Le bébé disparu après le meurtre de ses parents retrouvé vivant après 41 ans / Holly Marie Clouse.

Le mystère des “Harris County Does”

12 janvier 1981. Dans le comté de Harris, au Texas, un promeneur et son chien font une découverte macabre. L’animal revient la gueule pleine… d’un bras humain. Quelques minutes plus tard, les enquêteurs exhument deux corps en décomposition avancée : un homme et une femme, assassinés. Aucun papier d’identité. Aucune trace d’arme. Juste une scène de crime sordide au milieu d’un marécage.

Les autorités leur donnent un nom de substitution : les Harris County Does, deux inconnus de plus dans la longue liste des “John et Jane Doe” américains. La femme a été bâillonnée et étranglée, l’homme battu à mort. Deux jeunes adultes, probablement amoureux. Enterrés côte à côte, oubliés de tous.

Personne ne le sait encore, mais ce couple n’était pas seul. Quelque part, un bébé d’à peine un an venait aussi de disparaître.

Un cold case vieux de 41 ans

Pendant trente ans, le silence. Puis, en 2011, un frisson d’espoir. Grâce à une subvention du National Institute of Justice, les corps sont exhumés. Des échantillons d’ADN sont prélevés, comparés, analysés. Rien. Le mystère reste entier.

Neuf ans plus tard, en 2020, deux généalogistes passionnées reprennent le dossier : Misty Gillis et Allison Peacock. Armées de bases de données génétiques comme Ancestry ou GEDmatch, elles croisent des milliers de profils. Un jour, une correspondance apparaît : le John Doe aurait des liens avec une famille du Kentucky, les Clouse.

La famille, stupéfaite, confirme : Harold Dean Clouse, 21 ans, a disparu avec sa jeune épouse Tina, 18 ans, en 1980. L’analyse ADN ne laisse aucun doute : les “Harris County Does” ont enfin un nom, un visage, une histoire.

Mais la révélation ne s’arrête pas là. En retraçant leur passé, Misty découvre une question restée sans réponse : “Et leur bébé ?”

Le mystère du bébé disparu

Harold et Tina avaient une fille : Holly Marie Clouse, née le 24 janvier 1980. Lorsqu’ils ont été tués, elle n’avait qu’un an.
Alors où est-elle passée ?

Les enquêteurs plongent dans le passé du couple. Originaires de Floride, ils avaient déménagé au Texas à la recherche d’un avenir meilleur. Harold, ébéniste talentueux, venait de décrocher un emploi stable. Ils vivaient paisiblement dans la banlieue de Lewisville.\

Jusqu’à ce qu’un jour d’octobre 1980, plus aucune nouvelle. Les lettres cessent. Les appels restent sans réponse. Des mois plus tard, la mère d’Harold reçoit un appel étrange : un inconnu affirme posséder la voiture de son fils et propose de la lui rendre contre 1 000 dollars. À la rencontre, trois femmes vêtues de blanc se présentent. Elles se disent “sœurs Suzanne”, membres d’un groupe religieux. Elles prétendent que Harold et Tina ont rejoint une secte et renoncé à leur vie passée.

La police, naïvement, y croit. L’affaire est classée.

Une découverte inattendue

Des décennies plus tard, les familles apprennent avec horreur la vérité : Harold et Tina ont été assassinés. Mais Holly, leur fille, n’a jamais été retrouvée. En 2011, les enquêteurs lancent le Projet Espoir pour Holly, une campagne ADN nationale. Des dizaines de femmes se manifestent, croyant être cette enfant disparue. En vain.

Jusqu’à un détail inattendu : le prénom “Holly” est parfois écrit avec un “ie”, parfois avec un “y”. En voulant simplement vérifier l’orthographe exacte, les généalogistes demandent son certificat de naissance… qui leur est refusé. Étrange. Après plusieurs recours, la vérité éclate : un dossier d’adoption est scellé à son acte de naissance.

Holly avait été légalement adoptée.

Holly retrouvée vivante

L’émotion est indescriptible. Quarante et un ans après les meurtres, la petite Holly est retrouvée vivante et en bonne santé, mariée, mère de cinq enfants, grand-mère de deux petits. Elle ignorait tout de son passé.

Selon les archives, peu après le meurtre de ses parents, deux femmes vêtues de blanc – encore elles – ont déposé le bébé dans une église d’Arizona, disant appartenir à un groupe religieux nomade. L’enfant a été confié aux services sociaux, puis adoptée dans le cadre d’une procédure parfaitement légale. Ses parents adoptifs n’ont jamais su qu’elle était l’enfant d’un double meurtre.

Le plus troublant : la découverte de l’identité d’Holly coïncide exactement avec la date anniversaire de naissance de son père biologique, Harold Dean Clouse. Le destin, une fois de plus, semble avoir laissé sa signature.

Les retrouvailles et le silence

Quand la nouvelle lui est annoncée, Holly est sous le choc. Toute sa vie s’écroule et renaît à la fois. Les premières retrouvailles se font en visioconférence, puis en personne, en Floride, entourée de sa famille biologique en larmes.
“Elle a enfin su qu’elle avait été aimée, profondément aimée”, confiera plus tard la généalogiste Allison Peacock.

Aujourd’hui, Holly a choisi de préserver son anonymat. Elle vit paisiblement, loin du tumulte médiatique, pendant que les enquêteurs poursuivent leur travail.

Un culte inquiétant dans l’ombre

Les autorités concentrent désormais leurs efforts sur ce mystérieux groupe religieux évoqué à plusieurs reprises.
Ses membres, vêtus de longues robes blanches, marchaient pieds nus, refusaient de manger de la viande et prônaient la séparation stricte entre hommes et femmes. On les aurait vus entre le Texas, l’Arizona et la Californie dans les années 80.

Certaines femmes du groupe auraient déjà abandonné des nourrissons dans des lieux publics. Était-ce un acte “divin” ? Un sacrifice ? Ou une manière de “sauver” des enfants des “péchés” de leurs parents ? Personne ne le sait.

Le lien entre ce groupe et le meurtre de Harold et Tina Clouse reste à prouver, mais tout porte à croire qu’ils ont croisé leur route au mauvais moment.

Un drame familial et un symbole d’espoir

Aujourd’hui, la mère de Harold, âgée, s’est rendue sur les lieux du crime. Appuyée sur sa canne, elle a marché lentement sur le terrain marécageux où son fils et sa belle-fille ont été découverts.
“C’était doux et amer”, a-t-elle murmuré. “J’ai enfin pu leur dire au revoir.”

L’affaire, elle, reste ouverte. Quarante-quatre ans après les faits, les enquêteurs continuent de traquer les deux femmes en blanc et les membres du groupe nomade. Peut-être l’un d’eux détient encore le secret du double meurtre.

Mais une chose est sûre : dans ce drame où tout semblait perdu, une lumière subsiste. Celle d’un bébé devenu grand-mère, symbole d’une vie arrachée au chaos.

Holly Marie Clouse est vivante — et son existence, à elle seule, réécrit l’un des chapitres les plus mystérieux de l’histoire criminelle américaine.