Le face-à-face secret de Robert Badinter avec la guillotine : quatre clichés inédits qui racontent l’abolition de la peine de mort

Robert Badinter, alors garde des sceaux, devant une guillotine, à la prison de Fresnes (Val-de-Marne), après l’abolition de la peine de mort, à l’automne 1981.

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A l’automne 1981, quelques semaines après la promulgation de la loi sur l’abolition de la peine capitale, le garde des sceaux se rend à la prison de Fresnes, en banlieue parisienne, pour voir une des dernières guillotines. Un moment immortalisé par l’un de ses collaborateurs, qui rend ces photos publiques aujourd’hui.

Elles sont quatre. Quatre photos qui pourraient symboliser l’abolition de la peine de mort en France. Elles réunissent en une séquence – inédite – la guillotine et l’homme qui l’a définitivement mise au rebut, le 9 octobre 1981. C’est la première fois qu’elles sont publiées. Elles dormaient depuis près de quarante-quatre ans dans une commode en bois.

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L’auteur de ces photos secrètes, c’est Mᵉ François Binet. Au début des années 1970, il était collaborateur au cabinet d’avocats de Robert Badinter et Jean-Denis Bredin. Puis il a arpenté avec le premier les cours d’assises pour éviter la guillotine à six hommes, entre 1977 et 1980. A Binet, l’analyse des dossiers, la préparation des procès, le travail de l’ombre ; à Badinter, les plaidoiries exaltées et le combat médiatique pour l’abolition. Leur amitié s’est nouée dans ces moments de fièvre judiciaire, marquée par l’hostilité parfois physique d’une opinion publique chauffée à blanc, et encore majoritairement favorable à la peine de mort.

Aujourd’hui, François Binet a 79 ans. La silhouette de l’avocat s’est arrondie et voûtée, mais la passion reste intacte quand il évoque ces années de lutte aux côtés de son mentor, « un second père ». Il reçoit dans son appartement de la banlieue parisienne orné de sculptures de déesses grecques et d’illustrations de Mucha. « Le temps est venu de les publier », estime-t-il, le regard porté sur ses photos : « Les gens doivent connaître la gravité de cette visite à la guillotine et l’horreur qu’elle était. La panthéonisation de Robert Badinter est le bon moment. »