Sylvie Vartan : Entre Lumière et Intimité, les Confidences d’une Légende

Sylvie Vartan, figure emblématique de la chanson française, se livre avec une authenticité désarmante dans les colonnes du magazine Point de Vue et à l’occasion de la sortie de son livre, « Dans la lumière » aux éditions XO. Souvent décrite comme pudique et réservée, elle révèle une personnalité complexe et riche, forgée par une carrière exceptionnelle et une vie personnelle hors du commun. À 80 ans, l’artiste aborde sans fard sa vision des hommes artistes, son rapport à la notoriété, son histoire avec Johnny Hallyday, et le rôle fondamental de sa famille dans sa construction.

L’Artiste et la Dualité : Masculin, Féminin et l’Exutoire de la Scène

La conversation s’ouvre sur une réflexion sur la nature des artistes. Lorsqu’il est suggéré que Johnny Hallyday avait un côté féminin, Sylvie Vartan nuance : « Tous les hommes artistes ont [un côté féminin], pas simplement Johnny, parce qu’il faut avoir des qualités masculines pour une femme quand on fait ce métier, et inversement des qualités féminines quand on est un homme. »

Tony Scotti & Sylvie Vartan

Cette observation éclaire sa perception des artistes : une certaine sensibilité, une émotivité exacerbée, des traits souvent associés au féminin, seraient nécessaires pour s’exprimer sur scène. Cependant, elle confie avec humour : « voir quelqu’un se poudrer le nez à 50 ans, moi je peux pas. » Une boutade qui révèle sa préférence pour une certaine forme de masculinité traditionnelle dans la vie quotidienne, même si elle reconnaît que les artistes partagent une même sensibilité qui les attire et les unit.

Sylvie Vartan se décrit elle-même comme « très double ». Sur scène, elle est « hardie, » sans aucune pudeur, capable de « faire n’importe quoi » si elle est dans un contexte de jeu où elle a un « alibi ». Cette capacité à se transformer, à laisser libre cours à une folie contrôlée, est un véritable exutoire pour elle.

Mais dans la vie de tous les jours, elle se définit comme « quelqu’un de pudique », car c’est ainsi que sa mère l’a élevée, lui montrant la voie. Ce contraste saisissant entre la femme publique et la femme intime est une clé pour comprendre sa personnalité. Le métier d’artiste, avec son contact permanent avec l’insouciance et la joie de l’enfance, est pour elle un « métier béni » qui lui permet de rester « enfant », un état qu’elle chérit et qu’elle considère comme « parfait ».

Une Vie sous les Projecteurs : Le Poids de la Notoriété et la Quête d’Intimité

Son livre, « Dans la lumière », revient sur une époque où la vie privée n’existait pas pour les personnalités publiques. Elle se souvient que leur ascension était une « vraie révolution sociale et culturelle », et que les jeunes s’identifiaient à eux. La musique était le véhicule de ce phénomène, propulsant des « gamins » à la une des journaux. Sylvie Vartan dénonce les histoires inventées et l’omniprésence des attachés de presse qui alimentaient cette machine médiatique, parfois à leur insu.

Sylvie Vartan et Tony Scotti : Abandonnés par leur fille ! - Public

Elle exprime le sentiment d’avoir eu son histoire « volée », en particulier son mariage avec Johnny, qui ressemblait à une « kermesse ». Avec le recul, elle décrit ces images comme étant d’une « violence extrême » : « ça faisait peur, il y avait des photographes cachés partout et c’est vrai que c’était terrible. Jamais aucune intimité. » Si elle reconnaît s’y être habituée, faute de pouvoir lutter, elle se souvient de ses premières fois aux États-Unis, où l’anonymat lui semblait « incroyable, le paradis en fait de ne pas être regardée, d’avoir cette possibilité d’être légère comme ça. »

Interrogée sur le fait d’être souvent associée à Johnny Hallyday (« Sylvie Johnny »), elle confie que cela ne l’énerve pas. Elle reconnaît l’existence de cette union médiatique et sentimentale : « Quand je regarde ces images, c’est vrai qu’on était comme deux enfants, on allait bien ensemble, on faisait le même métier. C’est vrai qu’on comprend bien pourquoi il y avait un engouement par rapport à notre couple. » Une acceptation sereine d’un passé qui a marqué l’imaginaire collectif.

La Quête du Compagnon Idéal et la Solitude de l’Artiste

Le livre met également en lumière sa rencontre avec Tony Scotti, décrite par son ami Bernard Ficot comme un moment où « la vie lui paraissait possible ». Sylvie Vartan explique ce sentiment par sa solitude persistante : « J’ai jamais été épaulée. Évidemment, j’ai ma famille, mais ma famille était en dehors de ce tourbillon. Mais il n’empêche que dans ma vie de femme, j’étais très seule, toujours très seule. » Elle rêvait d’un homme « parfait », protecteur, drôle, sensible – des qualités qu’elle a trouvées chez Tony Scotti, un homme qui est « comme ça ».

Le fait que Tony Scotti ne la connaissait pas comme une vedette française a été une « chance » immense pour elle, car être célèbre est un « grand handicap » : « Des hommes, et souvent les hommes assez intéressants, ne vont pas aller s’afficher avec quelqu’un de très connu. C’est vrai. » Elle a constaté que la célébrité fait fuir ceux qui recherchent une relation authentique, n’attirant souvent que ceux qui aiment les paillettes, les trophées, ou qui cherchent à se faire connaître. Forte de son expérience, elle a développé une « faculté de repérer les gens tels qu’ils sont », se comparant même à « Terminator » avec sa capacité à « scanner » les intentions.

