Maurane : la voix d’une vie, le silence d’un soir

Elle avait 57 ans. Claudine Luypaerts, que le public connaissait sous le nom de Maurane, a été retrouvée morte à son domicile de Schaerbeek, en Belgique, un soir de mai 2018. L’annonce de sa disparition a provoqué une onde de choc dans tout le pays, mais aussi bien au-delà des frontières. La chanteuse à la voix d’or, l’interprète de Toutes les mamas et Sur un prélude de Bach, venait de reprendre le chemin des studios et des répétitions. Elle s’apprêtait à remonter sur scène, après une longue période de convalescence. Rien ne laissait présager qu’elle s’éteindrait ainsi, seule, dans le silence de sa salle de bain.

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Sa fille, Lou Villafranca, a accepté, après des mois de pudeur, de revenir sur les circonstances exactes de la mort de sa mère. Son témoignage, empreint de douceur et de dignité, éclaire d’un jour nouveau les derniers instants de celle que tout le monde appelait tendrement Mo. Lou explique que sa mère souffrait depuis plusieurs années de graves douleurs dorsales. Ces maux, liés à une hernie et à des tensions accumulées par des années de scène, rendaient parfois les gestes les plus simples difficiles. Maurane se plaignait souvent d’avoir du mal à se lever, à marcher, ou même à respirer profondément sans douleur. Cette situation avait aussi des conséquences sur sa voix, cet instrument si précieux, qu’elle travaillait sans relâche depuis sa jeunesse.

Pour soulager ses souffrances, elle suivait un traitement médical à base d’infiltrations, prescrit par ses médecins. Ces interventions, bien que nécessaires, avaient aussi leurs effets secondaires. Lou raconte que sa mère se plaignait souvent de troubles digestifs, de fatigue et de nausées. Mais malgré ces désagréments, Maurane ne se plaignait jamais vraiment. Elle gardait son humour, sa lucidité et ce goût inaltérable pour la vie. Elle disait souvent à sa fille : « Tant que je peux chanter, je vis. »

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Le soir du drame, tout semblait pourtant aller pour le mieux. Maurane avait passé une journée calme, ponctuée de quelques appels et de messages échangés avec ses proches. Elle avait pris un bain, comme elle en avait l’habitude, pour détendre ses muscles douloureux. C’est là, dans ce moment de calme et d’intimité, que la crise cardiaque l’a frappée. Selon les premières constatations des secours, elle aurait tenté de sortir de la baignoire, mais son cœur s’est arrêté net. Elle n’a pas eu le temps d’appeler à l’aide. Ce soir-là, elle était seule chez elle. Et cette solitude lui a été fatale.

Quand on apprend la nouvelle, la Belgique s’arrête. Le monde de la chanson, lui, vacille. On pleure une artiste unique, une femme profondément humaine, une mère, une amie, une voix qui, depuis plus de trente ans, accompagnait les joies et les peines de tant de gens. Les hommages affluent. Les artistes, les journalistes, les anonymes : tous parlent d’une femme sincère, généreuse, drôle, parfois un peu bourrue, mais d’une authenticité rare.

L’enquête ouverte par le parquet de Bruxelles a rapidement permis d’écarter toute hypothèse criminelle ou volontaire. Les médecins légistes ont confirmé qu’il s’agissait bien d’une mort accidentelle due à une crise cardiaque foudroyante. Le dossier a été classé sans suite, mais les proches de Maurane, eux, ont dû apprendre à vivre avec ce vide immense.

Ce qui rend ce départ si bouleversant, c’est qu’il survient au moment même où Maurane semblait renaître. Après des mois de silence dus à ses problèmes de voix, elle venait d’annoncer son grand retour. Elle préparait un album hommage à Jacques Brel, son maître, son frère d’âme. Elle répétait depuis plusieurs jours à Bruxelles, et ses premiers essais avaient enthousiasmé les musiciens. Sa fille raconte qu’elle était « pleine d’énergie, heureuse, presque comme une adolescente avant un premier concert ». Le destin, cruel, a interrompu cet élan de renaissance.

Pour Lou Villafranca, la perte de sa mère a été un choc irréparable. Mais avec le temps, elle a appris à transformer sa douleur en tendresse. Elle dit souvent qu’elle sent encore la présence de Maurane, dans une chanson qui passe à la radio, dans une odeur de parfum, dans un rayon de lumière du matin. « Maman était lumière. Même quand elle doutait, elle rayonnait », confie-t-elle dans une interview.

Les fans, eux aussi, continuent de faire vivre son souvenir. Sur les réseaux, des milliers de messages lui rendent hommage chaque année. Des fleurs sont déposées devant sa maison de Schaerbeek, devenue un lieu de recueillement discret. Les radios belges et françaises diffusent encore ses plus grandes chansons, et chacune d’elles résonne comme un écho d’amour et de gratitude.

Car Maurane n’était pas seulement une chanteuse, elle était une confidente. Dans ses textes, elle parlait de la vie, de la maternité, de la solitude, de la tendresse, toujours avec justesse et émotion. Sa voix, capable de passer de la douceur à la puissance, de la mélancolie à la joie, avait cette magie rare de parler directement à l’âme.

Aujourd’hui encore, lorsqu’on écoute Sur un prélude de Bach ou L’un pour l’autre, on ne peut s’empêcher de ressentir une forme de présence. Maurane est là, invisible mais vivante, dans chaque note, chaque souffle. Sa disparition fut brutale, mais son héritage, lui, est éternel.

Elle est partie comme elle a vécu : simplement, sans mise en scène, sans éclat. Dans la discrétion d’un soir belge, dans la paix d’un bain chaud, son cœur s’est arrêté. Mais sa voix, elle, continue de battre dans celui des autres — ceux qui l’ont aimée, ceux qu’elle a consolés sans le savoir, et ceux qui, un jour, tomberont par hasard sur une de ses chansons et se sentiront un peu moins seuls.