Procès Vincent Cerutti : un matin sous tension au tribunal, entre accusations, défense et climat de rédaction sous microscope

Ce mardi 9 décembre 2025, l’atmosphère est lourde au sein de la 10ᵉ chambre du tribunal correctionnel. Dès l’aube, journalistes, curieux et professionnels du milieu médiatique se pressent devant les portes, tous venus assister à la comparution très attendue de Vincent Cerutti. L’ancien animateur vedette de Chérie FM répond en justice à des accusations d’agression sexuelle, faisant suite à la plainte déposée par une ancienne collègue, Caroline Barel. À ses côtés dans la salle, sa compagne Hapsatou Sy, venue lui témoigner un soutien discret mais remarqué.

L’audience, annoncée depuis plusieurs semaines, s’inscrit dans un climat de forte médiatisation. Depuis la révélation de l’affaire par Le Parisien en octobre 2023, les témoignages se sont succédé, dessinant un tableau troublant du quotidien au sein de l’équipe du « Réveil Chérie ». Dans ce décor, la justice doit désormais trancher la question centrale : les gestes de Vincent Cerutti relèvent-ils de la « plaisanterie potache » qu’il revendique, ou s’apparentent-ils à des actes d’agression sexuelle et de harcèlement ?

Un récit de faits précis et documentés

Lorsque le président du tribunal prend la parole pour rappeler les faits, la salle, déjà sous tension, se fige davantage. Selon l’enquête, deux épisodes distincts sont reprochés à l’animateur. Tous deux impliquent des morsures aux fesses infligées à Caroline Barel sur leur lieu de travail.

La première scène se serait déroulée au sein du bureau de l’équipe matinale, et ce, devant cinq témoins. La seconde aurait eu lieu lors d’une photo de groupe, profitant — selon les termes retenus par le tribunal — « de l’inattention » de la plaignante. Caroline Barel présente au dossier une photo de l’hématome laissé par l’une des morsures, ainsi que plusieurs témoignages corroborant ses dires.

Dans le même temps, les dépositions dessinent le portrait d’une ambiance de rédaction particulière, où l’humour parfois lourd semble avoir été monnaie courante. Un témoin affirme : « Il faut savoir qu’il est très souvent alcoolisé, même à l’heure de la matinale. » Une affirmation qui, bien que consignée au dossier, ne donne pas lieu à des poursuites distinctes mais alimente un arrière-plan pesant.

Des témoignages qui s’accumulent et renforcent les interrogations

L’audience se poursuit avec l’intervention de plusieurs anciens collaborateurs. Parmi eux, la présentatrice Laurie Cholewa, ancienne coanimatrice du « Réveil Chérie ». Celle-ci confirme à la barre qu’elle-même a déjà été mordue par Vincent Cerutti. Un geste qu’elle dit avoir vécu comme « déplacé », mettant ainsi un peu plus en lumière un comportement qui ne serait pas isolé.

Car ces témoignages, loin d’être anecdotiques, se multiplient. Certains membres de l’équipe évoquent une sorte de « rituel » au sein de la rédaction. L’un déclare même que l’animateur aurait mordu « 90 % de l’équipe », estimant que « c’est un jeu pour lui, il trouve ça drôle ». Ce chiffre, évidemment symbolique, illustre néanmoins la perception générale d’un comportement répété, toléré par certains, subi par d’autres.

Un autre détail marquant revient dans les témoignages : la proposition faite par la direction de la radio à Caroline Barel d’une rupture conventionnelle. Si ce type de proposition ne constitue pas en soi une reconnaissance de faute, il s’inscrit dans un contexte flou qui interroge sur la gestion interne de la situation.

La parole de la plaignante : entre douleur personnelle et sentiment d’injustice

À la barre, Caroline Barel apparaît fragilisée, et cela pour plusieurs raisons. La jeune femme, profondément marquée par le décès récent de sa mère, avait confié à ses collègues que ces « plaisanteries » ne l’amusaient absolument pas. « Elle l’a toujours dit », confirme un témoin. Son malaise est donc loin d’être une reconstruction tardive : il s’inscrit dans une gêne exprimée dès les faits.

Aujourd’hui, Caroline Barel ne travaille plus dans les médias. Elle s’est reconvertie dans le commerce de vêtements, loin de l’univers radiophonique auquel elle aspirait initialement. À la barre, elle laisse transparaître un mélange de colère et de résignation :
« Lui, il est toujours à la radio. Je trouve ça injuste. »

Cette phrase, simple mais puissante, résonne dans la salle. Elle donne une dimension humaine à une affaire judiciaire souvent résumée à des faits bruts : ici, il est question aussi de trajectoire de vie brisée, de carrières détournées, de rapports de force tacites dans le milieu médiatique.

Une défense qui s’organise autour de la notion de “plaisanteries réciproques”

Face à ces accusations, Vincent Cerutti adopte une ligne de défense constante : selon lui, il ne s’agissait que de « plaisanteries potaches réciproques sans caractère sexuel ». L’animateur conteste donc toute intention agressive, évoquant un cadre humoristique partagé.

Cette défense prend un relief particulier lorsque l’on observe la présence à ses côtés de son avocat, Antoine Vey, connu pour sa rigueur et sa capacité à structurer des dossiers complexes. L’objectif est clair : démontrer que le contexte global prêtait à ce type de comportements, que ceux-ci ne relevaient ni de la contrainte, ni de la domination, ni d’une intention malveillante.

La question demeure toutefois : dans un environnement de travail, où s’arrêtent les « blagues » et où commence la violation des limites personnelles ? Le procès n’a pas pour rôle d’apporter une réponse générale, mais la ligne de fracture est au cœur des débats.

Un procès observé comme un possible tournant

Au-delà des faits et des témoignages, l’audience soulève une problématique plus large : celle des limites du harcèlement au travail, en particulier dans les milieux à forte proximité et à humour omniprésent comme celui des médias. Les pratiques décrites par les témoins ne sont pas seulement jugées à la lumière du droit, mais aussi à celle d’une société en pleine évolution sur les questions de consentement, de respect et d’autorité.

Le renvoi de Vincent Cerutti en correctionnelle en octobre 2025 avait déjà marqué une première étape symbolique. Mais c’est l’issue de ce procès, très suivi, qui pourrait faire référence. Beaucoup y voient un signal : celui du refus croissant de banaliser certaines attitudes sous prétexte de camaraderie, surtout lorsqu’elles créent un malaise exprimé et ignoré.

Un verdict attendu, une profession attentive

Au terme de cette audience dense, le tribunal s’apprête à délibérer. La condamnation n’est pas acquise, et la présomption d’innocence demeure intacte tant que la justice n’a pas rendu son verdict. Pourtant, quelle que soit l’issue, ce procès aura déjà eu un impact considérable dans le secteur médiatique.

Entre les témoignages contradictoires, les souvenirs douloureux et la défense ferme de l’accusé, l’affaire Cerutti met en lumière les zones grises qui subsistent encore dans de nombreuses entreprises. Et elle rappelle que, derrière les micros et les sourires de l’antenne, se cachent parfois des relations professionnelles bien plus complexes qu’il n’y paraît.