Guillaume Depardieu, la lumière brisée d’un acteur d’exceptionGuillaume Depardieu : de quoi est mort le fils de Gérard Depardieu ? -  Public

Le 13 octobre 2008, le cinéma français perdait l’un de ses talents les plus bouleversants : Guillaume Depardieu, emporté à seulement 37 ans par une infection foudroyante. Fils de Gérard et Élisabeth Depardieu, frère de Julie, il avait su, malgré le poids d’un nom légendaire, se construire une identité propre et une carrière marquée par une intensité rare. Dix-sept ans après sa disparition, son destin continue de hanter ceux qui ont croisé sa route, tant il fut traversé de passions, de douleurs et d’une quête incessante de vérité.


Un héritage lourd à porter

Né dans une famille où le cinéma coulait dans les veines, Guillaume Depardieu n’a pourtant jamais eu la vie facile. Il disait souvent que son père l’avait eu trop tôt, et que sa mère, Élisabeth Depardieu, avait pris du Distilbène pendant sa grossesse – un médicament qui aura des conséquences sur sa santé et son équilibre psychologique. Très jeune, Guillaume se débat avec des démons intérieurs : dépression, anxiété, troubles alimentaires, dépendance à l’alcool et à la drogue.

L’adolescence rebelle du fils Depardieu se mue vite en tragédie. En 1993, il est arrêté pour possession et trafic d’héroïne, puis incarcéré. Mais derrière les frasques et les excès, il y a déjà un acteur, un artiste en devenir, habité par une sensibilité brute et désarmante.


Un talent éclatant, une carrière fulgurante

C’est sur les plateaux de tournage que Guillaume trouve un sens à sa vie. Il débute aux côtés de son père dans Tous les matins du monde d’Alain Corneau, puis s’affirme dans La Cible émouvante et Les Apprentis de Pierre Salvadori. Ce dernier film lui vaut, en 1996, le César du Meilleur espoir masculin.

Sa présence à l’écran, à la fois magnétique et vulnérable, fascine. On y sent toujours cette tension entre la rage et la fragilité, entre la colère et l’amour. Guillaume Depardieu ne joue pas : il se livre.

Mais le destin, une fois encore, va lui tendre un piège cruel.


L’accident qui a bouleversé sa vie

En 1995, alors qu’il roule à moto dans le tunnel de Saint-Cloud, une valise tombe du toit d’une voiture. Le choc est inévitable. Guillaume chute lourdement et se blesse grièvement au genou. Il est hospitalisé à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches. Commence alors un calvaire médical : dix-sept opérations en un an, des douleurs insoutenables et, surtout, une infection nosocomiale contractée à l’hôpital — deux souches de staphylocoques dorés, parmi les plus agressives.

Les années suivantes seront celles d’un combat incessant. Malgré les antibiotiques, les opérations, la morphine, la souffrance ne le quitte jamais. Après huit années de traitements et d’espoirs déçus, Guillaume prend une décision radicale : l’amputation de sa jambe droite.

« Il avait un seuil de tolérance à la douleur incroyable », confiera plus tard sa sœur Julie. « À tel point qu’on finissait par l’oublier, sa souffrance, comme lui d’ailleurs. »La justice a tué [son] fils", selon Gérard Depardieu


Un homme debout, malgré tout

Guillaume Depardieu refuse la pitié. Il se remet debout grâce à une prothèse et poursuit sa carrière, déterminé à vivre et à créer. Son livre, Tout donner, publié quelques années avant sa mort, révèle un homme lucide, conscient du mal qui le ronge. Il y raconte son long parcours médical :

« Un jour, mon genou s’est mis à enfler, et on a découvert que j’avais une infection. On me réopérait, on grattait les ligaments… Il en restait de moins en moins. On se rapprochait de plus en plus de la solution : soit une jambe raide à vie, soit l’amputation. »

Guillaume choisira la seconde, pour enfin cesser de souffrir. Mais cette décision ne met pas fin à son combat. L’infection, invisible et tenace, continuera de le fragiliser.


L’amour, la paternité et le cinéma comme refuges

Malgré les épreuves, Guillaume Depardieu connaîtra aussi des moments de lumière. Il devient père d’une fille, Louise, née de sa relation avec la comédienne Élise Ventre. Le couple se sépare en 2006, mais Guillaume reste profondément attaché à sa fille, qu’il décrit comme sa raison de vivre.

Sur le plan artistique, il multiplie les rôles marquants. En 2000, il affronte son père à l’écran dans Aime ton père, film à la fois symbolique et thérapeutique, tant leur relation fut complexe. Sous la direction de Josée Dayan, il participe également à Le Comte de Monte Cristo et Les Misérables, où il incarne Gérard Depardieu jeune.

À travers ces rôles, Guillaume semble exorciser ses blessures. Son jeu, toujours empreint d’émotion brute, touche par sa sincérité et son intensité. Il ne triche jamais.


La rechute et la fin tragique

En 2008, Guillaume tourne en Roumanie L’Enfance d’Icare d’Alex Iordăchescu, avec Alysson Paradis. Mais le tournage vire au drame. Fragilisé par les séquelles de son infection, il contracte une pneumonie foudroyante causée par un staphylocoque doré résistant à la méticilline. Il est rapatrié en urgence à l’hôpital de Garches — le même lieu où, treize ans plus tôt, son calvaire avait commencé.

Trois jours plus tard, le 13 octobre 2008, Guillaume Depardieu s’éteint. Il avait 37 ans.


Un adieu bouleversant

L’annonce de sa mort provoque une onde de choc dans le monde du cinéma. À ses obsèques, au cimetière de Bougival, se pressent des personnalités comme Carla Bruni-Sarkozy, Luc Besson, Bertrand Blier, Claude Berri, Clotilde Courau, Lou Doillon, Jean-Louis Aubert ou Claire Chazal. Tous viennent saluer cet acteur à la fois incandescent et brisé, dont la vie fut un combat permanent.

Lors de la cérémonie, Gérard Depardieu lit un extrait du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, un texte que Guillaume aimait profondément. Plus tard, une illustration du Petit Prince sera gravée sur la stèle de sa tombe, comme un symbole de pureté, d’innocence et de fragilité retrouvée.


Un destin tragique, une âme indomptable

Guillaume Depardieu aura vécu mille vies en une seule. Il aura aimé, chuté, souffert, ri, joué, pleuré — toujours à l’excès. Son parcours, marqué par la douleur physique et morale, révèle aussi une force de caractère inouïe. Il refusait la complaisance, rejetait la facilité, et cherchait avant tout la vérité — sur scène comme dans la vie.

Son absence laisse un vide immense, mais son souvenir demeure. Derrière les blessures et les excès, il reste cette flamme — celle d’un homme libre, sincère, terriblement humain.

Guillaume Depardieu, en service commandé aux Correspondances de Manosque -  Le Tadorne


Guillaume Depardieu (1971 – 2008)
Un comédien habité, un cœur écorché, un être d’absolu.
Dix-sept ans après sa disparition, son regard continue de briller dans la mémoire du cinéma français.