L’humoriste René-Marc Guedj raconte sur YouTube sa fin de vie

René-Marc Guedj, humoriste et figure du monde du spectacle français, a bouleversé le public en partageant, sur YouTube, les derniers mois de sa vie. Atteint d’un cancer incurable, il raconte avec authenticité et lucidité son parcours, ses combats, ses joies et ses doutes, offrant un témoignage rare sur la fin de vie, la maladie et la quête de sens. À travers ses vidéos, il touche un public bien au-delà du cercle des amateurs d’humour, devenant, malgré lui, une voix porteuse d’espoir et d’humanité.

Un parcours atypique, entre passion et résilience

René-Marc Guedj naît le 29 mai 1963 dans le sud de la France, près d’Avignon. Il grandit dans une famille modeste, avec une mère au foyer et un père facteur, qui cumule plusieurs emplois pour subvenir aux besoins du foyer. Très tôt, René-Marc se distingue par son tempérament de clown : il aime faire rire, attirer l’attention, et rêve de devenir artiste. À sept ans, lors d’un spectacle scolaire, il reçoit ses premiers applaudissements, une révélation qui scellera sa vocation.

Pourtant, son choix de carrière n’est pas compris par son père, qui voit dans le métier d’artiste une voie d’instabilité et de précarité. Dès l’adolescence, le conflit s’installe, mais René-Marc ne renonce pas à ses rêves. À 15 ans, il intègre une troupe professionnelle à Avignon, puis, à 18 ans, il monte à Paris, bien décidé à se faire une place dans le monde du spectacle. Par pragmatisme, il suit le conseil paternel et passe le concours de facteur, ce qui lui permet de financer ses cours de théâtre et de vivre décemment dans la capitale.

Dans les années 1980, Paris est un vivier d’humoristes et de cafés-théâtres. René-Marc y fait ses armes, dirige rapidement des scènes ouvertes, et devient, avant ses 30 ans, directeur artistique du mythique Point Virgule. Il côtoie et accompagne la montée en puissance de grands noms comme Jean-Marie Bigard, Muriel Robin, Pierre Palmade ou Chantal Ladesou. Si sa propre carrière ne décolle pas auprès du grand public, il s’épanouit en aidant d’autres artistes à émerger, tout en cherchant, au fond, la reconnaissance d’un père qui ne viendra jamais.

La maladie, la chute et la reconstruction

À 40 ans, René-Marc perd sa mère d’un cancer. Dix ans plus tard, c’est à son tour d’être frappé : on lui diagnostique un cancer de la gorge. Opéré, il subit ensuite une longue convalescence, ponctuée d’une tentative de suicide, révélant la profondeur de ses blessures intérieures. Il s’interroge alors sur les causes de sa maladie, cherchant une explication dans le manque de reconnaissance et la frustration de voir les autres réussir.

Pendant quatre ans, il s’éloigne de la scène, se reconstruit, divorce, vend son appartement, et entame un travail d’introspection pour guérir ses blessures. À 50 ans, il revient dans le milieu de l’humour, non plus comme comédien, mais comme accompagnateur d’artistes. Il fonde le concours Candidator, puis, en 2016, la première école d’humour en France, une formation professionnelle permettant aux jeunes talents de développer leur art et leur personnalité.

Une rechute brutale et le choix de la dignité

En 2022, à 59 ans, le cancer revient, cette fois sous forme de métastases. Après neuf mois de traitements lourds, il parvient à vaincre la maladie une seconde fois, mais la rémission est de courte durée. Six mois plus tard, le cancer réapparaît, cette fois sous une forme généralisée et incurable. Le 7 mai 2024, les médecins lui annoncent qu’il ne lui reste plus que quelques mois à vivre.

René-Marc fait alors le choix difficile d’arrêter la chimiothérapie, dont il ne supporte plus les effets secondaires. Il préfère privilégier la qualité de ses derniers instants, entouré de ses proches et de ses élèves. Le lendemain, il décide de commencer un journal vidéo sur YouTube, baptisé « René-Marc fin de vie », dans lequel il partage, jour après jour, ses réflexions, ses peurs, ses espoirs et ses moments de bonheur.

Un témoignage bouleversant, entre humour et authenticité

Ce journal de bord devient rapidement un rendez-vous incontournable pour des milliers d’internautes. La première vidéo cumule plus de 250 000 vues. René-Marc y apparaît sans fard, authentique, parfois affaibli, mais toujours animé par la volonté de transmettre quelque chose. Il raconte la progression de la maladie, les soins palliatifs, la morphine, mais aussi les petits bonheurs du quotidien, les échanges avec ses proches, et le soutien de sa compagne, véritable pilier dans cette épreuve.

Ce qui frappe dans ses vidéos, c’est la sincérité du propos. Pour la première fois, il ne joue pas un rôle, il ne se cache pas derrière l’humour. Cette authenticité touche un large public, notamment de nombreux jeunes, qui trouvent dans ses paroles une forme de réconfort face à leurs propres doutes. René-Marc reçoit des centaines de messages, auxquels il tente de répondre, conscient de l’impact de son témoignage.

Préparer la suite, transmettre, aimer

Malgré la maladie, René-Marc reste actif : il continue à donner des cours bénévolement dans son école, organise la transmission de son projet à une nouvelle équipe, et prépare l’avenir de ses enfants en réglant tous les aspects matériels de sa succession. Il parle aussi du rôle crucial de sa compagne, aidante, qui l’accompagne avec un dévouement sans faille.

Face à l’imminence de la mort, il décide d’épouser sa compagne, réunissant famille et amis pour une cérémonie pleine d’émotion et de joie, où l’humour n’est jamais loin. Il évoque aussi les pardons à donner et à recevoir, pour partir en paix, apaisé, prêt à affronter l’inconnu avec sérénité.

Un héritage d’humanité

À travers ses vidéos, René-Marc Guedj laisse un témoignage rare sur la fin de vie, l’acceptation, le courage et la transmission. Il offre une leçon d’humanité, rappelant que, même face à la mort, il est possible de rire, d’aimer et de partager. Son parcours, marqué par la résilience et la générosité, inspire et questionne sur le sens de la vie, la place de l’artiste et le regard que l’on porte sur la maladie.

Alors que ses jours sont comptés, René-Marc a trouvé, dans ce dernier acte, une forme de reconnaissance et de paix intérieure, touchant au cœur tous ceux qui croisent son chemin, sur scène comme à travers l’écran. Un dernier rire, émouvant et sincère, qui résonnera longtemps dans la mémoire de ceux qui l’ont suivi.