Michel Onfray dénonce une “liste noire” du service public : simple théorie ou véritable censure médiatique ?

C’est une déclaration qui a provoqué un véritable séisme dans le paysage médiatique français. Invité de l’émission “Face à Michel Onfray”, diffusée samedi dernier sur CNews, le philosophe a jeté un pavé dans la mare en affirmant qu’il faisait partie d’une “liste noire” du service public. Selon lui, certains intellectuels ou chroniqueurs jugés trop critiques vis-à-vis du pouvoir en place seraient tout simplement bannis des antennes de France Télévisions et de Radio France, notamment France Inter.

Interrogé par Laurence Ferrari, Michel Onfray n’a pas mâché ses mots. Réagissant à des propos récents de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions — qui avait qualifié CNews de “chaîne d’opinion” et même de “chaîne d’extrême droite” —, le philosophe a dénoncé une absence totale de pluralisme dans l’audiovisuel public. Pour lui, cette orientation idéologique assumée prouve que le débat démocratique n’est plus garanti sur les antennes de l’État. “Le service public vole l’argent du contribuable”, a-t-il lâché, visiblement exaspéré par ce qu’il considère comme une confiscation du débat.

Mais ce qui a particulièrement retenu l’attention du public, c’est cette accusation de blacklistage. Michel Onfray a rappelé un épisode survenu en 2013, lorsque Patrick Cohen, alors journaliste vedette de France Inter, aurait évoqué l’existence d’une “liste noire” d’invités jugés indésirables à l’antenne. Selon Onfray, son nom y figurerait depuis cette époque. “Je n’ai plus été invité sur France Inter depuis dix ans”, affirme-t-il, y voyant la preuve irréfutable de son exclusion volontaire.

Ces propos ont immédiatement suscité un flot de réactions sur les réseaux sociaux. Certains internautes ont applaudi le philosophe, saluant son courage et dénonçant eux aussi un système médiatique verrouillé. D’autres, en revanche, l’accusent de victimisation et de manipulation. Pour eux, Michel Onfray cherche surtout à entretenir une posture d’intellectuel rebelle, exclu du système, afin de renforcer sa visibilité médiatique sur des chaînes jugées plus conservatrices.

Il faut dire que le fondateur de la revue Front Populaire n’a jamais hésité à prendre des positions à contre-courant. Défenseur d’une pensée libre, critique virulent de l’Union européenne, de l’idéologie “woke” et de certains aspects de la gauche intellectuelle, Michel Onfray dérange. Ses chroniques, souvent tranchantes, bousculent les certitudes. Et son ton, volontiers provocateur, ne plaît pas à tout le monde.

Mais faut-il pour autant parler de censure ? Le terme est fort, et les faits sont difficiles à vérifier. Aucune preuve tangible ne confirme l’existence officielle d’une “liste noire” dans les rédactions du service public. Cependant, il est indéniable que le monde médiatique fonctionne selon des équilibres politiques et économiques complexes. Certains invités sont privilégiés, d’autres écartés, non pas toujours par volonté politique, mais parfois simplement par conformisme éditorial ou peur de la controverse.

Ce qui est sûr, c’est que l’affaire met une nouvelle fois en lumière la question du pluralisme dans les médias. En France, le service public a pour mission de représenter la diversité des opinions, sans parti pris. Pourtant, de nombreux observateurs estiment que la ligne éditoriale de certaines antennes s’est nettement orientée vers une sensibilité progressiste. Michel Onfray, lui, voit dans cette évolution une forme de trahison intellectuelle. “On n’invite plus ceux qui dérangent, on n’écoute plus ceux qui pensent autrement”, déplore-t-il.

La séquence a été suivie par plus de 366 000 téléspectateurs en direct, propulsant CNews en tête des chaînes d’information et même cinquième chaîne nationale ce soir-là. Un succès d’audience qui montre à quel point le sujet passionne. Car derrière cette polémique se cache une inquiétude plus profonde : celle d’un espace médiatique où le débat contradictoire disparaît peu à peu, remplacé par des bulles idéologiques où chacun ne parle qu’à ceux qui pensent comme lui.

Les propos de Michel Onfray ne tombent donc pas dans le vide. Ils résonnent dans un contexte de méfiance généralisée envers les médias. Selon plusieurs études récentes, les Français sont de plus en plus nombreux à douter de l’impartialité de l’information. Les accusations de collusion entre les journalistes, les politiques et les grandes entreprises alimentent cette défiance. Dans ce climat tendu, le discours d’un intellectuel accusant le service public de partialité ne peut qu’enflammer les esprits.

Pour certains analystes, cette polémique illustre la fracture culturelle et politique qui traverse la société française. D’un côté, un camp progressiste, attaché à certaines valeurs humanistes et sociales ; de l’autre, une mouvance plus souverainiste et conservatrice, qui réclame le droit à une parole libre, sans filtre idéologique. Entre les deux, les médias deviennent le champ de bataille symbolique où se joue la légitimité du discours public.

Michel Onfray, en philosophe habitué à provoquer la réflexion, semble avoir pleinement conscience de ce rôle. En dénonçant cette “liste noire”, il ne cherche peut-être pas seulement à régler un compte personnel, mais à poser une question essentielle : qui décide aujourd’hui de ce qui peut être dit, et par qui ?

Au-delà du cas Onfray, cette affaire soulève donc un débat plus large sur la liberté d’expression et la diversité intellectuelle dans les médias français. Si la censure directe n’existe pas, l’autocensure, elle, s’installe souvent insidieusement. Et c’est sans doute là que réside le véritable danger : non pas dans un interdit formel, mais dans la peur de déplaire, dans la sélection implicite de la parole “acceptable”.

La polémique n’en est qu’à ses débuts. Mais une chose est sûre : en osant dénoncer publiquement ce qu’il considère comme un “système de censure”, Michel Onfray a relancé un débat fondamental sur le rôle du service public et la santé démocratique de nos médias. Qu’on partage ou non ses idées, on ne peut nier que sa parole, encore une fois, aura fait trembler les certitudes.