Une scène oubliée : la colère de Dahbia B., révélatrice d’un drame à venir

Nous sommes en juillet 2019, dans un cabinet médical parisien situé dans le 19e arrondissement. Ce jour-là, rien ne laissait présager qu’une scène d’une telle intensité allait se produire, et qu’elle serait, quatre ans plus tard, réexaminée à la lumière d’un meurtre tragique ayant bouleversé la France. Dahbia B., alors âgée d’une vingtaine d’années, se présente à l’accueil du cabinet pour une consultation. Mais lorsque vient le moment de régler les frais de la visite, la jeune femme refuse catégoriquement de payer. Le ton monte, et très vite, la tension gagne l’ensemble du personnel.

Face à son refus obstiné, l’une des secrétaires médicales lui confisque son sac à main dans l’attente du règlement. Ce geste, anodin en apparence, déclenche une réaction violente. En quelques secondes, la situation dégénère : Dahbia B. s’énerve, crie, insulte, puis frappe. Une secrétaire reçoit un coup au visage, sous les yeux stupéfaits des patients présents dans la salle d’attente. L’incident, filmé par les caméras de surveillance, témoigne d’un accès de colère brutal et incontrôlé, qui laisse le personnel sous le choc.

Les assistantes médicales, encore tremblantes, décident de déposer une main courante au commissariat. Mais, selon leur témoignage, les policiers les dissuadent de porter plainte, prétextant un manque de temps et un afflux d’affaires plus urgentes. « Ils nous ont dit qu’ils avaient beaucoup de travail, que ce n’était pas si grave », confiera plus tard l’une des victimes. Une réaction qui, rétrospectivement, pèse lourd dans les consciences. Car aujourd’hui, ces femmes ne peuvent s’empêcher de penser que si une plainte avait été déposée, peut-être que le profil dangereux de Dahbia B. aurait attiré plus tôt l’attention des autorités.

Trois ans plus tard, en octobre 2022, la France découvre le nom de Dahbia B. dans un contexte bien plus tragique. Elle est arrêtée et mise en examen pour le meurtre de la jeune Lola, 12 ans, retrouvée sans vie dans une malle dans le 19e arrondissement. Un crime d’une violence inouïe, commis à quelques rues seulement du lieu où la jeune femme s’était montrée agressive des années plus tôt. Dès lors, la vidéo du cabinet médical resurgit. Les enquêteurs et les experts psychiatriques y voient un élément de compréhension essentiel de sa personnalité.

Selon plusieurs spécialistes en psychologie criminelle, cette séquence illustre l’incapacité profonde de Dahbia B. à gérer la frustration ou le conflit. « Face à une contrariété, quelle qu’elle soit, elle semble ne pas disposer des mécanismes de contrôle émotionnel nécessaires. Elle privilégie la réaction violente immédiate à la réflexion », explique un expert. Cette absence de régulation émotionnelle serait l’un des fils rouges de son parcours, marqué par l’instabilité, la marginalisation et le rejet.

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L’expertise psychiatrique à venir devra notamment déterminer si Dahbia B. souffre d’un trouble psychique majeur ayant pu altérer son discernement au moment des faits. Mais déjà, la scène du cabinet médical alimente le débat : était-il possible de détecter plus tôt les signaux d’alerte ? Fallait-il mieux encadrer cette jeune femme en détresse, connue pour ses errances administratives et ses séjours précaires entre hôtels et foyers ?

Dans les semaines qui suivent la diffusion de la vidéo, les anciennes victimes de 201

9 acceptent de témoigner à visage découvert. L’une d’elles raconte : « Je me souviens de son regard, de cette rage qui sortait de nulle part. On avait l’impression qu’elle était ailleurs, comme coupée du monde. » Une autre ajoute : « Je regrette vraiment de ne pas avoir insisté pour porter plainte. Peut-être que ça aurait permis d’éviter un drame. »

Ces témoignages douloureux viennent s’ajouter à une série de signaux ignorés qui jalonnent le passé de Dahbia B. : des disputes répétées, des problèmes de logement, une relation conflictuelle avec sa famille, et un suivi psychiatrique inexistant. Autant d’éléments qui dessinent le portrait d’une femme en errance psychologique et sociale, oscillant entre colère, solitude et perte de repères.

Dans cette affaire, la question de la responsabilité collective est désormais au cœur du débat public. Comment une société peut-elle passer à côté de tels comportements sans alerter ? Quelle place accorde-t-on à la prévention des troubles mentaux dans le suivi des personnes marginalisées ? Et surtout, combien de signaux faibles faudra-t-il encore ignorer avant qu’un nouveau drame ne survienne ?

Les deux secrétaires médicales, aujourd’hui profondément marquées, continuent d’exercer leur métier, mais elles n’ont jamais oublié ce jour de juillet 2019. « On se dit qu’on a croisé le mal sans le savoir. À l’époque, ce n’était qu’une dispute, aujourd’hui, c’est un meurtre. » Leurs mots résonnent comme une mise en garde : chaque éclat de violence, aussi “mineur” soit-il, mérite d’être pris au sérieux.

À la lumière de ces révélations, la vidéo du cabinet médical devient plus qu’une simple archive : un symbole tragique. Celui d’une société souvent démunie face à la folie ordinaire, où les gestes violents ne sont trop souvent considérés que comme des incidents isolés. Pourtant, dans le regard égaré de Dahbia B. ce jour-là, certains y voient déjà les prémices d’une tragédie que personne n’a su — ou voulu — prévenir.