LA FRANCE INGOUVERNABLE ? CE QUE LE MONDE PENSE DU CHAOS POLITIQUE FRANÇAIS

La scène politique française, déjà tumultueuse, a de nouveau plongé le pays dans une incertitude abyssale, laissant le monde entier perplexe. Après une dissolution surprise annoncée par Emmanuel Macron, des démissions fracassantes, et la formation d’un gouvernement éphémère qui n’a duré que 15 heures, la France se retrouve une nouvelle fois au bord du gouffre politique. Ce “feuilleton” incessant, marqué par des cartes politiques rebattues et des motions de censure qui tombent, ne fait pas seulement les gros titres ; il suscite une inquiétude profonde bien au-delà de nos frontières. La question qui revient sur toutes les lèvres, de Berlin à Washington, est la même : peut-on encore compter sur la France et son président, de plus en plus jugé imprévisible et isolé ?

La rentrée politique a été, comme le décrit un observateur, “tristement historique”. Les Français sont de nouveau descendus dans la rue, les mouvements sociaux s’intensifient, et la valse des ministres n’apporte aucune stabilité. François Bayrou et Sébastien Lecornu, figures de la majorité, ont démissionné avant de revenir, soulignant la fragilité de l’exécutif. Au même moment, la condamnation d’un ancien président de la République à une peine de prison ajoute une couche de scandale à ce tableau déjà sombre, contribuant à cette image d’une France “loin, très loin de rayonner par sa stabilité politique”.

Le regard de l’Allemagne : de la fascination à l’inquiétude

L’Allemagne, traditionnellement un partenaire privilégié et un allié crucial, observe la situation française avec une inquiétude croissante. Si, il y a quelques mois encore, la perplexité dominait, c’est désormais un sentiment de véritable angoisse qui prévaut. L’Allemagne elle-même traverse une période économique difficile et a un besoin impérieux d’une France stable et solide. La stabilité est une véritable obsession pour nos voisins d’outre-Rhin, et les événements actuels en France sont tout le contraire. Les Allemands sont “perdus” et se demandent si le système politique français peut encore tenir “avec des gouvernements qui durent trois mois”. Certains politiques, sous couvert d’anonymat, confient même qu’ils pourraient “faire avec” l’extrême droite si cela garantissait une certaine stabilité, un aveu glaçant de la profondeur du désarroi.

Le Royaume-Uni : un sentiment de familiarité et de supériorité ?

Au Royaume-Uni, qui a connu son propre lot de crises politiques post-Brexit, la situation française est perçue avec un mélange de curiosité et, peut-être, d’une pointe de satisfaction. Le quotidien The Guardian a récemment qualifié la situation française de “permacrise”, une crise permanente, ce qui résonne étrangement avec l’expérience britannique des changements fréquents de Premiers ministres. D’un côté, les Britanniques pourraient se sentir un peu plus stables chez eux, observant que “les tables ont tourné” comme on dit en anglais. Mais d’un autre, l’instabilité de la France, leur “plus proche voisin européen” depuis le Brexit, crée des remous et des doutes sur les marchés, ce qui n’est pas sans déplaire à l’Irlande notamment. Les partenariats commerciaux et politiques avec la France se sont multipliés depuis le Brexit, et toute instabilité à Paris se traduit par une instabilité pour Dublin.

Les États-Unis : un désordre révélateur du “malaise européen”

Aux États-Unis, la politique française est suivie, mais de manière “irrégulière et superficielle”. Le rythme effréné de l’actualité imposé par la Maison Blanche et la saturation de l’espace médiatique rendent difficile une analyse approfondie. Ce qui retient l’attention des médias et du grand public américain, ce sont surtout les “signes de désordre” : les gouvernements qui tombent, les manifestations massives (un phénomène moins courant aux États-Unis), et les “grosses divisions internes”. Ces événements sont souvent interprétés comme des révélateurs d’un “malaise européen” plus large, fréquemment utilisé par les médias conservateurs pour vanter le “grand leadership américain” et souligner la “fatigue” du Vieux Continent, où la démocratie est “un peu compliquée” et la stabilité “fragile”.

