Héritage Delon : la guerre familiale vire à la bataille judiciaire

Rien ne semble pouvoir apaiser les tensions au sein du clan Delon. Depuis la mort d’Alain Delon en 2024, ses trois enfants — Anouchka, Anthony et Alain Fabien — se livrent une véritable guerre de succession. Et ces derniers jours, un nouveau front s’est ouvert : le plus jeune fils de l’acteur accuse sa sœur d’avoir profité de la vulnérabilité de leur père pour obtenir une part disproportionnée de l’héritage.

À 31 ans, Alain Fabien Delon a choisi de porter l’affaire devant la justice. Dans une démarche qu’il présente comme un devoir moral plutôt qu’un combat financier, il a assigné sa sœur aînée, son frère, ainsi que trois exécuteurs testamentaires. Son objectif : obtenir l’annulation du second testament signé par leur père en 2022, ainsi que d’une donation majeure accordée à Anouchka quelques mois après.

Invité au micro de RTL le jeudi 11 décembre, il confie agir pour « faire respecter les dernières volontés » d’Alain Delon, qu’il estime « bafouées ». D’un ton grave, il assure : « Ce n’est pas une question d’argent. Certaines personnes mal intentionnées ont pu profiter d’un état de faiblesse de mon père à des fins pécuniaires. »

Deux testaments, deux visions de l’héritage

L’affaire commence bien avant le décès de l’acteur. En 2005, Alain Delon avait rédigé un premier testament. Celui-ci répartissait son patrimoine entre ses trois enfants : 50 % pour Anouchka, sa fille unique, et 25 % pour chacun de ses deux fils, Anthony et Alain Fabien. Un partage déjà inégal, mais qui semblait accepté.

Puis en 2022, alors qu’il se remet difficilement d’un AVC survenu en 2019, Delon signe un second testament. Cette fois, il désigne Anouchka comme unique héritière de son droit moral — un pouvoir symbolique et artistique majeur pour une figure du cinéma français. Trois mois à peine après cette signature, la jeune femme reçoit de son père une donation importante : 51 % des parts d’une société familiale.

Pour Alain Fabien, cela ne peut être le fruit du hasard. Il affirme que ce tournant juridique n’est « pas l’expression des dernières volontés » de son père mais plutôt le résultat de manipulations orchestrées alors que celui-ci n’était plus en mesure de décider pleinement.

« À partir du moment où vous reniez, vous empêchez deux autres enfants de profiter de leur nom, de leurs origines, c’est une forme de déni d’existence », explique-t-il, visiblement blessé par ce qu’il considère comme une injustice profonde.

Un père affaibli, une période trouble

Le fils cadet insiste lourdement : son père « était vulnérable » à partir de 2019. L’AVC dont l’acteur a été victime aurait laissé des séquelles lourdes, suffisamment pour que des médecins préconisent « une surveillance administrative et sociale ». Selon Alain Fabien, les dossiers médicaux attesteraient qu’Alain Delon n’a « réussi à passer aucun test cognitif » depuis son accident.

Cette fragilité serait au cœur du litige. Pour lui, une personne en situation de faiblesse aurait pu être influencée, et il juge que c’est précisément ce qui serait arrivé. Il accuse notamment Anouchka d’avoir dissimulé la gravité de l’état de santé de leur père et d’avoir permis — voire encouragé — certaines « actions tendancieuses ».

L’épisode qu’il décrit concernant la rédaction du testament de 2022 est particulièrement frappant : « Ils l’ont sorti de cette clinique, ils l’ont amené chez un notaire, ils lui ont fait signer un testament, puis ils l’ont ramené à la clinique. » Il concède ne pas avoir encore les preuves formelles d’un « détournement » ou d’un « vol », mais estime que toute l’opération est, au mieux, « douteuse ».

Des exécuteurs testamentaires contestés

Outre ses frères et sœurs, Alain Fabien met également en cause les trois exécuteurs testamentaires nommés dans ce second testament. Selon lui, ils auraient eux aussi profité de la situation, se retrouvant dans une position leur permettant d’influencer — ou de tirer profit — des décisions successorales.

Il affirme même qu’ils seraient prêts à vendre Douchy, la résidence emblématique d’Alain Delon dans le Loiret, devenue son lieu de repos éternel. Cette éventualité l’indigne profondément. « Ils se présentent comme les gardiens des dernières volontés de mon père… alors pourquoi seraient-ils prêts à vendre Douchy, sa dernière demeure ? »

Cette question, qu’il répète avec insistance, cristallise toute sa colère : l’idée que des personnes extérieures au noyau familial puissent disposer du patrimoine symbolique d’Alain Delon lui semble intolérable.

Un combat jusqu’au bout

Devant l’ampleur des accusations, un mot revient souvent dans la bouche d’Alain Fabien : « indignité successorale ». Cette procédure, rare et lourde, permet de déchoir un héritier de ses droits si celui-ci est reconnu coupable d’un comportement gravement préjudiciable envers le défunt. Le fils cadet affirme sans détour : « Je n’ai pas envie qu’elle touche quoi que ce soit, ni même un centime. »

Ses propos révèlent l’ampleur du fossé qui sépare aujourd’hui les trois enfants Delon. Là où d’autres familles tenteraient une médiation, lui annonce être prêt à aller « jusqu’au pénal ». La guerre d’héritage se transforme ainsi en duel judiciaire, mêlant émotion, frustration et une profonde impression de trahison.

Un feuilleton familial au parfum de tragédie

La succession d’Alain Delon, figure iconique du cinéma français, prend des allures de tragédie grecque. Les enjeux dépassent largement les questions financières : ils touchent à l’identité, au respect du père disparu, au sentiment d’injustice et au besoin de reconnaissance.

Derrière les déclarations publiques d’Alain Fabien transparaît une profonde douleur familiale. Le récit qu’il en fait évoque une relation brisée entre frère et sœur, un père affaibli, un patrimoine symbolique menacé, et une bataille juridique dont l’issue reste incertaine.

Ce conflit, qui semblait n’être qu’une affaire privée, s’étale désormais au grand jour et captive l’opinion. Comme souvent dans les dynasties artistiques, le nom, l’image et l’héritage prennent une dimension presque mythique, révélant les tensions, les rivalités et les blessures anciennes.

La justice, désormais saisie, aura la lourde tâche de démêler le droit des émotions, la réalité des suppositions, et la volonté authentique d’un homme dont la légende continue, même après sa mort, de diviser ceux qu’il laisse derrière lui.