Au milieu des marbres et des couloirs feutrés de Bruxelles, une scène à la fois inattendue et lourde de sens se déroule. Elle n’a pas eu lieu sous les projecteurs, mais à travers le ton urgent d’un échange épistolaire et diplomatique. La Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a adressé à la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, un appel vibrant, traduit par les observateurs en une formule percutante : « Ne quittez pas Bruxelles ! »

Ce n’est pas de la simple politique, c’est une alerte stratégique. Cette « supplication » est le signal d’une peur existentielle au cœur du projet européen : celle de voir un pilier majeur de l’Union faire sécession sur des dossiers clés, déclenchant un effet domino aux conséquences incalculables. Et dans ce bras de fer italo-bruxellois, la France, autrefois arbitre et moteur, se retrouve reléguée au rôle de spectatrice inquiète, affaiblie par ses propres turbulences internes.

Meloni, La « Pierre de Touche » d’une Europe Contestée

Depuis trois ans, Giorgia Meloni dirige l’Italie avec une stabilité politique que ses prédécesseurs n’avaient pas connue. Son gouvernement a dépassé les 104 jours en fonction le 20 octobre 2025, un record notable dans l’histoire post-guerre de la République italienne. Cette longévité lui confère une légitimité nouvelle, qu’elle utilise pour afficher une défense sans concession de la souveraineté nationale.

L’Italie, sous Meloni, n’est plus disposée à signer des chèques en blanc. La Premier ministre est devenue la « pierre de touche » de la fracture grandissante entre Rome et Bruxelles. Le 22 octobre 2025, elle a lancé un avertissement limpide : elle ne soutiendra pas la révision de la loi climat, proposée par la Commission, sans un « changement d’approche » fondamental. Elle ne s’arrête pas là. Elle utilise également ses prérogatives nationales, les fameux Golden Powers qui permettent à l’État de s’immiscer dans des secteurs stratégiques. Le 22 octobre 2025, Meloni a rappelé devant le Parlement que c’est aux États membres d’être les décideurs dans ce processus.

Cette affirmation de souveraineté a eu des répercussions concrètes. La Commission européenne envisageait, selon des informations du 23 octobre 2025, de lancer une procédure d’infraction contre Rome pour la manière dont elle utilise ces Golden Powers, notamment après l’échec d’une fusion bancaire de 15 milliards d’euros entre Unicredit et Banco BPM. Ce blocage est un signal fort : l’Italie n’entend pas céder sa souveraineté facilement.

Pour la Commission, dirigée par Von der Leyen, ces signaux sont des clignotants rouges. L’immobilisme de l’Italie sur le climat est un problème majeur, mais la tension est encore plus palpable sur le dossier migratoire.

L’Urgence de Bruxelles et La Peur du « Domino » Italien

Le 21 octobre 2025, Ursula von der Leyen a envoyé une lettre aux États membres, insistant sur l’accélération des retours de personnes en situation irrégulière, le renforcement des partenariats avec les pays non-membres de l’UE et, surtout, la mise en place immédiate d’un « cycle annuel de gestion migratoire ».

Le ton de cette lettre est urgent, presque alarmiste. Il affirme que la pression migratoire ne permet « plus de baisser la garde ». Elle précise également que les mécanismes de solidarité européens devront aller de pair avec des mesures de responsabilité, signifiant implicitement que les États doivent coopérer s’ils veulent continuer à bénéficier des aides.

C’est dans ce contexte que la position de Meloni prend toute sa valeur de monnaie d’échange. Le calendrier est serré : l’entrée en vigueur du Pacte Migration et Asile est prévue pour juin 2026, et les discussions stratégiques actuelles préfigurent l’Europe de demain. Si l’Italie, un État membre clé, bloque ou se retire d’un mécanisme stratégique, le risque est celui d’un « effet domino » qui pourrait inciter d’autres pays frustrés à suivre l’exemple.

C’est précisément cette menace d’éclatement politique qui alimente la « supplication » de Von der Leyen. Ce n’est plus de la simple diplomatie de bon ton, mais un « s’il vous plaît, ne partez pas ». Si l’Italie flanche, « qui va ramer pour tout le monde ? ».