Le Canada et la Belgique : la quête de sens face à l’incompréhension

Au Canada, le manque de contexte est criant. Les observateurs canadiens peinent à comprendre les enjeux budgétaires et de la dette française, se perdant dans le jargon politique et judiciaire français. Les changements de Premiers ministres sont notés, mais les raisons profondes du chaos restent obscures. La France est perçue comme un pays “bloqué au niveau politique”, “très divisé”, dont la “politique, c’est un peu le chaos, ça part dans tous les sens”.

En Belgique, pays habitué à la culture du compromis avec des gouvernements de coalition réunissant jusqu’à cinq partis, la situation française est vue avec étonnement. L’idée d’un gouvernement minoritaire ou la difficulté à former une coalition durable semble “impossible” dans le contexte belge. La Belgique a l’habitude de gérer des périodes sans gouvernement, mais la situation française est perçue comme un manque de volonté de dialoguer et de construire un consensus.

Emmanuel Macron : du “Golden Boy” au président “imprévisible et isolé”

La perception d’Emmanuel Macron à l’étranger a radicalement changé. En 2017, il était le “Golden Boy européen”, le “dernier défenseur de la démocratie libérale” aux yeux du New York Times, l’”anti-Trump européen” pour le Washington Post. Sa posture pro-européenne et son profil centriste libéral séduisaient, notamment en Allemagne où sa cote de popularité était au sommet.

Mais cette fascination s’est érodée, remplacée par de “l’usure” et de “l’incompréhension”. La dissolution de l’Assemblée nationale, il y a un an, a été un point de rupture, soulevant des interrogations sur le “jeu dangereux” du président et le risque d’amener l’extrême droite au pouvoir. Aujourd’hui, il est perçu comme “imprévisible”, “isolé”, pratiquant le pouvoir de manière “monarchique”. Des chroniques le décrivent comme un “énième dirigeant narcissique” plaçant ses intérêts personnels avant ceux de la démocratie, le comparant même à Donald Trump. L’image du “président respecté à l’étranger mais contesté à la maison” est de plus en plus prégnante. Son pari de faire barrage à l’extrême droite semble avoir échoué, son image s’étant “totalement démonétisée”.

La montée de l’extrême droite : un phénomène européen

La montée de l’extrême droite en France, et plus largement en Europe, est un sujet d’observation et d’inquiétude pour de nombreux pays. Aux États-Unis, les médias conservateurs comme Newsmax ou One America Network y voient une confirmation des dynamiques populistes observées outre-Atlantique avec le retour de Trump. Au Canada, on observe l’Europe avec une “loupe” pour éviter de “tomber là-dedans”. En Irlande, l’idée qu’un pays voisin puisse voir l’extrême droite arriver au gouvernement fait “un peu peur”.

La condamnation de Nicolas Sarkozy, bien que perçue comme une preuve du “cran de la justice française”, a également nourri ce sentiment de désordre. Les médias ont amplement relayé les accusations de “chasse aux sorcières politiques”, faisant écho au vocabulaire de Donald Trump et alimentant un débat plus large sur la responsabilité des dirigeants et l’état de droit.

Un carrefour européen

Les problèmes auxquels la France est confrontée ne sont pas uniques. La difficulté à former un gouvernement stable, la montée de l’extrême droite sont des phénomènes qui traversent toute l’Europe. Cependant, ce qui semble spécifiquement français, c’est la tendance à croire à sa propre spécificité. La France et l’Allemagne, traditionnellement les “deux leaders européens”, se trouvent aujourd’hui dans une position de faiblesse. Si la France vacille et l’Allemagne est empêtrée économiquement, c’est tout le continent qui devient “le ventre mou du monde” face à des puissances comme les États-Unis de Trump, la Chine, la Russie ou l’Inde.

L’instabilité politique française a des répercussions concrètes : elle affaiblit la voix de la France au Conseil des ministres européens, réduisant sa capacité à porter des positions fortes et de “sagesse”. Face à un Donald Trump qui privilégie les “résultats escomptés” au détriment des “bêtises idéologiques”, la “promesse française” sur la scène internationale est remise en question.

La France est à un tournant critique. Le monde observe, s’interroge, s’inquiète. La capacité du pays à retrouver une stabilité, à dépasser ses divisions et à définir une voie claire est essentielle non seulement pour son propre avenir, mais aussi pour le rôle qu’elle entend jouer dans un ordre mondial en pleine mutation.