Affaire Grégory : Le Colonel Étienne Sesmat Affirme « On Connaît l’Assassin » et Révèle les Coulisses d’une Enquête de 40 Ans

Quarante ans après l’un des crimes les plus marquants de l’histoire judiciaire française, le Colonel Étienne Sesmat, premier directeur de l’enquête sur l’affaire Grégory, revient sur ce dossier qui continue de hanter les mémoires. Le visage du petit garçon de 4 ans, découvert dans les eaux de la Vologne le 16 octobre 1984, est toujours gravé dans l’esprit du colonel, qui affirme aujourd’hui connaître l’identité de l’assassin. Son témoignage, empreint d’une mémoire vive et de conviction, jette un nouvel éclairage sur cette tragédie familiale et judiciaire.

La Macabre Découverte et le Sentiment de Sacrifice

Le Colonel Sesmat se souvient parfaitement du moment où il a été appelé, le 16 octobre 1984, pour la disparition d’un enfant dans la vallée de la Vologne. En arrivant sur place vers 20h30, la nouvelle tombe : Grégory a été retrouvé. Il pensait alors que l’histoire allait s’arrêter là, mais le pire était à venir.

Lorsque le corps de Grégory est retiré de l’eau, un détail le bouleverse profondément : l’enfant est attaché. Une corde enserre ses jambes et ses poignets, remontant autour de sa tête. Sous son bonnet baissé, le visage de Grégory est apaisé, comme s’il dormait. Pour Sesmat, le sentiment est immédiat : “Cet enfant, il est sacrifié, vraiment. J’ai l’image d’un enfant qu’on sacrifie sur un autel”. Un sacrifice à la haine et à la jalousie qui entouraient le père, Jean-Marie Villemin.

Le Profil de la Haine : Jean-Marie Villemin Cible des Corbeaux

L’enquête s’oriente rapidement vers l’entourage familial. Des “corbeaux” harcelaient la famille Villemin à Lépanges-sur-Vologne depuis plusieurs années. Des centaines d’appels téléphoniques et des lettres de menaces semaient la discorde, ciblant Jean-Marie Villemin. Le Colonel Sesmat explique que Jean-Marie, jeune contremaître ayant réussi par son mérite dans un milieu ouvrier, avait focalisé “toutes les jalousies qu’on pouvait avoir à l’égard de ce statut”.

Le jour même du meurtre, le “corbeau” a téléphoné pour prévenir de son acte et a même posté un courrier de revendication. Cette lettre, découverte le lendemain, est la “clé de voûte de l’affaire”. Elle expose clairement le mobile : “J’espère que tu mourras de chagrin le chef. Ce n’est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance, pauvre con. Tout est dedans”. La lettre, manuscrite, et l’appel téléphonique prouvent un “besoin irrépressible de revendiquer son geste”, malgré les risques énormes encourus. L’enfant a été dans l’eau entre 17h05 et 17h45.

Bernard Laroche : Un Assassin Désigné par la Justice

L'AFFAIRE GREGORY : UN BIEN TRISTE ANNIVERSAIRE - Le Pandore et la  Gendarmerie

Selon le Colonel Sesmat, l’assassinat de Grégory n’a pas pu être programmé à l’avance. Le meurtre est le fruit d’une “pulsion meurtrière”, d’une “folie incontrôlée”. Il est convaincu qu’une seule personne est responsable de l’enlèvement et du meurtre.

C’est là qu’intervient le nom de Bernard Laroche, cousin de Jean-Marie Villemin. Les experts en écriture l’ont identifié comme l’auteur des lettres du corbeau. De plus, le témoignage de Muriel Bolle, une jeune fille de 15 ans, vient le corroborer. Elle a raconté avoir été avec Bernard Laroche le jour de l’enlèvement de Grégory, l’avoir vu revenir seul après être descendu de voiture avec l’enfant. Bien qu’elle se soit rétractée par la suite, la justice a conclu en 1993 que “il existe à l’encontre de Bernard Laroche des charges très sérieuses d’avoir enlevé Grégory”. Cette position a été réaffirmée en 2017 par les magistrats de Dijon.

Des éléments troublants s’ajoutent au dossier : la découverte d’une cassette chez Bernard Laroche contenant une chanson, “Chef, un petit verre, on a soif”, qui était le premier message téléphonique du corbeau. Une seringue d’insuline, potentiellement utilisée pour rendre Grégory inconscient, a également été retrouvée et était compatible avec celles utilisées par un membre diabétique de la famille.

Les Erreurs Judiciaires et le Juge Lambert

Le Colonel Sesmat critique sévèrement la gestion de l’affaire par le juge Jean-Michel Lambert, qu’il qualifie de “petite anecdote” par rapport à l’affaire elle-même. Selon lui, si l’on n’avait pas eu la “malchance de tomber sur ce juge d’instruction”, l’affaire Grégory ne serait plus d’actualité. Lambert a commis d’énormes erreurs, qui ont mené à la “dérive” de l’instruction, ciblant Christine Villemin, la mère de Grégory, après la mort de Bernard Laroche.

Bernard Laroche a été abattu par Jean-Marie Villemin le 29 mars 1985. Cette mort a éteint l’action publique contre Laroche, obligeant la justice à “imaginer des complicités” pour continuer l’enquête. Le juge Lambert, lui-même, s’est suicidé en 2017, après avoir appris que les dossiers du juge Simon, qui avait repris l’enquête, allaient être révélés.

La Quête Inlassable de la Vérité par les Parents

Malgré les rebondissements, les erreurs et le temps qui passe, Jean-Marie et Christine Villemin continuent de se battre pour la vérité. Ils ont reconstruit leur vie, ont eu trois autres enfants et sont devenus grands-parents. Leur couple force l’admiration du Colonel Sesmat.

Le dossier n’est pas refermé. Il est toujours à l’instruction. La justice continue d’exploiter les progrès de la police technique et scientifique pour faire parler les éléments matériels. Le Colonel Sesmat estime que “si on a une approche non plus judiciaire mais plus historienne”, on pourrait “toucher cette vérité”. Il se bat pour Grégory et ses parents, souhaitant qu’on approche enfin de cette vérité qui fuit depuis si longtemps.