Zaz : De la voix brisée aux confidences libératrices, portrait d’une artiste en pleine renaissance

Elle est l’une des voix les plus reconnaissables de la chanson française. Quinze ans après l’explosion de Je veux, ce tube entêtant qui a conquis des millions d’oreilles, Zaz reste une figure incontournable. Plus de cinq millions d’albums vendus en France, des tournées à guichets fermés en Allemagne, en Suisse, en Autriche… La chanteuse au timbre rauque et à l’énergie communicative a bâti une carrière solide, loin des modes éphémères. Pourtant, derrière les projecteurs, Isabelle Geffroy – son vrai nom – cultive une discrétion presque farouche. Fuyant habituellement les médias, elle a surpris tout le monde en acceptant, il y a quelques mois, de rejoindre la quatorzième saison de The Voice aux côtés de Vianney, Florent Pagny et Patricia Kaas. Un retour télévisuel qui, selon certaines rumeurs, n’aurait pas été exempt de tensions sur le plateau, notamment avec cette dernière.

À 45 ans, Zaz signe son grand retour discographique avec Sains et saufs, son sixième album studio, sorti le 19 septembre dernier. Un opus introspectif, presque cathartique, dans lequel elle se livre comme rarement. Interrogée par Le Parisien, elle confie : « Je ne me suis jamais autant investie. Après tout ce que j’ai traversé, je suis plus à l’écoute et respectueuse de moi. » Ces mots résonnent comme une promesse de renaissance, celle d’une femme qui a appris à panser ses plaies pour mieux chanter ses vérités.

Une annulation brutale : quand la voix dit stop

Lundi 27 octobre, un message laconique sur Instagram a plongé ses fans dans l’inquiétude. Zaz annonce l’annulation de deux concerts prévus les 27 et 28 octobre : le premier au Radiant-Bellevue à Lyon, le second à la Maison de la Culture de Clermont-Ferrand. « Les concerts prévus le 27 octobre au Radiant à Lyon et le 28 octobre à la maison de la culture à Clermont Ferrand sont annulés », écrit-elle, la gorge nouée par l’émotion. Elle qui avait tenu bon la veille à Avignon – « c’était déjà miraculeux de chanter hier soir » – doit cette fois-ci capituler.

« Mais là je suis totalement aphone avec une sensation de couteaux dans la gorge… Impossible de chanter et je suis donc obligée de me reposer », explique-t-elle avec une sincérité désarmante. Ces lignes, publiées en story éphémère, traduisent une douleur physique autant qu’un regret profond. Zaz, connue pour son énergie débordante sur scène, se retrouve réduite au silence par une laryngite carabinée. « Je suis tellement désolée. Je vais retrouver ma voix très vite et vous retrouver à Bordeaux et Toulouse. Prenez soin de vous », conclut-elle, fidèle à son humanité chaleureuse.

Ce contretemps n’est pas anodin. Il rappelle que derrière l’artiste infatigable se cache une femme vulnérable, dont la voix – cet instrument si précieux – peut flancher sous la pression des tournées marathon. Annuler deux dates, c’est aussi priver des milliers de spectateurs d’un moment de communion. Pourtant, Zaz choisit la santé plutôt que l’orgueil. Un geste de maturité qui fait écho à l’esprit de son nouvel album : écouter son corps, respecter ses limites.

Sains et saufs : un album miroir

Sains et saufs. Le titre sonne comme un mantra, une prière laïque pour ceux qui ont frôlé le gouffre. Dans cet opus, Zaz explore des territoires intimes avec une franchise rare. Pas de filtres, pas de faux-semblants. Elle y parle d’amour, de résilience, mais surtout de ses anciennes démons : l’alcool, la cigarette, les excès qui ont jalonné son parcours.

« Je suis excessive, addict à tout », avoue-t-elle au Parisien. Une confession qui glace le sang par sa lucidité. « J’ai commencé très tôt, à 13 ans. Quand on vit des choses terribles, il faut une soupape, heureusement que j’ai eu ça. Sinon je serais morte… Enfin, je suis morte plein de fois… » Ces mots, prononcés sans pathos, dessinent le portrait d’une adolescente en survie, cherchant dans les paradis artificiels un refuge contre les tempêtes intérieures.

L’alcool, d’abord festif, devenait parfois ingérable. « Déjà que je suis cash et émotive, je balançais de ces trucs… », se souvient-elle avec un sourire en coin. La cigarette, le café – jusqu’à sept tasses par matin – complétaient le tableau d’une addiction tentaculaire. Puis vint le déclic, il y a cinq ans. Un jeûne salvateur, une rupture nette avec ces béquilles toxiques. « J’ai tout arrêté, l’alcool, les clopes, le café. » Une décision radicale, presque monacale, qui a permis à Zaz de renaître.

De la rue aux fauteuils rouges : un parcours atypique

Avant Je veux, il y avait les trottoirs parisiens, les cafés-concerts, les battles de rue. Zaz a appris la musique en marge, loin des conservatoires. Cette liberté originelle irrigue encore sa musique : un mélange de jazz manouche, de chanson réaliste et de soul latine. Son timbre éraillé, sa diction théâtrale, ses textes en français populaire… Tout chez elle défie les codes de la variété lisse.

Son passage dans The Voice a donc quelque chose de paradoxal. Habituée à fuir les caméras, elle accepte de coacher des talents naissants. Pourquoi maintenant ? Peut-être pour transmettre, pour rendre ce qu’elle a reçu dans les écoles de musique associatives. Peut-être aussi pour se confronter à elle-même, dans un rôle de grande sœur bienveillante. Les rumeurs de frictions avec Patricia Kaas ? Zaz n’en pipe mot. Elle préfère laisser la musique parler.

Une voix pour demain

Aujourd’hui, Zaz se reconstruit en public. Sains et saufs n’est pas qu’un album : c’est un journal de bord, un acte de foi en la guérison. En annulant ses concerts, elle montre qu’on peut être une star et reconnaître ses faiblesses. En parlant de ses addictions, elle brise le tabou sans verser dans l’exhibitionnisme.

À Bordeaux et Toulouse, elle remontera sur scène dès que possible. Sa voix, cette complice fragile, aura retrouvé sa puissance. Et le public, lui, sera là, prêt à accueillir une Zaz plus forte, plus vraie. Car c’est cela, finalement, la magie de cette artiste : transformer les épreuves en chansons qui nous sauvent, nous aussi, un peu.