Macron contre l’info : Enquête sur la guerre secrète de l’Élysée contre la presse

Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir en 2017, une musique de fond s’est installée, celle d’une démocratie fatiguée où le contre-pouvoir journalistique n’est plus un partenaire critique, mais un adversaire à maîtriser. Une enquête récente, refusée par les grandes chaînes, lève le voile sur ce qui s’apparente à une “domestication” méthodique des médias. Loin d’être une simple crispation, il s’agit d’une stratégie sur plusieurs fronts : une communication verrouillée, des intimidations judiciaires, un arsenal législatif liberticide et une concentration sans précédent des médias entre les mains d’alliés du pouvoir. Cette offensive ne vise pas seulement les journalistes ; elle cible le droit de savoir de chaque citoyen.
Le premier acte de cette pièce s’est joué non pas dans les salles de rédaction, mais sur papier glacé. Dès 2017, Emmanuel et Brigitte Macron ouvrent les portes de l’Élysée à Michèle “Mimi” Marchand, la reine de la presse people, au passé judiciaire chargé. Son agence, Bestimage, gère la communication du couple présidentiel, brouillant la frontière entre information et opération de séduction. L’exemple le plus tristement célèbre reste la visite des Trump à Paris. L’agence de “Mimi” aurait délibérément retardé la diffusion des photos officielles aux autres agences, le temps de “retoucher les images” pour, selon un témoin, que Brigitte Macron “paraisse avoir 40 ans”.

Ce contrôle de l’image, relevant de la pure communication, s’accompagne d’un mépris affiché pour le journalisme politique. Emmanuel Macron, qui aurait toujours considéré les journalistes comme de simples employés aux ordres des propriétaires de médias, préfère court-circuiter le débat. Il instaure une “distance légitime”, éjectant symboliquement la salle de presse hors des murs de l’Élysée. Pire, il privilégie la presse “amie” lors des voyages officiels. L’épisode du Taj Mahal en 2018 est caricatural : une visite “privée” où la presse politique est tenue à l’écart, mais à laquelle participent TF1, Paris Match et l’agence Bestimage. Lorsqu’une journaliste de Quotidien ose l’interroger sur cette définition du “privé”, Macron répond par une leçon de morale glaciale, fustigeant la “frustration” et la futilité de la question. Le message est clair : le président choisit ses interlocuteurs, et préfère de loin ses propres chaînes YouTube ou les vidéos de McFly et Carlito pour s’adresser directement au peuple, sans filtre, sans contradiction.
Mais la communication maîtrisée ne suffit pas. Quand un scandale imprévu éclate, la machine s’emballe. L’affaire Benalla, en juillet 2018, est un tournant majeur. La vidéo de cet homme, déguisé en policier et frappant des manifestants, n’est pas qu’un dérapage. C’est la révélation d’un système. L’Élysée ment. Le porte-parole affirme qu’Alexandre Benalla a été sanctionné et “démis de ses fonctions”. Le Monde prouve le contraire, photos à l’appui : Benalla est toujours au cœur du dispositif de sécurité présidentiel. On découvre alors ses privilèges exorbitants : passeport diplomatique, port d’armes, accès à l’Assemblée.
L’affaire révèle aussi la brutalité de l’entourage présidentiel envers la presse. Des journalistes de BFM TV, un photographe à Marseille : tous décrivent les menaces et les intimidations de Benalla. La réponse de Macron à ce scandale d’État ? Une posture de défi : “S’ils veulent un responsable, il est devant vous. Qu’ils viennent le chercher !”. La provocation remplace la responsabilité. Et la vengeance s’organise. Ariane Chemin, la journaliste du Monde qui a révélé l’affaire, est convoquée par la DGSI, le service de contre-espionnage. On la reçoit dans un sous-sol gris, sous des néons, “une paire de menottes qui pendouillent”. Le but : l’intimider, lui faire peur, et surtout, violer le secret de ses sources. Le message est d’une violence inouïe : une journaliste d’investigation est traitée comme une menace pour la sûreté de l’État.
Ce qui est arrivé à Ariane Chemin n’est pas un acte isolé. C’est devenu un mode opératoire pour étouffer les “mensonges d’État”. L’affaire des ventes d’armes au Yémen en est la preuve la plus accablante. Pendant des mois, le gouvernement, par la voix de la ministre des Armées Florence Parly, jure que les armes vendues à l’Arabie Saoudite et aux Émirats Arabes Unis sont “strictement encadrées” et ne sont pas utilisées contre les civils. Même après l’assassinat de Jamal Khashoggi, Macron balaie l’idée d’un arrêt des ventes, qualifiant cela de “pure démagogie”.
