Le Petit Prince de la chanson s’est éteint : adieu à Pascal Krug, idole oubliée des années 60

Il avait conquis le cœur du public avec son sourire candide et sa voix d’enfant dans les années 1960. Le 26 juillet dernier, Pascal Krug, plus connu sous le nom de scène Le Petit Prince, s’est éteint à l’âge de 73 ans en Suisse, mettant un point final à une vie marquée par une gloire précoce, des blessures silencieuses et un retour tardif à la musique.

Une étoile filante dans le ciel yéyé

C’est entre 1963 et 1964 que Pascal Krug, alors âgé d’à peine 11 ans, devient une véritable sensation. Le jeune garçon, originaire de Suisse, se lance dans la chanson sous le nom de “Le Petit Prince”, un surnom poétique et bien choisi tant il incarne à l’époque la douceur, l’innocence et l’espoir.

Parmi les titres qui l’ont fait connaître, on retrouve notamment C’est bien joli d’être copains, Tout sauf une rose et le duo Chante avec moi avec Frank Alamo, une autre figure de la scène yéyé. Sa voix enfantine, sa fraîcheur et son charisme naturel séduisent un public en quête de nouveauté et de tendresse dans un paysage musical en pleine effervescence.

Sous l’aile de Claude François

Le succès fulgurant du Petit Prince attire rapidement l’attention des plus grandes stars du moment. Parmi elles, Claude François, véritable monstre sacré de la chanson française, voit en lui un talent prometteur. Touché par la candeur et la justesse de l’enfant chanteur, il décide de le prendre sous son aile.

Pascal Krug participe alors à quatre tournées aux côtés de “Cloclo”, assurant ses premières parties avec brio. Cette collaboration le propulse davantage sous les projecteurs. Il collabore également avec Eddy Mitchell comme choriste, une opportunité rare pour un artiste aussi jeune.

Et comme pour graver son nom dans l’histoire, Pascal Krug fait partie de la fameuse “Photo du siècle”, prise en 1966 par le magazine Salut les copains. Cette image emblématique réunit les plus grandes figures du mouvement yéyé et témoigne de la place, certes brève mais marquante, qu’il a occupée dans cette époque.

Le silence après le cri : une gloire interrompue par la mue

Mais la magie s’interrompt brutalement. Comme beaucoup d’enfants chanteurs, Pascal Krug est confronté à un obstacle biologique inévitable : la mue. Sa voix change, son timbre si particulier disparaît, et avec lui, son public. À peine âgé de 13 ans, il se retrouve éjecté de la scène médiatique sans véritable transition.

Ce retour à l’anonymat est brutal. Le jeune garçon, qui avait goûté à la lumière, se retrouve plongé dans l’ombre. Il ne retrouve jamais la même reconnaissance artistique malgré quelques tentatives, et cette période d’éblouissement précoce laisse des traces indélébiles dans sa vie d’adulte.

Une vie marquée par la douleur et la résilience

Sur son site internet personnel, Pascal Krug avait partagé, avec une grande sincérité, les tourments qu’il avait traversés après la fin de sa carrière précoce. Il évoquait “plus de 40 ans de vie tristounette“, marqués par la dépression, l’alcool, et les difficultés personnelles.

Pourtant, tout n’a pas été noir. Il a connu l’amour, s’est marié, et a eu cinq enfants : Fanny, Alice, Sabine, Silas et Loyse. Il travaillera pendant vingt ans comme fonctionnaire, un métier qui lui apporte une certaine stabilité. Mais après son divorce, sa santé mentale vacille à nouveau. L’homme est mis au bénéfice de l’assurance invalidité, victime d’une spirale dépressive accentuée par la solitude et l’alcool.

Loin des projecteurs, Pascal Krug continue malgré tout de chercher un sens à sa vie. Il s’accroche à ce qu’il lui reste : sa famille, ses souvenirs, et surtout, sa musique.

Un retour discret, mais déterminé à la musique

Des décennies après sa courte carrière, Pascal Krug retrouve peu à peu l’envie de créer. Il se remet à la chanson, non plus pour la gloire, mais pour le plaisir, pour se reconstruire. Il enregistre deux CD, fruits d’une passion jamais éteinte.

Plus qu’un projet artistique, ce retour est pour lui une thérapie, un moyen de renouer avec l’enfant qu’il avait été. Il espérait ardemment pouvoir se produire à nouveau sur scène, devant un public, ne serait-ce qu’une dernière fois. “Retrouver la raison de vivre”, disait-il, voilà ce que représentait la musique pour lui.

Un adieu émouvant à une figure méconnue de la chanson française

La nouvelle de sa mort, le 26 juillet 2025, a ému les amateurs de la chanson française et les nostalgiques d’une époque révolue. Si son nom n’est peut-être plus familier aux jeunes générations, ceux qui ont vécu les années 60 se souviennent du Petit Prince, ce garçon au regard tendre qui avait su charmer la France.

Ses obsèques auront lieu le 31 juillet prochain à 16h30 au Centre funéraire de Montoie à Lausanne, en Suisse, pays où il résidait depuis plusieurs années.

Pascal Krug laisse derrière lui une empreinte discrète mais sincère, celle d’un artiste au parcours atypique, fauché en plein vol par les caprices de la biologie, mais qui n’a jamais cessé de croire en la puissance de la musique.

En mémoire du Petit Prince

La trajectoire de Pascal Krug est un rappel poignant des destins brisés que cache parfois la lumière des projecteurs. Il aura été un symbole d’innocence et de talent précoce, emporté trop tôt par une société qui célèbre les étoiles filantes sans toujours leur offrir un lendemain.

Mais à travers ses chansons, ses enfants, et le souvenir qu’il laisse à ceux qui l’ont connu, le Petit Prince ne disparaît pas. Il rejoint discrètement les étoiles, là où brillent ceux qui, même brièvement, ont su faire rêver.