qu’il n’a plus vu.

Jean-Marc Chipon dispose de caméras de vidéosurveillance devant chez lui. Il refait le trajet, le chronomètre, et vérifie les heures de passage. Il est passé chez lui à 11h22, n’y est resté qu’une minute. En calculant son temps de trajet, il peut affirmer avoir vu Lina à 11h20, et être revenu au même point sur la route à 11h25, heure à laquelle elle n’était plus là. Cela circonscrit sa disparition à un créneau extrêmement précis : 5 minutes.

C’est dans ce créneau horaire très court que le portable de Lina cesse d’émettre. À 11h22 précisément, son téléphone ne donne plus de signe de vie. Il paraît peu probable qu’elle l’ait coupé de son plein gré, ou qu’elle n’ait plus eu de batterie à ce moment-là. L’hypothèse la plus probable est que quelqu’un l’a éteint de force ou même détruit, et qu’à 11h22, elle n’est sans doute plus en mesure de demander de l’aide.

Sur ce trajet, il n’y a ni habitation ni commerce. Louise Colcombet nous informe qu’il existe néanmoins une caméra de vidéosurveillance à l’angle où Lina doit bifurquer sur la piste cyclable, au niveau d’un étang et de la maison des pêcheurs. Ce matin-là, Lina n’apparaît pas sur les images de cette caméra, contrairement aux jours précédents. Les pêcheurs présents ce matin-là confirment ne pas l’avoir vue. Elle n’arrive pas non plus à la gare, comme le prouvent les caméras installées dans le TER qu’elle devait emprunter, dont les images ont été minutieusement disséquées. Elle n’est jamais montée dans le train. Lina a donc disparu sur une portion très courte de cette route départementale.


Des Moyens Conséquents et des Pistes Explorées

Les gendarmes prennent cette disparition très au sérieux. Lina est mineure, la disparition a lieu en pleine journée, et elle a un rendez-vous planifié. Quelque chose ne va pas. De gros moyens sont déployés : l’appel à témoin est lancé, des chiens pisteurs sont mis à contribution. Ces derniers perdent la trace de Lina sur la route départementale, avant la piste cyclable, confirmant qu’il s’est manifestement passé quelque chose à cet endroit précis. Des caméras thermiques avec des drones survolent la zone pour détecter toute chaleur humaine, et des battues citoyennes sont organisées, dans l’espoir de retrouver un indice, un habit, ou Lina blessée dans un fourré ou les champs alentour. Rien n’est découvert.

L’hypothèse d’une fugue est rapidement écartée. Les enquêteurs, qui ouvrent toujours plusieurs pistes en parallèle, ont passé au crible la vie sentimentale de Lina, interrogeant ses amis pour comprendre si elle aurait pu vouloir partir avec quelqu’un. Il n’y a aucun mouvement bancaire sur son compte, son téléphone n’a jamais été rebranché. Lina n’a jamais fugué auparavant, n’a pas de problèmes avec ses parents ou à l’école. Cette hypothèse est donc complètement écartée.


Rumeurs et Nouveaux Témoignages

Sur les réseaux sociaux, de nombreuses rumeurs circulent, mettant notamment en cause Tao, le petit ami de Lina. Un petit ami est forcément l’objet de toutes les attentions dans une enquête. La téléphonie de Tao est rapidement explorée. La géolocalisation indique qu’il ne se trouvait pas avec Lina ce matin-là. De plus, Tao est le premier à donner l’alerte, prévenant la maman de Lina avant midi. Il est également à la gare, comme le montrent les images de vidéosurveillance, et il est vu par de nombreux témoins lors de sa réunion scolaire. Pour l’instant, rien n’étaie cette hypothèse de son implication.

En parallèle, les enquêteurs procèdent à de nombreuses vérifications. Les fichiers, comme le Fijait (Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes), sont consultés. Ils recherchent qui habite dans le secteur, qui faisait quoi à ce moment-là, et interrogent des personnes répertoriées.

Le mardi 26 septembre, trois jours après la disparition, un septuagénaire, Robert (72 ans), habitant lui aussi Champenay, livre un témoignage troublant aux enquêteurs. Il explique avoir vu Lina ce matin-là. Bien que flou sur l’heure, il sait qu’il préparait le déjeuner (donc avant 12h30-13h). Il voit passer Lina en voiture, côté passager, un véhicule conduit par un homme dont l’âge est indéterminé (entre 20 et 40 ans), avec une barbiche. La voiture allait dans le sens inverse du chemin de la gare. Robert n’est pas catégorique sur le modèle, mais parle d’une citadine de couleur bleu sombre. Ce témoignage corrobore d’autres éléments en possession des enquêteurs, notamment une image de vidéosurveillance montrant une Clio bleue sombre qui aurait circulé sur la RD350 dans le créneau horaire fatidique. Ce témoignage va fortement interpeller les enquêteurs, qui vont se concentrer sur ce type de véhicule.

Le lendemain, c’est une adolescente qui témoigne à son tour devant les gendarmes. Elle raconte avoir été importunée à deux reprises dans la semaine précédant la disparition de Lina. Le lundi, vers 18h30, une voiture grise serait passée et un homme l’aurait klaxonnée alors qu’elle ne le connaissait pas. Puis, le jeudi matin, vers 6h30, alors qu’elle se rendait à l’arrêt de bus, elle a eu l’impression que cette voiture arrivait à sa hauteur et que l’homme commençait à sortir, à mettre un pied dehors. Elle s’est mise à courir et a appelé son père, paniquée. L’homme est resté stationné, la regardant, avant que le bus n’arrive et qu’elle ne puisse monter. La crédibilité de ce témoignage repose sur le fait qu’elle parle d’événements antérieurs à la disparition de Lina.


Perquisitions et Perspectives de l’Enquête

Le vendredi 29 septembre, les gendarmes lancent une série de perquisitions dans le secteur. Ces vérifications concernent notamment les propriétaires de citadines bleu sombre. L’enquête se poursuit, toujours confrontée à l’énigme de la disparition de Lina, qui s’est volatilisée en quelques minutes sur une route de campagne, laissant derrière elle une famille en souffrance et une communauté sous le choc. La détermination des enquêteurs et le soutien de la population sont essentiels pour tenter de percer le mystère de cette disparition inquiétante.