C’est alors que Valentine Auberty, la même journaliste de Quotidien éconduite au Taj Mahal, obtient une note “confidentiel défense”. Le document est explosif. Il prouve que, contrairement au discours officiel, près de 430 000 civils yéménites vivent sous la menace directe des canons Caesar et des chars Leclerc vendus par la France. C’est un mensonge d’État. Lorsqu’elle tente de confronter la ministre, les services de cette dernière paniquent. La suite est édifiante : son sujet est censuré par sa propre production, Quotidien, sous la pression du ministère. Et, comme Ariane Chemin, Valentine Auberty est convoquée par la DGSI. L’enquête, finalement publiée par le média indépendant Disclose, entraînera la convocation de huit autres journalistes.
L’escalade atteint son paroxysme avec l’affaire “Sirli”. En 2021, Disclose révèle que des renseignements aériens français, censés aider l’Égypte à lutter contre le terrorisme, sont en fait détournés par le régime du maréchal Sissi pour bombarder et tuer de simples trafiquants civils. Le ministère porte plainte. La journaliste à l’origine du scoop, Ariane Lavrilleux, subit alors une descente de la DGSI à son domicile marseillais. Dix heures de perquisition. Elle est ensuite placée en garde à vue pendant 39 heures. Elle décrira des conditions destinées à la briser : “il fait très froid”, “sans médicaments”, “sans avoir accès aux toilettes”. L’objectif est clair : la faire “passer à table” et livrer ses sources. Pour avoir fait son métier, elle risque cinq ans de prison. L’appareil antiterroriste de l’État est entièrement mobilisé pour chasser les sources d’une journaliste.
Parallèlement à ces intimidations ciblées, le pouvoir tisse sa toile législative pour étouffer l’information à la source. Dès 2018, la loi sur le “Secret des Affaires” est adoptée. Sous couvert de protéger les entreprises, elle offre aux multinationales une arme de dissuasion massive contre la presse. Révéler une évasion fiscale, un scandale sanitaire ? C’est s’exposer à des millions d’euros de poursuites. C’est une loi “liberticide” qui menace de tuer dans l’œuf les futures “Panama Papers”.
En 2020, Gérald Darmanin lance l’offensive de la loi “Sécurité Globale”. Son article 24, tristement célèbre, vise à interdire de filmer et de diffuser “l’image” des policiers. Une réponse directe à la révolte des Gilets Jaunes, où les vidéos de violences policières, souvent filmées par des citoyens et des reporters indépendants, ont fait le tour du monde. Le texte sera finalement censuré par le Conseil constitutionnel, mais l’intention est posée.
L’assaut ne s’arrête pas là. En 2023, le gouvernement tente d’autoriser la police à activer à distance les micros et caméras de nos téléphones portables, y compris ceux des journalistes. Une mesure de surveillance totale, digne d’un État autoritaire, qui sera là aussi (partiellement) invalidée. Mais peu importe : la DGSI a-t-elle attendu ces lois pour géolocaliser et pister Ariane Lavrilleux “avec les moyens de la lutte antiterroriste” ? La réponse est non.
Ce tableau ne serait pas complet sans l’élément final, le plus structurel : la concentration des médias. Aujourd’hui, 90% des grands médias privés en France sont contrôlés par une poignée de milliardaires : Bernard Arnault, Vincent Bolloré, Rodolphe Saadé, Xavier Niel. Des hommes d’affaires aux intérêts colossaux, souvent proches du président. Les journalistes sont pris dans un “étau” : d’un côté, la pression du pouvoir et de ses services de renseignement ; de l’autre, celle de leurs propres actionnaires. C’est une conjonction d’intérêts, un “accord tacite” où le pouvoir politique laisse faire, voire accompagne, cette concentration qui tue le pluralisme.
L’objectif est idéologique. En commission sénatoriale, Bernard Arnault l’admet sans fard : il ne financera pas un journal qui défend “l’économie marxiste”. La ligne est claire. Pour s’assurer que l’avenir soit conforme, ces mêmes milliardaires, Arnault, Saadé et Bolloré, rachètent désormais les écoles de journalisme. L’objectif : former une génération de journalistes “compatibles avec l’ultralibéralisme”, qui ne poseront pas de questions dérangeantes.
Face à ce rouleau compresseur, une bonne nouvelle est venue éclairer la pénombre. Le 17 janvier 2025, la justice a refusé de mettre en examen Ariane Lavrilleux, reconnaissant “l’intérêt public des informations révélées”. Une victoire immense pour elle et pour la presse. Mais, comme elle le dit elle-même, “ce n’est pas du tout la fin de la bataille”. La menace est systémique.
Ce qui se joue, ce n’est pas une simple querelle entre l’Élysée et des journalistes. C’est la survie de notre “droit de savoir”. Car sans une presse libre, capable d’enquêter sur les mensonges d’État, les crimes de guerre ou les collusions d’intérêts, il n’y a plus de citoyen éclairé. Et sans citoyen éclairé, c’est la démocratie elle-même qui est menacée.
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