Garou : du scandale de Criminel à la sérénité retrouvéeCriminel

Ce dimanche 9 novembre 2025, France 2 accueille dans Un dimanche à la campagne un invité que le public n’a jamais oublié : Garou. Sous la houlette de Frédéric Lopez, le chanteur québécois partagera la table et les souvenirs avec l’actrice Sylvie Testud et l’ancien garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti.
Une occasion rêvée de revenir sur le parcours d’un artiste au charisme singulier, devenu en un quart de siècle l’un des visages les plus populaires de la chanson francophone. Mais aussi sur l’un des épisodes les plus controversés de sa carrière : la vive polémique autour de la chanson Criminel, parue sur son tout premier album solo, Seul, en 2000.


L’ascension fulgurante d’un chanteur au grand cœur

Avant de devenir une star de la chanson, Garou — de son vrai nom Pierre Garand — est avant tout un artiste de scène. En 1998, il se révèle au grand public dans Notre-Dame de Paris, la comédie musicale culte de Luc Plamondon et Richard Cocciante. Dans le rôle de Quasimodo, il bouleverse les spectateurs par sa voix rauque et sa sincérité.
Face à Hélène Ségara, émouvante Esméralda, il livre une interprétation inoubliable du titre Belle, devenu instantanément un classique de la chanson française. Le succès est planétaire : des millions d’albums vendus, des tournées triomphales, et un nouveau chouchou du public francophone est né.

Fort de cette notoriété, Garou se lance en solo. Son premier album, Seul, sort en novembre 2000. Porté par des titres emblématiques comme Sous le vent (en duo avec Céline Dion) ou Gitan, le disque s’arrache à plus de deux millions d’exemplaires. L’artiste est alors au sommet.
Mais derrière le triomphe commercial, une chanson vient troubler la fête : Criminel. Un titre sombre, écrit par Luc Plamondon, qui va déclencher une onde de choc.

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La chanson qui a fait scandale

Criminel se distingue du reste de l’album par son sujet dérangeant. Le texte raconte l’histoire d’un homme adulte entretenant une relation avec une jeune fille de quatorze ans. Dès sa sortie, les paroles suscitent la stupeur :

« On dirait qu’elle sort des jupes de sa maman,
On croirait qu’elle n’a jamais eu d’amant.
Mais méfiez-vous de la femme enfant,
Méfiez-vous de ses quatorze ans. »

Le narrateur y semble dépassé par sa propre attirance et rejette la faute sur l’adolescente :

« À cause d’elle […] ils vont m’emmener et ils vont m’enfermer, ils vont me jeter au trou. »
Et encore : « Si tu me touches, si sur moi tu te couches… »

Pour beaucoup, ces phrases dépassent la simple provocation artistique. Le malaise est immédiat, particulièrement en Suisse, où le titre est dénoncé par des associations de protection de l’enfance.
Parmi elles, une femme, Caroline Jeckelmann-Bünzli, décide de tirer la sonnette d’alarme après avoir écouté le disque. Indignée, elle déclare dans Le Temps :

« Criminel banalise la pédophilie. Avant que cette chanson ne parvienne à mes oreilles, un parolier l’avait écrite, un chanteur l’avait choisie, un producteur l’avait validée, et personne n’avait réagi. Alors j’ai décidé de le faire. »

Son cri d’alerte provoque une réaction en chaîne. Plusieurs organisations, dont le CIDE (Comité international pour la dignité de l’enfant) et l’association La Mouette, exigent le retrait de la chanson des ondes. Georges Glatz, fondateur du CIDE, s’indigne :

« En deux mots, je trouve cela assez dégueulasse. Cette chanson peut raviver les blessures des victimes et dédouaner ceux qui éprouvent des pulsions pédophiles. »

Même son de cloche du côté d’Annie Gourgue, présidente de La Mouette :

« Des paroles comme celles de Criminel accréditent l’idée qu’un adulte peut coucher avec une adolescente. Elles s’insinuent dans les mémoires comme des messages subliminaux. »

Face à la polémique, certaines radios réagissent rapidement. En Suisse, la RSR-La Première choisit de ne pas diffuser le titre. Sa responsable des programmes, Anne-Marie Urech, tranche sans détour :

« Je ne passe pas ce genre de chanson à l’antenne. Les auditeurs réagiraient vivement, comme pour d’autres titres plus anodins. »


Une affaire symptomatique d’une époque en mutation

Cette controverse rappelle d’autres scandales dans la chanson française. Avant Garou, Serge Gainsbourg avait déjà choqué avec Lemon Incest (1984), et Serge Lama avec Viens chez moi, j’habite chez une copine. Mais au tournant des années 2000, la société a changé.
La sensibilisation aux violences sexuelles, notamment celles commises sur les mineurs, est bien plus forte. Le public tolère de moins en moins les ambiguïtés artistiques autour de ces thèmes.

Pour autant, ni Garou ni Luc Plamondon ne commenteront jamais l’affaire. Le chanteur choisit le silence, préférant se concentrer sur la promotion d’un album qui, malgré la polémique, connaît un succès colossal. Le titre controversé, lui, disparaît progressivement des playlists et des concerts.


De la tempête au calme : un artiste apaisé

Vingt-cinq ans plus tard, Garou regarde son parcours avec recul. Depuis Seul, il a sorti neuf albums studio, explorant aussi bien la chanson originale que les reprises, comme Garou joue Dassin en 2022.
En avril 2025, il publie un nouvel opus, Un meilleur lendemain, qu’il décrit comme « un redémarrage et en même temps un bilan ». Dans un entretien à Franceinfo, il confie :

« Je me suis livré comme jamais. Cet album, c’est un arrêt sur image d’un mec de 52 ans qui regarde tout son passé, qui en est fier et qui regarde l’avenir avec positivisme. »

Devenu un visage familier de la télévision, Garou a également été coach dans The Voice en France et au Québec, et s’apprête à diriger la prochaine édition de la Star Académie québécoise. Pourtant, loin du tumulte médiatique, c’est dans la nature qu’il puise son équilibre.

Installé au cœur de la forêt québécoise, il y mène une existence simple et authentique. Pendant la pandémie, il s’est découvert une nouvelle passion : la récupération de bois anciens et la production artisanale de sirop d’érable.

« Ma chérie n’en peut plus parce que dès 6 heures du matin, je veux aller dans la forêt. Je passe mes journées à couper du bois ou à travailler sur ma cabane à sucre », confiait-il en riant.

Sur sa vaste propriété, il a aussi transformé une vieille grange en studio d’enregistrement. Un refuge musical où il compose, en toute liberté, loin des polémiques. C’est d’ailleurs là qu’il a enregistré une partie de Un meilleur lendemain, avant de préparer sa tournée 2026, qui passera notamment par le théâtre Bobino à Paris.


Garou, le survivant de la chanson française

Si le scandale de Criminel appartient désormais au passé, il reste un épisode marquant de la carrière de Garou, rappelant que même les artistes les plus populaires ne sont pas à l’abri des controverses. Pourtant, vingt-cinq ans après, le chanteur a su transformer l’épreuve en maturité.
Entre introspection, retour aux sources et amour du public, Garou incarne aujourd’hui une figure rare : celle d’un artiste qui a traversé les tempêtes sans jamais trahir sa voix, ni son humanité.