Bardella « pulvérise » Apolloline : Entre défense de Le Pen et offensive sur la laïcité, le coup de force du leader RN

Dans le théâtre médiatique et politique français, certaines interviews ressemblent moins à un échange qu’à un véritable combat de boxe. La récente confrontation entre Jordan Bardella, président du Rassemblement National, et la journaliste Apolloline de Malherbe, en est l’exemple parfait. Une vidéo, décortiquée par la chaîne L’IDR, capture un moment de tension extrême où le jeune leader, se sentant provoqué, déploie tout son arsenal rhétorique. Loin de se contenter de subir, Bardella “pulvérise” son interlocutrice sur deux terrains minés : la situation judiciaire de Marine Le Pen et l’éternelle question de la laïcité, ravivée par un incident à l’Assemblée Nationale.

Le premier round est sans doute le plus stratégique pour Bardella. Apolloline de Malherbe le pousse dans ses retranchements : serait-il un “candidat par défaut” à la présidentielle ? Une question habile, qui sous-entend que sa propre popularité, supérieure à celle de Marine Le Pen dans certains sondages, pourrait créer une ambition personnelle et un plan B pour le parti. Bardella sent le piège. Il refuse d’être qualifié de “second plan” et réaffirme, avec force, sa loyauté : “Notre candidate à l’élection présidentielle, elle s’appelle Marine Le Pen”.

Mais c’est sur la condamnation de cette dernière pour détournement de fonds publics que la tension monte d’un cran. La journaliste insiste : si Le Pen est “condamnée” mais “pas inéligible”, peut-elle encore porter les couleurs du RN ? La réponse de Bardella est une déflagration : “Oui ! Parce que cette condamnation est une condamnation politique !”. Il ne se contente pas de défendre l’innocence de sa mentor, il attaque frontalement l’institution judiciaire. Il dénonce une “décision politique”, citant une phrase du jugement qui, selon lui, prouve que l’inéligibilité provisoire a été prononcée spécifiquement “dans le cadre de sa candidature à l’élection présidentielle”. Il s’agit, selon ses termes, d’empêcher une candidate d’accéder à la magistrature suprême.

Jordan Bardella Recadré : Apolline de Malherbe Lui Reproche Son Manque  d'Idées - YouTube

L’analyse de L’IDR vient ici contrebalancer les propos du leader RN, rappelant que l’exécution provisoire est une mesure procédurale pour obtenir des effets concrets (un remboursement) et non une mesure de sûreté pour prévenir une récidive. L’IDR souligne même que l’empêchement de participer à une élection pourrait être considéré comme une “conséquence manifestement excessive”, offrant paradoxalement un argument juridique aux avocats de Le Pen. Mais sur le plateau, peu importe la subtilité juridique : Bardella a réussi son coup. Il a transformé une affaire judiciaire embarrassante en une persécution politique, soudant les rangs de ses partisans autour d’une cheffe “attaquée” par le “système”.

Le deuxième round de l’affrontement est tout aussi intense. Il éclate suite à un incident relayé par le député RN Julien Odoul : la présence de jeunes filles voilées dans les tribunes de l’Assemblée Nationale lors d’une sortie scolaire. L’image est floue, mais l’indignation est immense. La présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, s’est dite choquée, jugeant “inacceptable” le port de signes religieux ostensibles dans l’hémicycle et promettant que cela “ne se reproduira pas”.

Pour Jordan Bardella, c’est une occasion en or de déployer sa vision de la laïcité et de l’identité française. Sa réaction est immédiate et sans appel : “Une étape est toujours franchie quand on voit des gamines de 5 ans ou de 6 ans avec un voile islamique sur la tête. La France n’est pas une terre islamique”. Il ne s’agit plus de laïcité à l’école, où le voile est déjà interdit par la loi de 2004, mais de l’espace symbolique même du pouvoir républicain. Il n’hésite pas à parler de “projet politico-religieux” de la part des parents.

L’analyse de L’IDR précise que, selon la jurisprudence islamique, le port du voile n’est obligatoire qu’à partir de la puberté, et que cette pratique relève donc d’un choix familial et non d’une obligation religieuse pour une enfant. Mais Bardella n’est pas dans l’exégèse théologique. Il est sur le terrain politique.

Il profite de la réaction outrée d’Éric Coquerel (LFI), qui accuse la présidente de l’Assemblée de donner “raison à un média d’ultradroite” et de céder à une “vision raciste”, pour lancer une attaque dévastatrice contre La France Insoumise. “La France Insoumise devrait s’appeler la France Islamiste”, lance-t-il, accusant le parti de Mélenchon d’être “dans la roue des fondamentalistes islamistes” sur tous les sujets : “Le Burkini, ils sont pour. La Baya, ils sont pour. Le voile, ils trouvent ça formidable sur des gamines de 6 ans”. Il les qualifie d’antisémites et de “communautaristes” dont le projet est “d’accélérer l’islamisation de la société” pour “récolter les fruits électoraux”.

L’analyse de L’IDR apporte une précision juridique cruciale sur le règlement de l’Assemblée : contrairement au Sénat qui interdit explicitement “tout signe religieux ostentatoire”, le règlement de l’Assemblée est plus flou, parlant de “tenue correcte”. Le port de signes religieux n’est pas “en soi interdit” et dépend de l’appréciation du président de séance. Cette nuance juridique, cependant, est balayée par l’émotion politique.

Pourquoi cette séquence télé évoquant Jordan Bardella ulcère à ce point le  Rassemblement National

L’interview se conclut sur la question des “brebis galeuses” et de la violence d’ultradroite, qu’Apolloline de Malherbe tente de lier à la “décomplexion” du discours du RN. Bardella pare le coup avec fermeté. Il condamne les faits, rappelle que les militants en question ne sont pas au RN et promet, s’il arrive au pouvoir, de dissoudre “sans exception tous les groupuscules d’ultra gauche et d’ultra droite”.

Cet échange montre un Jordan Bardella en pleine maîtrise de sa communication. Face à ce qu’il perçoit comme de la “propagande anti-RN”, il ne se défend pas : il attaque. Il transforme les accusations en tribune politique, renforçant sa posture de défenseur d’une France assiégée, que ce soit par la justice, le fondamentalisme religieux ou les “antifas”. Qu’on adhère ou qu’on rejette, la stratégie est d’une efficacité redoutable.