À 35 ans, après sa séparation avec Johnny, elle confie avoir pensé que « la vie ne me paraît pas très prometteuse » sur le plan sentimental. Elle ne voyait pas quel homme elle pourrait rencontrer « à part mon double, c’est-à-dire un artiste traversé par les mêmes fêlures, les mêmes folies, et là merci, j’ai déjà donné. » Elle doutait de pouvoir trouver quelqu’un qui comprendrait son métier, ses émotions, ses besoins, si cette personne n’était pas issue du monde artistique.

Cependant, les hommes artistes présentaient, à ses yeux, un « côté trop féminin » pour elle, qui avait besoin d’être une « vraie femme », de se sentir protégée par une présence plus masculine. Elle recherchait un homme généreux, non égoïste et centré sur lui-même, des qualités qu’elle a trouvées chez Tony Scotti, même s’il a eu un passé artistique. Elle voit en lui « une exception » à la règle, quelqu’un de tellement particulier qu’il lui semblait « impossible » à trouver.

La Famille, Pilier et Source d’Équilibre

Le rôle de Johnny est également évoqué : il conservera toujours une « place à part » dans son cœur, mais il était « trop absent et plutôt un second enfant qu’un père ». Sylvie reconnaît avoir eu des « besoins maternels » qu’elle ignorait alors. Pour elle, Johnny est resté l’image de ses 20 ans. Elle ne le reconnaît plus dans l’homme qu’il est devenu, et ils n’échangent plus guère, chacun ayant pris des chemins différents.

Sa relation avec ses enfants est au centre de sa vie. Son fils, David, la décrit comme une « maman poule, très physique, très proche ». Elle confirme : « Je suis une maman lionne, j’ai besoin de serrer mes enfants, de les embrasser, de les cajoler. J’ai besoin de les avoir au téléphone, d’être avec eux. » Cette affection débordante est une force essentielle.

Les hommes de sa famille – son père et son frère – l’ont construite par leur amour. Mais c’est sa mère, une « femme exceptionnelle », qui lui a montré la voie, l’a guidée et la tenait. Sylvie Vartan avoue que sa mère ne savait pas les « trois quarts de ce [qu’elle] voyait et [ce qu’elle] pouvait rencontrer sur [son] chemin dans ce métier, » sinon elle aurait eu peur. C’est l’amour inconditionnel de ses parents qui l’a « vraiment tenue » pour ne pas « tomber dans des excès ravageurs », comme la drogue. Sa nature « folle » et « démesurée » a trouvé son exutoire sur scène, un véritable « soulagement ».

L’Adoption : Une Nouvelle Lumière

La disparition de sa mère, il y a peu de temps, a été une immense douleur, la plus grande qu’elle ait connue. Elle a dû « survivre à ça », et la musique a été une bouée de sauvetage. Elle a choisi de réenregistrer des classiques des années 60, un projet « léger et joyeux » qu’elle a pu réaliser à Los Angeles, près de sa mère, qui a eu le temps d’écouter l’album et l’a adoré. Cette initiative l’a « décontractée » et lui a « enlevé un peu de poids », lui offrant un regain de « légèreté et de lumière ».

Elle confie son besoin de la présence des enfants, ce qui l’a menée à l’adoption de sa petite fille bulgare il y a une dizaine d’années, alors que son fils était grand et parti. « J’avais besoin d’un enfant tous les jours, parce que quand je ne les voyais plus, j’étais complètement effondrée. Et puis, j’ai besoin de m’occuper de quelqu’un. » Sa fille est un « soleil » pour elle, une « grande source de joie et de bien-être ».

Le retour en Bulgarie en 1990, 40 ans après l’avoir quittée, a été un moment essentiel, mais aussi une « grande angoisse ». Elle n’a pas arrêté de pleurer pendant douze jours, tout comme David était « extrêmement bouleversé ». Ce voyage, au moment de l’effondrement du mur de Berlin, dans une Bulgarie « à genoux », lui a fait comprendre qu’elle était perçue comme un « symbole de la liberté » pour son peuple. Une expérience bouleversante mais aussi un « merveilleux souvenir » d’avoir pu revoir la maison de son enfance, aujourd’hui détruite.

Johnny Hallyday, ông ấy là gia đình của chúng tôi - Tuổi Trẻ Online

Ce retour a fait ressurgir des souvenirs de la fin de la guerre, du froid, des réquisitions. Enfant, elle lisait l’inquiétude dans les yeux de ses parents, savait qu’il ne fallait pas parler, ne pas dire qu’on voulait partir. Cette enfance grave et mature, vécue dans la peur, a ressurgi « comme un couteau » dans son cœur lors de ce voyage.

Pourtant, être une jeune maman, et en même temps grand-mère, l’apaise. « Tout calme, tout est un élément calmant et stabilisateur. Avoir des enfants, s’en occuper, les aimer, devoir faire les devoirs, même crier, c’est bon, c’est salutaire. » Elle qui aimait tant rester enfant, reconnaît qu’elle doit maintenant « grandir » depuis la disparition de ses parents, ce « luxe » d’être bébé n’étant plus.

La dernière « folie » de Sylvie Vartan, c’est de « repartir avec ces chansons, repartir dans cette époque », prouvant qu’elle ne peut jamais rester tranquille. Sa mère comprenait que sa vie était faite de tout, y compris une grande part de chansons et de scène.

En conclusion, Sylvie Vartan, pudique mais vraie, partage avec nous une vie d’artiste exceptionnelle, jalonnée de succès et de défis, mais toujours ancrée dans un profond besoin d’authenticité et d’amour familial.