Le Pilier Français Qui Craque : Paris en Retrait

Giorgia Meloni mong đợi Ursula von der Leyen sẽ thay đổi quan điểm về Thỏa thuận Xanh | Euractiv FR

L’inquiétude de Bruxelles est d’autant plus grande que l’allié traditionnel, censé faire contrepoids à toute velléité de blocage national, traverse une période de faiblesse chronique : la France.

Alors que l’Italie affiche sa stabilité, la France d’Emmanuel Macron est secouée par une instabilité politique sans précédent. Le Président, forcé de renoncer à des réformes phares, comme celle des retraites qu’il avait tant soutenue, voit ses ambitions réformistes s’effriter.

Cette fragilité interne a des répercussions directes sur la crédibilité économique et internationale du pays. Le 17 octobre 2025, l’agence de notation Standard and Poor’s a rétrogradé la note souveraine de la France, pointant du doigt non seulement des difficultés économiques, mais surtout une instabilité politique « la plus grave depuis 1958 ». Avec un déficit qui devrait atteindre 5,4 % du PIB en 2025, et une trajectoire de redressement incertaine, la France a perdu de sa marge de manœuvre et de son aura.

Une France affaiblie ne peut plus être le relais ni le pilier qu’on attend d’elle au cœur de l’Europe. Le marché a déjà envoyé un signal d’alerte : pour la première fois depuis des années, le coût d’emprunt à 10 ans de la France s’aligne désormais sur celui de l’Italie, un phénomène inédit qui témoigne de la dégradation de la perception française.

Dans ce contexte, la commission se retrouve face à un choix. Si la France n’est plus un partenaire solide, Bruxelles est contrainte de se tourner vers l’Italie. Et la supplication adressée à Meloni devient un message implicite à Paris : « Bougez, ou vous ne serez plus la voix centrale en Europe ». La France est perçue comme un partenaire « qui ne fait plus peur ».

Le Nouveau Triangle de Puissance et Le Risque de Relégation pour Macron

La scène européenne actuelle est un théâtre à trois personnages où les rôles ont été redistribués.

    Ursula von der Leyen : L’institution qui tente de maintenir l’ordre et d’éviter le chaos, contrainte de négocier et d’implorer.
    Giorgia Meloni : La dirigeante qui défend sa souveraineté, parle fort et impose le changement d’approche.
    Emmanuel Macron : Le président d’une puissance moyenne, en quête d’équilibre, mais qui écoute et reste en retrait.

Le silence prudent de l’Élysée, qui tente de calmer les tensions internes avant de se projeter sur la scène européenne, est un pari risqué. Si Meloni maintient son bras de fer et impose ses conditions, elle envoie un signal clair aux autres États membres : « Vous aussi, vous pouvez exiger davantage ». Cela bouleverse l’équilibre traditionnel et mine l’autorité de la Commission.

Le risque pour la France est double. D’une part, l’effet d’entraînement négatif du blocage italien affaiblirait l’ensemble de l’Union, réduisant la position française. D’autre part, si Paris continue d’être spectateur d’une partie qui se joue sans lui, il risque de se retrouver isolé, sans alliés solides, incapable de peser réellement dans les négociations.

La question que tout le monde se pose est simple : est-ce que Macron a suffisamment de leviers pour peser ? Les prochaines semaines, avec les discussions prévues à Bruxelles fin octobre et début novembre, seront décisives.

Meloni kontra von der Leyen. Narasta konflikt

Si l’Italie prend la main sur des sujets comme la migration, l’énergie ou la réforme du pacte de stabilité, la France devra choisir entre deux voies : redevenir moteur ou accepter d’être relégué. Car aujourd’hui, l’image du pays est celle d’un État qui subit plus qu’il n’anticipe.

La « supplication » de Von der Leyen à Meloni dépasse la simple anecdote politique. C’est la traduction de la peur de voir une Union européenne déjà fissurée perdre l’un de ses piliers les plus actifs. Au milieu de ce chaos silencieux, l’Europe traverse l’un des tournants les plus importants depuis sa création. L’une incarne la continuité du projet européen, l’autre incarne sa contestation. Et la France, jadis l’arbitre, devient le symbole d’une Europe qui doute d’elle-même.