Affaire Lola : Jean-Michel Aphatie accusé d’exploiter le drame pour sauver son livre, la toile s’enflamme

Alors que la France retient son souffle à l’ouverture du procès de Dahbia B., la meurtrière présumée de la petite Lola Daviet, un drame qui a gravé au fer rouge la conscience nationale, une autre affaire, médiatique celle-ci, vient jeter une ombre sordide sur ce moment de recueillement et de quête de justice. Au centre de la controverse, un nom bien connu du paysage journalistique français : Jean-Michel Aphatie. Le journaliste est aujourd’hui au cœur d’une tempête dévastatrice, accusé par une opinion publique outrée d’instrumentaliser l’un des faits divers les plus tragiques de ces dernières années pour une raison d’un cynisme effrayant : tenter de sauver son dernier livre, un échec commercial retentissant, consacré à une de ses cibles favorites, Cyril Hanouna.

Le point de départ de ce scandale est un message publié sur X (anciennement Twitter) par Jean-Michel Aphatie lui-même. Au premier jour du procès, alors que la nation se replonge dans l’horreur du meurtre de cette enfant de 12 ans, le journaliste a cru bon de rappeler les origines de son pamphlet contre l’animateur de C8. Il explique que c’est la manière dont Cyril Hanouna a traité l’affaire Lola à l’antenne dans son émission “Touche pas à mon poste” (TPMP) qui l’aurait poussé à prendre la plume. À l’époque, Hanouna, emporté par l’émotion collective, avait tenu des propos d’une extrême virulence, réclamant une justice expéditive pour la coupable, sans procès ni avocat, et appelant à la perpétuité incompressible. Des déclarations qui avaient, à juste titre, suscité un débat sur le rôle d’un animateur de télévision face à une affaire judiciaire en cours et sur le respect de la présomption d’innocence.

Cependant, en choisissant ce moment précis pour relancer ce débat, Jean-Michel Aphatie a commis ce que beaucoup considèrent comme une faute morale impardonnable. Au lieu d’être perçu comme le gardien de l’éthique journalistique, il est apparu comme un opportuniste macabre, surfant sur la vague d’émotion nationale pour attirer l’attention non pas sur le procès de Lola, mais sur son propre produit éditorial. La ficelle est grosse, trop grosse pour ne pas être vue : son livre, décrit comme un “véritable bide” par ses détracteurs, qui peine à trouver son public malgré une promotion intense, se voit soudainement offrir une seconde vie sur le dos d’une enfant martyrisée.

La réaction de la toile ne s’est pas fait attendre. Des milliers d’internautes, de toutes opinions politiques, se sont déchaînés contre le journaliste, dénonçant une “récupération immonde”, une “indécence rare” et un “manque de respect total” pour la famille de la victime. Le message est clair : il y a des lignes à ne pas franchir, et celle de la dignité d’un enfant assassiné en fait partie. Le public, qui avait été profondément choqué par la sauvagerie du crime, l’est tout autant par ce qu’il perçoit comme la sauvagerie médiatique d’un homme prêt à tout pour vendre quelques exemplaires de plus. On ne peut s’empêcher de penser à la douleur des parents de Lola, contraints de voir le nom de leur fille associé non seulement à l’horreur de son meurtre, mais aussi à une querelle d’ego et à une stratégie marketing de bas étage.

Ce qui rend cette affaire encore plus troublante, c’est le paradoxe qu’elle soulève. Aphatie se pose en parangon de vertu, choqué par le “populisme” de Hanouna, tout en utilisant des méthodes qui relèvent elles-mêmes d’un populisme morbide. Il dénonce l’exploitation d’un fait divers par un animateur de divertissement, mais il fait exactement la même chose, avec un vernis intellectuel qui ne trompe personne. C’est l’hôpital qui se moque de la charité, mais dans une version particulièrement sinistre. La question n’est plus de savoir qui, de Hanouna ou d’Aphatie, a raison sur le fond. La question est de savoir comment des professionnels des médias peuvent à ce point perdre leur boussole morale au point de danser sur la tombe d’une enfant.

Le pire des populismes faisait irruption sur la scène publique" : Comment  le traitement de l'affaire Lola dans "TPMP" a poussé Jean-Michel Aphatie à  écrire son livre sur Cyril Hanouna

L’échec commercial du livre d’Aphatie est un élément clé pour comprendre l’indignation générale. Si l’ouvrage avait été un succès, sa démarche aurait pu, à la rigueur, être interprétée comme une tentative maladroite de poursuivre son combat idéologique. Mais dans le contexte d’un “flop” avéré, sa sortie ressemble à un acte de désespoir, une tentative pathétique de se raccrocher aux branches d’une actualité tragique pour ne pas sombrer dans l’indifférence. Il ne s’agit plus de journalisme, mais de survie commerciale, et les moyens employés sont jugés inacceptables.

Cette polémique révèle une fracture profonde dans le monde médiatique français. D’un côté, une télévision spectacle incarnée par Cyril Hanouna, qui répond à une demande du public pour une parole directe, parfois outrancière, mais perçue comme authentique. De l’autre, une élite journalistique traditionnelle, incarnée par Jean-Michel Aphatie, qui se sent dépossédée de son magistère moral et qui peine à comprendre les nouvelles dynamiques de l’information et de l’opinion. Dans cette guerre de légitimité, tous les coups semblent permis, y compris les plus bas.

Au final, les grands perdants de cette histoire sont la décence, le respect et, surtout, la mémoire de Lola. Son nom, qui devrait être synonyme de l’innocence bafouée et appeler au recueillement, est devenu un prétexte, un outil dans une guerre picrocholine entre deux figures médiatiques. Jean-Michel Aphatie, en voulant donner une leçon de morale, s’est pris les pieds dans le tapis de sa propre stratégie. Il a rappelé à la France entière que le cynisme n’a pas de camp et que l’exploitation de la misère humaine peut parfois se cacher derrière les plus beaux discours sur l’éthique. L’affaire Lola méritait mieux que cela. Elle méritait le silence, la dignité et la justice. Pas le bruit assourdissant d’une polémique vaine et indécente.